Les faits sont si gravissimes qu’on ne trouve même pas les mots justes pour les qualifier. Dakar, complètement sevré d’eau potable, pendant plus de 2 semaines. Il faut l’avoir, vécu atrocement, dans sa chair, pour le croire. Après plus de 50 ans d’indépendance, en plein 21ème siècle… C’est à peine si on arrive à croire à ce que l’on voit… Avec à la clé, une série d’explications, plus mensongères les unes que les autres, faussement débitées par une longue chaîne d’incompétences et d’irresponsabilités de la SDE, de la Sones et du ministre de l’Hydraulique. Et les rodomontades du Premier ministre et du Président de la République n’y ont servi à rien. Absolument rien du tout !
A la vue du spectacle désolant de ces hommes et femmes, portant des bassines, seaux et bidons vides, sillonnant les artères de Dakar, à la recherche du liquide précieux, alors là, c’est comme si le Sénégal était projeté 60 ans auparavant, dans les bas-fonds de la Colonisation…
Revenu dare-dare de New York, le Chef de l’Etat a présidé un Conseil des ministres où il n’en est rien sorti. A part «réitérer sa solidarité aux populations» et annoncé un audit organisationnel, technique et financier et d’assurance-qualité des ouvrages hydrauliques. Franchement, le comble de la désespérance…
Pourtant, pour avoir été ministre de l’Hydraulique et Premier ministre, Macky Sall connait très bien les tenants et les aboutissants de ce dossier à problème. En effet, l’ex- et historique Sonees avait été démantelé en 1995 et remembré en trois entités distinctes : la société étatique de patrimoine (Sones), la société privée de distribution (SDE) et l’Onas (assainissement). Pour cette dernière, les Sénégalais sont, depuis, convaincus de son inefficacité et son inefficience par le malheur et la récurrence des inondations, ces dernières années.
Quant à la gestion de la distribution de l’eau, comme c’était un sous-secteur sans problème, on croyait que tout allait dans le meilleur des mondes possibles. Mais, c’était sans savoir qu’il y avait une absence totale de vision stratégique et un vrai pilotage à vue. Un contrat d’affermage avait été signé avec le groupe français, Bouygues en 1996. Depuis lors, il y a eu pas moins de 6 avenants signés et un 7ème dans le pipeline. Pour que dire que c’est comme si, en haut lieu, ceux qui nous dirigent, depuis Wade et Macky Sall, ne se souciaient point du devenir du sous-secteur. Avec tous les problèmes qui en découlent sur la distribution de l’eau potable, en quantité, en qualité, en permanence, pour une population qui croît très vite. Limpide, non ?
Au-delà de cet événement malheureux, c’est le moment ou jamais de poser cette question de la gestion stratégique de l’eau. Interroger les enjeux et modalités de la privatisation, revoir la nature juridique de ce partenariat public/ privé qui semble plutôt avantager les Français qui ne s’occupent que la commercialisation là où l’Etat du Sénégal cherche à financer les investissements et infrastructures. Comme qui dirait, à l’Etat du Sénégal, toutes les charges et à SDE et au groupe Bouygues, les dividendes. Si ce n’est pas un contrat léonin, c’est tout comme…
Le gouvernement, la société civile et les organisations patriotiques du pays ne peuvent pas faire l’économie d’un vrai débat de fond sur la question de l’eau. Par les réponses durables devant être apportées à cette forte demande sociale, il en résultera l’esquisse de la reconfiguration sociopolitique du Sénégal de demain.
Qui d’ailleurs, parlait de ruptures ? N’est-ce pas dans l’air du temps ? Wait and see !
Discussion à ce sujet post