Perspectique
ENTREPRISE NATIONALE
Aujourd’hui, nous payons un des prix du Kwh parmi les plus chers d’Afrique de l’Ouest avec la Senelec. Pendant plusieurs années, l’Etat y a injecté l’équivalent de 179 milliards Fcfa sous forme de capitaux propres, pour compenser les pertes cumulées. Ces fonds, auquel s’ajoutent plusieurs milliards reçus des partenaires traditionnels tels la Banque Mondiale et l’Agence Française de Développement (AFD), ont permis d’éviter à l’entreprise de déposer son bilan. Mais l’effort des Sénégalais ne s’est pas arrêté là parce que, par ailleurs, les factures d’électricité ont fortement augmenté, depuis des années.
Une des faiblesses, parmi les plus importantes de la gouvernance des sociétés publiques, est le mode de nomination des Directeurs généraux qui relève de prérogatives importantes et touche à la gouvernance. Nommer un Directeur général sur des bases politiques n’est pas compatible avec la recherche de l’efficacité et ce n’est vraiment pas la meilleure manière pour opérer les ruptures nécessaires.
Reproduire le schéma de la Senelec présente des risques très importants à moins que l’on veuille ramener la situation de la distribution de l’eau aux années 1996.
LA CONCESSION TOTALE
La concession totale est une autre alternative. Il s’agira de trouver une personne morale qui ne se limitera plus à distribuer l’eau et des factures mais qui va réaliser des investissements…
Ceci implique que les risques sont réels et que l’Etat cherche à se délester du «poids» de l’investissement et n’apportera pas de concours financier ou ne pourra pas prendre en charge une partie des investissements.
Le concessionnaire qui a investi, à ses risques et périls, cherchera à récupérer, au plus vite, son investissement en se rémunérant au taux fort car il aura certainement emprunté l’argent auprès des banques commerciales et non les bailleurs de fonds partenaires de nos Etats.
Il s’en suivra la mise en place d’une politique de recouvrement intégral des coûts –appelée aussi «politique de vérité des prix»- en l’absence d’une politique de subvention bien ciblée. Les coûts sont plus susceptibles d’augmenter que de baisser, en toute logique. Alors, il sera plus difficile aux communautés les plus pauvres et rurales de s’offrir les services.
Alors, ils mettront en place des politiques commerciales «d’écrémage» qui consistent à ne servir que les clients qui leur assurent des profits au plus vite, et à ignorer les pauvres, moins rentables, qui nécessitent un nouvel investissement pour avoir accès aux services.
Ceci crée la perception que les caractéristiques d’équité et d’égalité dans la fourniture et l’accès du citoyen aux services de base, qui fondent la notion même de service public, sont reléguées au second plan par rapport à la réalisation de profit.
LA CONCESSION INTELLIGENTE
Aujourd’hui, le mode de régulation en vigueur dans le secteur est celui de l’autorégulation encadrée par le comité de suivi, les revues de contrat (affermage) et, notamment le ministère et les bailleurs. Avec une ouverture plus grande du secteur et une implication plus grande du rôle du partenaire privé, il devient nécessaire et plus urgent de mettre en place une Autorité de régulation qui veille à protéger les intérêts des populations, surtout les plus démunies ; à protéger la ressource Eau dont l’Etat a la garde pour les générations présentes et futures ; les intérêts de l’investisseur privé afin qu’il puisse récupérer son investissement avec un bénéfice raisonnable.
En complément du dispositif actuel, la mise en place d’un organe de régulation dont les missions seront centrées sur le souci de performance, d’équité, d’égalité dans la fourniture et l’accès du citoyen au service de base. Ceci requiert que les conditions et modalités de nomination des membres de l’Autorité de régulation et la pérennité de leur mandat soient transparentes. La présence effective des représentants des consommateurs crédibles dans l’instance de régulation est également indispensable. Ils devront veiller à la protection des intérêts de cette catégorie de parties prenantes. Le mode de financement de l’activité de l’organe de régulation doit être clarifié en vue d’assurer son indépendance du gouvernement comme d’un opérateur privé.
L’attelage actuel nous semble la meilleure architecture pour la distribution de l’eau. Il existe naturellement d’autres solutions mais elles sont aux antipodes de ce qui se fait en matière de gestion d’ouvrages publics. Une nationalisation, en plus d’être suicidaire, nous ramènera à la préhistoire. Un mauvais projet à l’origine, un manque de concurrence, des choix contractuels inadéquats, un manque de suivi de la relation ex post défaillant…
Ainsi, toutes les étapes d’un PPP (choix du projet, évaluation préalable, dialogue compétitif, choix contractuels, suivi du contrat, adaptation de la relation contractuelle) sont cruciales et doivent être pensées rationnellement. C’est coûteux, ça prend du temps mais c’est la condition pour qu’un PPP se passe bien. Cette question pose la problématique de nos gouvernants qui veulent ‘aller vite’ à cause ‘d’un bilan à présenter’ au risque de pénaliser plusieurs générations à cause de contrats mal négociés.
Les exemples de PPP contestés illustrent souvent qu’une des étapes n’a pas été prise au sérieux et que la dimension partenariale de ces accords est déficiente. La capacité des acteurs à se poser les bonnes questions quant à l’utilité du projet, la manière de le mener (le contrat de partenariat n’est qu’un outil parmi d’autres), les écueils à éviter et leur volonté d’investir dans le partenariat, c’est-à-dire de ne pas considérer le PPP comme un moyen de déléguer le projet dans sa totalité vers l’extérieur…
Les PPP ne sont pas le problème mais plutôt les hommes politiques sénégalais qui ont un problème avec l’argent du contribuable. Le projet d’autoroute à péage en est un exemple patent. Son montage a consisté à attribuer au groupement de sociétés Eiffage SA et Eiffage Sénégal SA, la conception, le financement, la construction, l’exploitation et l’entretien du tronçon Pikine-Diamnadio par le biais d’une convention de concession (excusez du peu !!). Cette convention a, par la suite, été cédée à la Société Eiffage de la Nouvelle Autoroute Concédée (SENAC SA), société ad-hoc spécialement constituée en vue d’exécuter la mission. C’est donc cette société à capitaux privés qui est le titulaire de la concession pour une durée de 30 ans.
Bibliographie : UEMOA ; Etat des lieux et perspectives de la demande d’énergie électrique dans l’Union BECEAO ; Rapport sur l’évolution des prix à la consommation dans l’UEMOA les 10 dernières années Amadou C. Kanouté ; le consommateur Sénégalais face aux perspectives de modification du régime juridique du secteur de l’eau
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