Avec le lancement et la mise en œuvre du Plan Sénégal Emergent, le Sénégal s’attend à une dynamique de croissance plus soutenue, grâce notamment aux réformes économiques qui ont permis une amélioration du classement du Doing Business. Aussi, pour tirer le bilan de l’exercice 2014 et dresser les perspectives à venir, Amadou Ba, ministre de l’Economie, des Finances et du Plan, fait le point avec REUSSIR Magazine
«L’Economie ira mieux en 2014», avions titré l’année dernière. Les promesses ont- elles été tenues ?
Le doute n’est pas permis : l’économie sénégalaise s’est portée mieux en 2014. Pour preuve, les dernières prévisions réalisées en septembre tablaient sur un taux de croissance économique de 4,5% en 2014, la prévision initiale était même de 4,9%. Mais compte tenu des effets négatifs de l’épidémie Ebola et des incertitudes dans le sous-secteur agricole, suite à l’installation tardive de l’hivernage, ce taux a été révisé à la baisse.
Il est toutefois important de rappeler, qu’au terme de l’hivernage, les résultats provisoires de la campagne agricole laissent apparaitre une situation moins mauvaise que prévue. Les bonnes performances enregistrées, notamment, dans les productions de riz, niébé, manioc, pastèque et sésame, ont largement permis d’atténuer la baisse des récoltes de mil, sorgho, maïs, arachide et coton. A cet égard et compte tenu des tendances favorables observées dans l’industrie et les services, le taux de croissance du PIB réel devrait s’améliorer en 2014 et pourrait même dépasser notre prévision de 4,5% de croissance, soit le niveau le plus élevé atteint depuis 2005. C’est vous dire que vous aviez vu juste, l’année dernière, en titrant à la Une : «L’Economie ira mieux en 2014».
Qu’est ce qui a, selon vous, expliqué ces résultats positifs ?
C’est une combinaison de plusieurs facteurs. Je peux citer les recettes fiscales qui ont cru de deux chiffres par rapport à 2013 sans que cela ne se traduise, nécessairement, par de nouveaux impôts et taxes, et les dépenses publiques qui ont été globalement maîtrisées. Aussi, le déficit public est ainsi passé de 5,5% du PIB en 2013 à 5,1% du PIB cette année.
Quant à nos engagements internationaux vis-à-vis des Partenaires techniques et financiers (PTF), ils sont au vert comme en atteste l’engouement suscité par le Plan Sénégal Emergent (PSE) depuis le Groupe consultatif de février à Paris. Notre cadre macroéconomique est stable, le relèvement de la note du Sénégal par l’agence de notation Moody’s d’une perspective B1 stable à B1 positive vient conforter cette stabilité du cadre macroéconomique. Les prix à la consommation ont peu bougé, ce qui est bénéfique aux consommateurs mais il n’y a pas de risque de déflation sur les décisions d’investissement productif.
Le cap des réformes a été aussi maintenu car nous sommes conscients que la réussite du PSE suppose, non seulement un fort accroissement du volume des investissements publics et le relèvement de son efficacité, aussi l’amélioration de l’environnement des affaires. A ce propos, nous notons, avec satisfaction, l’entrée du Sénégal dans le Top ten des meilleurs réformateurs mondiaux en 2014. Les problèmes liés à la fourniture d’une électricité abondante et à un prix compétitif sont en cours de résorption.
C’est grâce à tout cela que notre économie se porte nettement mieux mais nous devons faire plus et mieux pour gagner le pari d’une croissance plus inclusive et de la productivité de notre économie pour faciliter son intégration aux échanges mondiaux. Ce à quoi nous travaillons tous les jours, pour satisfaire les nombreux mais légitimes besoins des populations, sur instruction du Président de la République, Macky Sall.
Et pour 2015 ?
Pour 2015, nos projections sont encore meilleures avec un taux espéré de 5,4%. Cette croissance devra être portée par une agriculture plus performante et la poursuite du redressement du secteur secondaire, sans oublier les Télécommunications. Dans le domaine agricole, le Gouvernement poursuit la réfection, la réhabilitation et la réalisation d’aménagements et ouvrages hydro-agricoles, conformément à la vision du Chef l’État, déclinée dans le PSE.
L’Assemblée Nationale vient d’adopter le Budget 2015. Pouvez-vous revenir sur ses grandes lignes ?
Il est important de rappeler que la politique budgétaire, qui sous-tend la Loi de Finances 2015, s’appuie sur l’amélioration du recouvrement des recettes internes et externes en vue de dégager une plus grande marge de manœuvre budgétaire pour le financement des dépenses prioritaires. Vous avez suivi nos débats lors du vote du Budget de cette année, il a beaucoup été question de la prise en charge des projets du Plan Sénégal Emergent. Birima Mangara, le ministre du Budget, ici présent, qui a pris part à l’ensemble des séances de l’Assemblée aussi bien en commission qu’en plénière, peut vous confirmer la satisfaction des députés lors du vote du Budget. La plupart ont salué l’option du Gouvernement d’élaborer un Budget qui prend en compte les attentes du Chef de l’Etat déclinées dans le PSE.
Cette année, la mobilisation des ressources extérieures devra connaître un regain avec la concrétisation des annonces de financement des PTF, à la réunion du Groupe consultatif pour le financement du PSE. Le rythme de mobilisation, depuis lors, nous permet d’avancer, avec optimisme, qu’il est attendu que les financements des projets et programmes du PAP du PSE soient conclus, pour plus de 60%, au courant de l’année 2015. Cela nous permettra de concrétiser la vision du Chef de l’Etat telle que le Premier ministre Mouhamad Boun Abdallah Dionne l’a soutenue lors de sa Déclaration de Politique Générale.
Relativement aux dépenses budgétaires, l’option de rationalisation des dépenses de fonctionnement et d’amélioration de la qualité de l’investissement public est maintenue et renforcée. Aussi, le travail de restructuration du Budget a permis d’améliorer sensiblement la qualité de l’allocation des ressources avec la priorité accordée au volume et à la qualité des investissements publics.
Les allocations budgétaires dans certains secteurs prioritaires et sociaux comme la Santé et l’Action sociale, la Formation professionnelle, l’Enseignement supérieur, l’Education, l’Agriculture, l’Energie, la Sécurité et la Gouvernance ont été revues à la hausse.
Selon le dernier Rapport Doing Business, le Sénégal est dans le Top 10 des plus grands réformateurs mondiaux. Quelle lecture en faites-vous ?
L’amélioration du cadre des affaires constitue un impératif pour développer le Secteur privé, moteur de création de richesse et d’emplois. L’Etat du Sénégal en est parfaitement conscient. C’est en ce sens qu’il considère, entre autres, les reformes relatives à l’amélioration de l’environnement des affaires comme le fondement même de l’Emergence économique. L’analyse Doing Business part du postulat que les entreprises ont plus de chances de prospérer lorsqu’elles sont soumises à des réglementations moins nombreuses, plus simples et moins coûteuses.
Maintenant quelle lecture j’en fais ? Il me plait de dire que le score obtenu par le Sénégal dans le dernier classement du Doing Business consacre les multiples efforts entrepris dans le cadre de la mise en œuvre du Programme des Réformes de l’Environnement des Affaires et de la Compétitivité (PREAC 2013-2015). Ainsi, le Sénégal a validé au moins une réforme dans six des dix domaines couverts par le Doing Business. Il s’agit notamment de la création d’entreprises, du permis de construire, du transfert de propriété, de l’obtention de prêt, de la protection des investisseurs et du paiement des taxes.
Aussi, le score obtenu est en adéquation avec les préoccupations du Président de la République qui place la PME au cœur du dispositif de promotion du Secteur privé en lui faisant jouer un rôle actif dans la mise en œuvre du PSE. Comme l’a dit le Chef de l’Etat, en réagissant sur le classement du Sénégal, «c’est bien mais 10 ou 20 points d’ici l’année prochaine», nous devons faire plus et mieux au prochain classement.
Mon département, qui est fortement impliqué dans le processus d’identification et de concrétisation des réformes (au moins 50% des réformes), est train de travailler dans la concrétisation des souhaits du Chef de l’Etat. Il faut rappeler les réformes relatives à la dématérialisation des procédures qui place le Sénégal devant certains pays de l’OCDE en matière de commerce transfrontalier, les innovations apportées dans le paiement des taxes avec l’application E-TAX et les actions tendant à améliorer l’accès aux financements (mise en place de Bureaux d’Information sur le Crédit)… Autant de réformes concrétisées par les services du MEFP.
Même s’il y a des améliorations dans les délestages, l’électricité reste encore très chère. Qu’est-ce qu’il y a à faire pour une solution efficace et durable ?
C’est vrai que l’électricité est encore chère parce que ses coûts de production par la Senelec demeurent toujours élevés. Mais il faut aussi le rappeler, l’Etat a fait des efforts dans ce domaine en 2014 en maintenant le gel des prix en versant, à titre de compensation, à la Senelec entre 77 et 80 milliards FCFA. En 2015 aussi, l’Etat fera un effort dans ce sens avec une soixantaine de milliards FCFA. C’est dire que, malgré cette cherté, l’Etat a fait beaucoup d’efforts et continuera d’en faire pour aider les populations.
Ces efforts sont aujourd’hui portés sur les investissements dans la production d’électricité avec un système d’incitation de l’investissement privé, sans oublier la reconstruction et le renouvellement du réseau de transport et de distribution d’électricité de la Senelec.
Le plan de production que l’Etat a adopté récemment sur la période 2014-2017, permettra à terme d’améliorer le mix énergétique, de rendre excédentaire l’offre d’électricité à un prix beaucoup moins cher. Il permettra également de mettre un terme aux importantes subventions versées à la Senelec pour geler les prix.
A l’heure où le Gouvernement accorde plus d’importance au secteur minier, paradoxalement, des mastodontes comme les ICS sont en léthargie. Que faudrait-il faire pour les rendre plus opérationnelles et viables ?
Il est d’abord important de rappeler les difficultés de cette structure. Il a été noté une panne de la chaudière de l’usine d’acide en janvier 2013, qui a conduit à une baisse drastique des exportations, et incidemment de la trésorerie. Il a été aussi noté une absence de fonds de roulement et des difficultés à faire face aux échéances de remboursement, vis-à-vis principalement des banques locales et des PTF. Tout cela a eu pour conséquence le risque d’une remise en cause du concordat et le constat de la faible exécution du programme d’investissement.
Un plan de relance avec un accompagnement important de l’Etat actionnaire est en cours. Ce plan préconise un appui à la demande de moratoire de 3 ans pour le paiement des montants dus aux banques locales et PTF (100 milliards) et de rapatriement au Sénégal des ressources du compte séquestre de la société domiciliée à Paris. Le compte séquestre est, jusqu’ici, une exigence de ces PTF pour garantir le remboursement des prêts accordés. Il préconise aussi un moratoire pour le paiement des arriérés de dettes fiscales estimés à trois 3 milliards ; une introduction d’un nouvel investisseur dans le capital, combinée à une mesure d’augmentation de capital ; une revue ou mise à jour de la concession de la ligne de chemin de fer entre l’usine et le port au profit des ICS, etc. Tout cela prouve que l’Etat soutient et continuera de soutenir les entreprises comme les ICS pour trouver des solutions et assurer la relance de leurs activités.
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