Le peuple Africain n’a pas pleinement conscience de l’opportunité que représente sa population jeune et peut être moins des défis qu’il lui faudra relever d’ici 2030 pour en profiter pleinement. Il est, en effet, crucial dans la mise en place des politiques publiques et stratégies de concrétiser les discussions et plans d’actions concernant le potentiel et l’avenir des jeunes, ceci à travers la promotion de l’auto emploi, le développement de référentiels de métiers adaptés ou encore la prise en compte des besoins du secteur privé dans l’élaboration des programmes de formation. L’Afrique francophone en particulier est une terre d’opportunités et les jeunes peuvent dès maintenant contribuer à le faire éclore.
La population mondiale actuelle est très majoritairement composée de jeunes, en particulier dans les pays en développement. Aujourd’hui, la population mondiale compte un quart de jeunes de 15 à 29 ans (1,8 milliard sur près de 7 milliards d’habitants). On retrouve cette même proportion au sein de l’espace francophone avec 245 millions de jeunes parmi les 965 millions de francophones et dont 70 % vivent dans des pays en développement.
La population mondiale devrait atteindre 9,6 milliards d’habitants en 2050, avec plus de la moitié de la croissance réalisée en Afrique. La population mondiale compte actuellement 7,2 milliards d’êtres humains et devrait augmenter de près d’un milliard au cours des douze prochaines années, pour atteindre 8,1 milliards en 2025 et 9,6 milliards en 2050, selon un récent rapport des Nations Unies « Perspectives de la population mondiale : révision de 2012 ». Le document montre également que plus de la moitié de la croissance de la population mondiale d’ici 2050 devrait se produire en Afrique. La population du continent pourrait ainsi plus que doubler d’ici 2050, passant de 1,1 milliard à 2,5 milliards.
Cette croissance démographique constitue tant une source d’opportunités que des défis majeurs. Dans les régions francophones en développement, la proportion de jeunes représente aujourd’hui 30 % de la population, et pourrait doubler d’ici à 2050. Le rajeunissement démographique pèse lourdement sur les besoins et capacités des systèmes éducatifs et des marchés du travail, difficilement capables de croître au rythme des nouveaux arrivants. Dans l’espace francophone, la situation est particulièrement préoccupante en ce qui concerne l’emploi : l’arrivée massive de jeunes sur le marché crée un déséquilibre avec l’offre disponible et intensifie donc le chômage, les qualifications de ces populations ne sont pas ou peu adaptées aux besoins des entreprises, renchérissant le risque et le coût (de formation, d’adaptation) perçu par les opérateurs, qui deviennent méfiants compliquant encore plus leur insertion.
Pourtant, en Afrique, la proportion de jeunes ayant fait des études s’accroît rapidement et devrait impacter positivement le secteur de l’emploi. Chaque année entre 7 et 10 millions de jeunes arrivent sur le marché du travail africain, mais le marché ne croît pas assez rapidement pour les accueillir. D’ici 2030, 149 millions de jeunes diplômés (secondaire/tertiaire) seront en recherche d’emploi (voire figure ci-dessous). Il y a fort à parier que sans des politiques appropriées, les jeunes titulaires de licences, maîtrises, DEA et autres doctorats vont venir allonger les rangs, déjà longs, des diplômés-chômeurs. Derrière eux, le nombre de jeunes en Afrique va encore doubler d’ici 2045. De 2000 à 2008, la population en âge de travailler (15-64 ans) est passée de 443 millions à 550 millions, soit une hausse de 25 %. Sur une année, cela équivaut aussi à une augmentation de 13 millions, soit 2,7 % (Banque mondiale, 2011). Si cette tendance se poursuit, la main-d’œuvre du continent sera d’un milliard de personnes en 2040. Ce sera la plus nombreuse au monde, dépassant celle de la Chine et de l’Inde.
De plus, les jeunes africains sont confrontés à un système universitaire focalisé sur l’éducation à destination de l’emploi dans le secteur public, sans se soucier des besoins du secteur privé. Souvent, pour pouvoir entrer dans la fonction publique, il est indispensable d’avoir un diplôme d’enseignement supérieur, mais le type spécifique de qualifications importe guère. Le modèle d’enseignement universitaire est surtout organisé pour pourvoir aux demandes du secteur public au détriment du privé. Ainsi, dans la plupart des établissements publics les formations techniques sont dévalorisées au profit d’enseignements littéraires et de sciences sociales, moins coûteuses mais également moins utiles à forte dose dans des pays amenés à s’industrialiser rapidement. Ainsi, les opérateurs privés, s’ils veulent combler cet écart et ce manque, pourraient intensifier le développement d’enseignements techniques, en investissant dans des institutions spécialisées. La collaboration publique/privé en matière d’éducation devra néanmoins à terme se conjuguer tant les efforts d’investissement sont importants.
En conséquence, l’enseignement fourni par les universités africaines ne répond pas aux besoins du continent. Il se pratique dans la majeure partie des universités africaines un enseignement totalement en décalage avec les besoins réels des entreprises. La demande se fait grandissante dans les domaines techniques et scientifiques et il y a proportionnellement de moins en moins de diplômés dans ces domaines, les universités étant remplies d’étudiants littéraires et en sciences sociales où la demande est quasi inexistante. Pourtant, le taux de chômage varie selon le type de formation suivie, au bénéfice des étudiants en matières scientifiques et techniques qui peinent moins à trouver un emploi que les autres. D’après les agences africaines de recrutement et de travail temporaire, les secteurs où il est le plus difficile de trouver des candidats dotés d’une formation supérieure sont ceux requérant des qualifications techniques spécifiques, telles que dans les industries extractives, la logistique, la chimie et l’industrie pharmaceutique, les activités manufacturières en général et l’agro-alimentaire. Paradoxalement, l’Afrique qui regorge de potentiel dans l’agriculture, tant localement qu’à l’export, se retrouve avec très peu de main d’œuvre qualifiée pour ce secteur pourtant reconnu comme un excellent créneau d’insertion pour les jeunes pour peu que les formations soient convenablement orientées. Seuls 2 % des étudiants ont pu se spécialiser en agriculture alors que le secteur représente 14% du PIB des pays Africains (hors agro-industrie qui fait partie du secteur secondaire, mais où le problème se pose également). Ce constat est d’autant plus vrai dans le contexte actuel d’exode rural qui voit les jeunes ruraux rejoindre les villes dans un espoir idéalisé de prospérité économique, gonflant par l’occasion le secteur informel des villes. Le secteur agricole, s’il est rendu attractif, permettra de limiter l’exode et d’offrir des opportunités réelles aux femmes qui sont de plus en plus exposées au sous-emploi, à la précarité et donc à l’exclusion sociale.
Les femmes sont généralement moins avantagées que les hommes, et ce, dans toutes les régions. Le constat le plus préoccupant se situe au Moyen-Orient et en Afrique du Nord avec un écart de chômage entre les jeunes hommes et les jeunes femmes atteignant respectivement 18,3 % et 19,3% en 2011. Outre les discriminations liées au genre, il faut aussi considérer le cas des jeunes issus des minorités, souffrant de handicap ou entrant sur le marché du travail. Les jeunes francophones, en particulier, les femmes, plus vulnérables, requièrent une attention particulière pour de meilleurs résultats.
D’ailleurs la conférence de l’ONUDI sur le thème « favoriser l’entrepreneuriat chez les jeunes » du 11-13 Novembre 2014 en Autriche, a exacerbé l’importance de ce sujet sur le plan mondial. En effet, plus de 600 millions emplois devront être créés d’ici 2020 pour absorber les nouvelles populations jeunes, d’où la nécessité de promouvoir l’entrepreneuriat.
Le XVe sommet de la Francophonie qui aura pour thème : « Femmes et Jeunes en Francophonie : vecteurs de paix, acteurs de développement » est une plateforme incontournable pour partager et discuter des difficultés relatives aux jeunes des pays francophones. Même si beaucoup de pays ont d’ores et déjà un plan d’actions, il est crucial qu’ils soient mis en exécution et que l’on s’assure de leurs avancées à travers un système de suivi-évaluation performant.
La situation n’est pas sans solution, mais il est primordial de mettre l’accent sur les secteurs à une forte demande d’emplois, tels que l’agriculture, l’agro-industrie ou encore le BTP… avec une forte composante d’entrepreneuriat. Les pays de l’Afrique francophone présentent en particulier des besoins très spécifiques en termes de ressources humaines, ce qui explique d’ailleurs la difficulté pour certains de trouver un emploi suite à leur formation en Europe ou autres pays développés. En effet, ces formations ne sont pas adaptées aux réalités et demandes des opérateurs, en particulier des PME et du secteur informel, qui fournissent une grande majorité des emplois et manquent cruellement de structures basiques avant de pouvoir songer à recruter des expertises très pointues. De ce fait, il devient de plus en plus important de développer des référentiels de métiers adaptés à l’Afrique tenant compte de ses besoins et orientations stratégiques. Les gouvernements doivent faire des jeunes leurs priorités en mettant en place l’environnement propice pour le développement de l’emploi, des talents, des leaders… car ces jeunes sont le futur de l’Afrique.
Il est admis dans tous les rapports que le secteur privé en Afrique est l’élément essentiel de la croissance économique. Ce n’est pas faux, mais les conditions de son épanouissement n’en sont pas moins importantes : il faut qu’il ait à sa disposition, en plus d’autres paramètres, les ressources humaines locales adéquates. En effet, le secteur privé a une parfaite connaissance de ses besoins en compétences sur le cours moyen et long terme, mais fait face à des difficultés à en trouver.
L’emploi des jeunes est un enjeu majeur et ancien qui, notamment sous la pression des actualités démographique, sociale et politique des pays, est heureusement de plus en plus fortement pris en considération par les gouvernements, leurs partenaires techniques et financiers, les acteurs locaux impliqués et les organisations de solidarité internationale.
Par Malle Fofana
Red Mangrove Development Advisors (RMDA)
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