En Casamance, une région très agricole, quels sont les dispositifs que vous avez mis en place pour accompagner les performances des producteurs dans leurs terroirs ?
D’abord, il faut souligner le rôle important que l’Etat donne à la Casamance dans l’atteinte de l’autosuffisance en riz du Pays à travers le PRACAS, qui est le Programme d’Accélération de la Cadence de l’Agriculture Sénégalaise, qui a comme un des résultats l’atteinte de 1 600 000 T de riz paddy au Sénégal, dont 30% pour la riziculture pluviale. Or, qui dit riziculture pluviale pense naturellement, en priorité, à la Casamance. Dans cette perspective, des efforts sont fournis pour la modernisation de l’agriculture par la mécanisation, l’introduction de variétés de semences adaptées aux conditions pédoclimatiques de la Casamance et le renforcement des capacités des organisations de producteurs. Cet accompagnement de l’Etat du Sénégal en Casamance se fait par les services techniques déconcentrés de l’agriculture, avec le soutien de projets et programmes comme le PPDC, le P2RS, la SODAGRI, etc. C’est la raison pour laquelle je reste convaincue, que si la paix s’installe définitivement, la Casamance pourrait redevenir le Grenier du Sénégal. Nous avons des terres fertiles et la pluviométrie.
L’anacarde supplante l’arachide de plus en plus dans le cœur des agriculteurs. Avez-vous remarqué cette tendance et quelle stratégie avez-vous mis en place pour accompagner cette nouvelle dynamique ?
Bien sûr que j’ai remarqué cette tendance depuis plusieurs années. Vous savez, au début des années 2000 déjà, nous avions, avec des camarades de promo du CESTI, mis sur pied un mensuel dénommé «REGARD DU SUD». Le 1ernuméro portait sur «l’anacarde, l’or méconnu de la Casamance». Aujourd’hui, on le constate tous, l’anacarde est devenu «l’or connu de la Casamance». Cette tendance s’est poursuivie, ces dernières années, avec l’arrivée d’autres acteurs étrangers dans la filière, notamment les Indiens. Cette filière représente environ 30 milliards FCFA par an et emploie plus de 200 000 personnes durant la campagne.
En dépit de ces bonnes performances, la filière anacarde est encore en proie à des obstacles majeurs parmi lesquels on peut citer, par exemple, le manque d’organisation de la filière et le comportement des spéculateurs, l’insuffisance des unités de transformation locale pour donner plus de valeur ajoutée à ce produit.
Pour booster davantage cette filière, il conviendrait d’améliorer les techniques de production, de collecte, de traitement et de commercialisation. Bref, c’est tous les segments de la chaine de valeur anacarde qu’il faut revoir pour que les producteurs et les transformateurs gagnent réellement dans la filière. Nous travaillons sur un nouveau projet, au sein de mon département, qui va cibler la valorisation des produits de terroirs. L’anacarde en Casamance constituera une des cibles prioritaires de ce projet. Et la BID a déjà manifesté sa volonté de nous accompagner dans ce projet.
En marge de ce 8 Mars, Journée internationale de la Femme, vous venez de distribuer des financements à des femmes entrepreneurs pour les accompagner dans leur volonté d’indépendance économique, quelle portée ce geste peut-il avoir ?
Je ne préfère pas le terme « distribuer des financements », mais plutôt « octroyer des crédits » à des groupes organisés de femmes.
En 2014, j’ai créé un réseau appelé «KOUSSEK» qui signifie «les femmes» en Diola. A l’époque, j’ai dû consentir un prêt de 10 millions FCFA pour promouvoir l’Entreprenariat féminin. J’ai compris, très tôt, que l’alternative crédible et durable pour lutter contre la pauvreté et le chômage reste la promotion de l’auto-emploi. Cela est en phase avec le changement de paradigme, instauré par le Chef de l’Etat, Son Excellence Macky Sall, dans le PSE. Aujourd’hui, « KOUSSEK », c’est plus de 8500 membres regroupés dans des centaines de GIE, disséminés dans toute la Casamance. Pour vous donner l’importance de ce réseau qui a juste 4 ans, rien qu’à Ziguinchor, c’est près de 250 groupements de femmes (GIE).
Chaque année, avec les sommes remboursées et les petits intérêts générés, nous parvenons à augmenter le montant du financement global. Ce qui fait que, pour cette année, une enveloppe globale de 25 millions FCFA a été octroyée en prêt revolving aux groupements de femmes, le 10 mars 2018 à Ziguinchor. La satisfaction que j’ai dans ce projet réside dans le taux de remboursement qui est de 100% chaque année. Depuis 2014, «KOUSSEK» a consenti un volume total de crédit de 94 millions FCFA.
Ces bons résultats sont dus en grande partie par le mécanisme d’accompagnement que nous avons mis en place. Il ne suffit pas seulement d’octroyer des financements, mais il faut un accompagnement avant, pendant et après. Si vous vous rappelez, le 10 Mars 2018 à Ziguinchor, le réseau «KOUSSEK» avait signé une convention de partenariat avec l’Action de Carême Suisse pour un projet d’appui aux renforcements de capacité des femmes du réseau pour un montant de plus de 13 millions FCFA.
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