Le rond-point de Liberté 6 est devenu un véritable lieu de transit autoroutier. Pour cause, le manque de bus de transport public y a favorisé le développement des taxis adeptes du ‘’clandos’’.
En effet, il est de notoriété dans la capitale que ces chauffeurs de taxis travaillant dans l’illégalité, sont les seuls qui acceptent de circuler sur l’ensemble des zones non desservies par le transport interurbain, à bas prix.
A cet endroit stratégique de Dakar, l’on dénombre sept (7) garages de ‘’clandos’’ pour servir les clients voulant rallier les quartiers de Ouakam, Scat Urbam, Nord Foire, Liberté 6 extension, Niarry Tally, Gibraltar, la place de l’Indépendance, Sandaga, ou encore d’autres zones d’accès difficiles.
Mode de transport incontournable
Alignés en file indienne dans un décor sommaire, les chauffeurs des ‘’clandos’’ discutent en groupe, en attendant chacun son tour. Malick Dia, un chef de garage trouvé au rond-point liberté 6, plus précisément au deuxième garage, explique le modus operandi.
Vêtu d’un pantalon et d’une chemise étoffé d’une casquette, il fait régner l’ordre et indique aux clients les voitures à emprunter. En pleine activité, cet homme de grande taille et ouvert raconte : ‘’j’ai été coopté il n’y a pas longtemps pour diriger ce garage et faire en sorte qu’il soit bien régulé’. Il explique que parfois, il y a des clients qui ne respectent pas les rangs, surtout lors des rushs à certaines heures de la journée. Aussi, il tient à préciser qu’obligation est faite aux chauffeurs inscrits au niveau du garage, de se conformer aux règlements avant d’obtenir le feu vert pour desservir les trajets préalablement tracés pour des tarifs qui varient entre 200 francs et 400 francs par personne. ‘’Je ne suis pas rémunéré mais je perçois une prime de 200 francs pour chaque voiture chargée », clarifie-t-il.
Un peu plus loin, de l’autre côté de la voie, se trouve un autre espace spécialement aménagé pour les minibus qui desservent le quartier de Ouakam. Mohamed Djibril Diouf est chauffeur et en même temps propriétaire de trois minibus. Assis dans son car, il fait savoir que les véhicules de ce garage n’effectuent que le trajet Ouakam – Liberté 6, au prix de 200 francs. Par ailleurs, si le client s’arrête à mi-chemin le montant varie de 100 à 150 francs. ‘’Le trafic débute à 5 heures du matin pour se prolonger jusque tard la nuit, en fonction de l’affluence des clients. Les heures de pointes se situent le matin de 6 heures à 9 heures et le soir de 16 heures à 19 heures ‘’, explique Diouf.
Impossible de parler de « clandos » à Liberté 6 sans mentionner le rôle que jouent les rabatteurs ou les apprentis. Ngor Sarr, surnommé « Boy Refane » est l’un d’eux. Apprenti chauffeur, il relate son quotidien : « la paie diffère de 3 000 francs à 5 000 francs et dépend de la somme gagnée dans la journée. Celle-ci varie entre 20 000 francs et 50 000 francs. ‘’Le travail, marche bien et nous en tirons bien profit, le seul problème est que nous ne dormons pas assez car on commence à 4 h du matin pour terminer à 23 h voire 1 h », se lamente-t-il.
Il ajoute également que les dimanches, un grand nombre d’entre eux ne travaillent pas. En effet, les propriétaires des ‘’clandos’’ ne leur imposent des versements que du lundi au samedi. Reste alors au chauffeur de voir s’il veut travailler le dimanche ou pas puisque c’est à son propre compte. Mamadou, chauffeur de minus déballe : ‘’ Je ne suis pas le propriétaire du car. J’ai un apprenti et je le paie 5000 francs ou 7 000 francs par jour. En réalité, sa paie dépend de la recette du jour. Chaque jour, nous versons 15 000 ou 20 000 francs au propriétaire du minibus. Le montant du versement dépend du patron. Ce qui n’est pas le cas des voitures particulières transformées en ‘’clandos’’ qui elles, versent 6000 francs à leurs propriétaires et consacre le reste de la recette à l’achat du carburant et autres frais (réparation, restauration, etc.) ’’.
Un quotidien de tracasseries policières
Le quotidien des chauffeurs de ‘’clandos’’ se conjugue avec les tracasseries policières dont ils font l’objet, du fait de leur particularité. Mohamed Djibril Diouf a trouvé la réponse à cet état de fait : « nous souffrons des tracasseries policières tous les jours parce que nous sommes dans l’illégalité » confesse-t-il avec franchise. En réalité, les ‘’clando’’ sont généralement des véhicules en piteux état qui ne leur permettent pas d’obtenir les papiers administratifs et techniques (visite technique, assurances), leur donnant l’autorisation de circuler en toute quiétude. Évoluant en marge de la réglementation en matière de transport, ils ne paient ni impôt, ni taxes et sont traqués à longueur de journée par les policiers.
Autant de difficultés quotidiennes inhérentes à cette profession illégale avec lesquelles ils s’en accommodent. C’est le cas de Meissa Diouf, chauffeur qui confie : ‘’nous avons des difficultés, comme vous pouvez le voir ma voiture est garée depuis ce matin (NDLR lundi 09 septembre) parce qu’il y a beaucoup de contrôles policiers et à chaque fois, je suis obligé de négocier. Parfois ça marche ou bien il faut bien donner quelque chose pour pouvoir travailler en toute quiétude. Du coup, j’attends la descente des policiers pour commencer mon travail, c’est-à-dire à 20 heures. Mon trajet c’est de la cité CPI à liberté 6 extension pour 125 francs à l’aller et 100 francs au retour ‘’ explique-t-il.
Une situation que corrobore un de ses collègues qui précise que ‘’même lorsque nous sommes à jour, les policiers nous interpellent toujours parce que nous sommes des clandos. D’ailleurs, si vous ne lui donnez pas la somme qu’il exige, il confisque vos papiers. Nous avons des problèmes avec les policiers.
Nonobstant leur vétusté et l’insalubrité de la plupart, ces clandos font le bonheur de nombreux clients qui trouvent ainsi l’opportunité de se déplacer sur de longs trajets à Dakar à moindre coût. Comme en témoigne cette cliente qui a déjà pris place dans son ‘’clando’’, avouant qu’elle ne dépense que 200 FCFA par jour pour se rendre à l’école.
Samantha Saberu et Babacar Fall (stagiaires)
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