Le ministre en charge du Plan Sénégal Emergent (PSE), Abdou Aziz Tall, indiquait récemment que c’est la première fois, depuis 1980, que le Sénégal enregistre un taux de croissance de 6% de son PIB sur trois années consécutives. Qu’en est-il réellement ?
L’agriculture fait partie des secteurs qui portent la croissance. Un champ de légumes dans une ferme communale à Diagle, dans l’Ouest du Sénégal. «Avec un taux de croissance de 6,6 % (en 2016), notre pays a pris la trajectoire de la croissance inclusive (…). Depuis 1980, c’est la première fois, que de manière consécutive sur trois ans, notre pays atteint la barre des 6 % de croissance », se félicitait M. Tall, dans le quotidien gouvernemental Le Soleil du mardi 9 mai 2017. Nous avons vérifié la déclaration du ministre en charge du PSE.
Sur quoi le ministre du PSE s’est il basé ?
« Le Sénégal s’est inscrit dans une dynamique de croissance à plus de 6%. C’est ainsi, après une croissance de 6,5% en 2015, 6,6% en 2016 et 6,7% en 2017 – prévision confirmée par le FMI –, le Sénégal s’inscrit résolument vers le scénario dessiné par le PSE », a confié le service de communication de M. Tall contacté par Africa Check.
Ces informations viennent de «la Direction générale de la planification des politiques économiques (DGPPE) – une entité du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan – et sont confirmées par le FMI dans le cadre de l’ISPE (Instrument de soutien à la politique économique) », nous a-t-on indiqué.
Que renferment les données disponibles ?
Quand nous avons expliqué l’objet de notre requête à la DGPPE, elle nous a systématiquement orientés vers le site Internet de la Direction de la prévision et des études économiques (DPEE).
Dans un document – disponible sur cette plateforme – intitulé ‘‘Situation économique et financière en 2016 et perspectives en 2017’’, il y est écrit qu’ « en 2016, l’économie sénégalaise demeure sur une bonne trajectoire après la performance observée en 2015 avec un taux de croissance du PIB réel est attendu à 6,6% au terme de l’année ».
Dans un communiqué de presse publié le 12 avril dernier au terme d’une mission de revue de l’accord triennal au titre de l’Instrument de soutien à la politique économique (ISPE) au Sénégal, le FMI indique que «les performances macroéconomiques restent bonnes en 2016 avec un taux de croissance du PIB au-dessus de 6 pourcent pour la deuxième année de suite ». Il ajoute que le taux de croissance du PIB réel est ainsi « projeté à 6,8% en 2017 « .
De son côté, le FMI annonce que pour 2017, le taux de croissance « devrait encore se situer au-dessus de 6 pourcent».
Quelle est l’évolution du taux de croissance du PIB depuis 1980 ?
Malick Diop, ingénieur statisticien à l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (ANSD), a dit à Africa Check que les données sur le PIB de 2016 et de 2017 sont des prévisions de la DPEE, l’ANSD n’ayant pas encore produit les comptes pour ces périodes.
Selon lui, «la DPEE fait des prospections sur le futur (…) et il revient à l’ANSD de calculer exactement le PIB pour dire le niveau actuel, le taux de croissance, etc. C’est l’ANSD qui va infirmer ou confirmer (comme disent les non-initiés) ».
Avant de transmettre à Africa Check les données sur la croissance du PIB sénégalais depuis 1980, M. Diop a tenu faire savoir qu’il y a deux PIB : le PIB au prix du marché et le PIB réel. « Le PIB au prix du marché c’est lorsque, par exemple, je cumule l’ensemble des stylos en valeur (en fonction de leur prix) et dans ce cas, je ne saurais pas si c’est le prix du stylo ou si c’est le nombre de stylo qui a augmenté. Pour savoir si c’est le nombre de stylos qui a augmenté, il faut avoir le nombre de stylos créés cette année que je compare au nombre de stylos de la période précédente : c’est là le PIB réel », a-t-il expliqué. M. Diop insiste sur le fait que le PIB réel est un indicateur qui donne l’évolution exacte de l’activité économique, tandis que le PIB au prix du marché est axé sur la valeur des produits. « Quand on calcule le taux de croissance on le calcule avec le PIB réel, si vous calculez avec le PIB au prix du marché vous aurez des chiffres complètement divergents », prévient-il.
Le tableau, fourni par l’ANSD, indique l’évolution du PIB réel du Sénégal depuis 1980. On constate qu’effectivement, la période allant de 2015 à 2017 est la seule période au cours de laquelle le Sénégal aligne consécutivement un taux de croissance d’au moins 6 % de son PIB.
Conclusion : la déclaration du ministre en charge du PSE est correcte
Le ministre en charge du Plan Sénégal émergent (PSE), Abdou Aziz Tall, a récemment soutenu que depuis 1980, c’est la première fois, que de manière consécutive, sur trois ans (2015, 2016, 2017), le Sénégal atteint la barre des 6 % de croissance de son PIB. Il a indiqué que cette information, confirmée par le FMI, tire sa source des données de la Direction générale de la planification des politiques économiques (DGPPE) qui dépend du ministère de l’Economie, des Finances et du Plan. S’il existe une légère différence entre les données de l’ANSD (6,8%) et celles de la DGPPE (6,5%) sur la croissance du PIB en 2015 – du fait de la nature prévisionnelle des chiffres de cette dernière – les deux institutions fournissent les mêmes chiffres pour 2016 (6,6%) et 2017 (6,8%). En fait l’ANSD n’a pas encore produit les comptes pour ces deux années et s’appuie pour l’instant sur les prévisions de la DGPPE. Il s’avère qu’effectivement, c’est la première fois, depuis 1980, que le PIB du Sénégal franchit, sur trois années consécutives (2015 à 2017), la barre des 6 % en termes de croissance.
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