D’emblée, elle rappelle que l’agriculture est un « moteur clé » de la croissance économique au Sénégal, En 2022, la contribution du secteur au PIB est estimée à 15,7 %, et elle représentera 30 % de l’emploi total avec une population rurale de 51 %, citant des données de la Banque Mondiale.
Dans les zones rurales, au Sénégal, l’agriculture est la principale activité des ménages. Cependant, celle-ci est principalement pluviale.
Elle dure au maximum trois mois et diffère selon la zone agroécologique (le bassin arachidier, la basse Casamance, la vallée du fleuve, l’Est du Sénégal, la zone des Niayes et la zone sylvopastorale). Ainsi, 70% des exploitations sont majoritairement de petites exploitations familiales d’une superficie inférieure à 5 hectares (ANSD, 2014), et cette activité constitue leur principale source de revenus.
Cependant, souligne-t-elle, les zones rurales du Sénégal sont exposées à une variété de chocs agricoles et climatiques qui empêchent les agriculteurs d’augmenter leur production et les rendent « plus vulnérables » aux risques naturels (catastrophes naturelles). Elles sont aussi susceptibles d’être affectées aux risques économiques (variabilité des taux de change, fluctuations des prix internationaux) et aux risques sanitaires (maladie).
Selon Dr Marie Ndeye Gnilane Diouf, « cette vulnérabilité est susceptible de s’accroître encore avec une hausse des températures de l’ordre de 2 à 4 °C, une baisse de 5 à 10% de la nébulosité et une baisse des précipitations de 5 à 25%, une aridification croissante de la partie nord du Sénégal. , une recrudescence des phénomènes d’érosion côtière et une montée du niveau de la mer de 1 m anticipée d’ici 2100 ».
Les agriculteurs du Sénégal, indique-t-elle, sont confrontés à des contraintes de production liées à l’ensablement (20% à 25% selon les régions), à la stagnation des eaux (14%), aux contraintes phytosanitaires (8%), à la pression des ravageurs, aux fortes pentes (11,2%), à l’érosion hydrique et éolienne (4%). L’on craint aussi une réduction de 30% de la production céréalière d’ici 2035.
La perception des risques
A cet effet, elle souligne que la résilience des exploitations agricoles au Sénégal consiste à l’adoption de différentes stratégies en fonction de la perception des risques, des connaissances locales des stratégies d’adaptation et des ressources disponibles pour s’adapter.
Parmi celles-ci, l’on peut citer la rotation des cultures (37,5%), l’utilisation des pratiques, savoirs et patrimoines traditionnels (30%), l’utilisation de semences adaptées aux conditions et stress locaux (22,9%), la vente d’animaux (27,6%), la diversification des activités (27,5%) , la vente de récoltes (22,2 %), l’irrigation (7,6 %) et le soutien gouvernemental (20,8 %).
Ces stratégies, qu’elles soient « fortement » ou « faiblement » adoptées par les agriculteurs, posent la question de leur impact sur la productivité agricole, soutient-elle.
Se basant sur les données de l’Enquête Agricole Annuelle (EAA) 2018/2019, laquelle a collecté des informations sur près de 5 888 ménages, soit 54 488 membres de ménages, Dr Marie Ndeye Gnilane Diouf, explique que dans un premier temps, elle a identifié les principales stratégies de résilience des exploitations agricoles face aux chocs agricoles et climatiques.
Ensuite, elle a listé les principaux facteurs géographiques, agricoles et domestiques qui semblent limiter ou favoriser l’adoption de stratégies de résilience, pour finir par évaluer l’impact des stratégies de résilience sur la productivité.
La variabilité climatique
Abordant les stratégies de résilience par zone agro-écologique, Dr Diouf note qu’il apparaît que les agriculteurs du bassin arachidier ont construit le plus de digues (35,21%) par rapport aux agriculteurs des autres zones.
Aussi, ajoute-t-elle, les agriculteurs du bassin arachidier sont ceux qui ont le plus mis en œuvre le système de rotation des cultures (28,76%).
Quant aux agriculteurs ayant adopté des semences certifiées, ils sont majoritairement originaires de la zone Casamance (34%), signale-t-elle.
Au sujet de l’analyse des déterminants de l’adoption de différentes stratégies de résilience, elle explique qu’en période de saison des pluies, les exploitations familiales des zones rurales adoptent des stratégies plus ou moins adaptées à la variabilité climatique comme la variation de l’humidité, de la température et des précipitations.
De même, poursuit-elle, en saison sèche, la probabilité de construire des digues, d’alterner les cultures et d’utiliser des semences certifiées diminue en présence d’humidité, alors qu’elle augmente en présence de pluie.
« Les agriculteurs étant rationnels, ils prennent en compte la perception des chocs climatiques dans leurs décisions agricoles », signalant que les agriculteurs instruits ont la capacité d’effectuer des analyses ex post et ex ante liées à la perception des chocs agricoles afin d’adopter des stratégies de résilience spécifiques aux chocs attendus.
« La zone agro-sylvo-pastorale, le bassin arachidier, l’est du Sénégal et la Casamance sont positivement favorables à la construction de digues et à la rotation des cultures, tandis que la zone agro-sylvo-pastorale et le bassin arachidier sont négativement liés à l’utilisation de semences certifiées »,note-t-elle.
L’utilisation de semences certifiées
Selon Dr Marie Ndeye Gnilane Diouf, l’adoption de stratégies de résilience pour minimiser l’impact des chocs agricoles n’a pas le même effet sur les non-adoptants, s’ils choisissent d’adopter des stratégies de résilience.
Ainsi, souligne-t-elle, l’ensablement des champs contribue significativement à l’augmentation de la productivité agricole de ceux qui ont construit des digues, alterné les cultures et adopté des semences certifiées de 11%, 21% et 37% respectivement.
Les résultats montrent que ceux qui avaient pratiqué la rotation des cultures auraient produit 169 kg/ha de moins s’ils n’avaient pas effectué la rotation des cultures.
De même, la productivité agricole des agriculteurs ayant adopté des semences certifiées est de 421 kg/ha contre 244 kg/ha pour les agriculteurs n’ayant pas adopté des semences certifiées. Les agriculteurs qui ont adopté les semences certifiées auraient produit 227 kg/ha de moins s’ils n’avaient pas adopté les semences certifiées.
Le constat qu’elle en tire est que la construction de digues, la rotation des cultures et l’utilisation de semences certifiées sont les stratégies de résilience les plus pertinentes pour les exploitations agricoles en milieu rural face aux chocs agricoles et climatiques.
« Cela montre que les exploitations familiales des zones rurales du Sénégal en présence d’aléas agricoles (maladies des plantes, variation des prix des intrants, etc.) et climatiques (inondations, sécheresse, variation des précipitations, etc.) adoptent la stratégie de construction de digues, la rotation des cultures et l’utilisation de semences certifiées pour s’adapter, résister et prévenir les aléas futurs afin d’améliorer ou de maintenir leur rendement agricole », selon Dr Marie Ndeye Gnilane Diouf.
Elle soutient aussi que « l’adoption de stratégies de résilience des exploitations familiales est fortement liée aux variables climatiques (humidité, température, précipitations), au niveau d’éducation du propriétaire de l’exploitation, à la taille du ménage agricole et à la zone agroécologique ».
« Ces stratégies de résilience ont un impact significativement positif sur la productivité des exploitations familiales en milieu rural », ajoute-t-elle, relevant que « l’adoption de ces stratégies pourrait contribuer à réduire la vulnérabilité des ménages agricoles et à augmenter leur production ».
Egalement, cela pourrait contribuer à soutenir les initiatives de lutte contre la pauvreté, souligne-t-elle, appelant à une mise des systèmes de gestion des chocs, notamment un système d’information approprié pour accompagner les opérateurs.
Ouverte le 21 novembre sur le thème « Promouvoir une gouvernance foncière durable en Afrique pour accélérer la mise en œuvre de la Zlecaf », la conférence a réuni des délégués représentant les gouvernements, des chefs traditionnels, des chercheurs, des représentants des organisations de la société civile, des industries culturelles et créatives, du secteur privé, des partenaires au développement, etc.
La conférence était conforme au thème 2023 de l’UA, « Année de la Zlecaf : Accélération de la mise en œuvre de la Zone de libre-échange continentale africaine ».
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