« Le Tourisme se porte très mal comme nous le savons tous », clame d’emblée Moustapha Kane, Secrétaire permanent du Syndicat Patronal de l’Industrie Hôtelière au Sénégal (SPIHS). En effet, depuis le début de la crise liée à la pandémie de la Covid-19, l’ensemble des activités touristiques sont à l’arrêt du fait que c’est un secteur de voyages et de déplacements. Pour ne rien arranger, l’Etat avait pris la décision de fermer l’ensemble des frontières. Et quand on ferme les frontières, il n’y a plus de mouvement de personnes, souligne M. Kane. L’Etat avait également pris un certain nombre d’arrêtés interdisant tout regroupement au-delà de 10 personnes. A cela, s’ajoute la fermeture de tous les sites touristiques pour ne pas contribuer à la propagation du virus. Depuis lors, tous les hôtels, au nombre de neuf cents (900), sont à l’arrêt sur l’ensemble du territoire ainsi que les pôles touristiques. « Voilà la situation aujourd’hui qui a abouti à une perte qui se chiffre à plus de deux cent trente milliards (230 MM). Maintenant, je crois que nos Etats sont convaincus de cette difficulté. Les regards sont plus tournés vers la reprise aujourd’hui ; ce qui doit nous amener à voir quelles stratégies mettre en place pour la relance des activités », lance Moustapha Kane.
Le secrétaire permanent du Syndicat Patronal de l’Industrie Hôtelière au Sénégal apprécie à sa juste valeur les décisions prises par le Président de la République en faveur du secteur touristique et de celui des Transports Aériens, en leur allouant une enveloppe de 100 milliards FCFA. Enveloppe dans laquelle il y a les 15 milliards préalablement destinés au Tourisme dans son dispositif de soutien (crédit hôtelier) au secteur qui existait avant la crise. « Je dois également rappeler que ce ne sont pas des dons, mais des prêts. Une enveloppe que nous avons divisée pour le paiement des salaires, des factures d’eau et d’électricité au niveau des hôtels et pour le téléphone. Une mesure adoptée en intelligence avec l’Etat qui en plus recommandait aux entreprises de signer des conventions dans le cadre du chômage technique et d’éviter les licenciements. Tous les acteurs ont suivi cette décision qui faisait appel à un devoir de solidarité compte tenu de la situation de force majeure et le besoin de solidarité nationale », a renseigné le membre du SPHIS.
L’argent a servi à mettre en place des mécanismes de crédits avec d’abord une dotation de huit (8) milliards FCFA, dont six pour le financement des grandes et moyennes entreprises et les deux milliards pour les petites et micro-entreprises. Dans ce cadre-là, le Comité des acteurs touristiques s’est réuni et a examiné des centaines de dossiers sur la base de critères et d’éléments très rigoureux comprenant un délai de déféré de huit ans avec un différé de paiement de vingt-et-quatre mois (24) à un taux de sortie TTC de 3,5%. Un financement qui aidera les entreprises ayant un défaut de rentrées de recettes à supporter le délai de paiement de salaires. « Cela a bien été accepté par les Professionnels dans notre souci de Solidarité également avec le personnel avec qui nous cheminons depuis plusieurs années. Maintenant, tous les dossiers acceptés ont été envoyés à la BNDE pour décaissement. Je dois préciser que les entreprises avaient anticipé et payé les salaires pour les mois d’Avril et de Mai sans pour autant attendre le décaissement. Nous remercions également Monsieur le Président de la République pour sa compréhension vis-à-vis d’un secteur aussi important avec cent mille (100.000) emplois et qui participe au PBI à hauteur de 6,8%. Ce qui n’est pas négligeable dans l’économie du pays avec des recettes estimées à 450 milliards de nos francs. C’est le deuxième secteur d’activités pourvoyeurs de recettes de ce pays », souligne Moustapha Kane.
Tourisme domestique mais pas que…
Tous les pays qui se sont développés l’ont fait à partir de leur tourisme domestique. Quand on parle aujourd’hui de l’arrivée des Européens en termes de flux touristiques, elle est inférieure à la fréquentation nationale. En effet, 60% des séjours dans les réceptifs sont le fait des Sénégalais. Dans ce pays, on peut bien parler de tourisme domestique. Même s’il y a des réalités économiques qui font que le Sénégal n’est pas la France en termes de pouvoir d’achat. Toutefois, nous pouvons souligner qu’il y avait une forte tendance de ce qu’on appelle un tourisme du week-end sur la Petite Côte au niveau de Saly Portudal ou de Cap Skirring.
A côté du tourisme domestique, il y a le tourisme intracommunautaire composé des ressortissants des pays de l’UEMOA, de la CEDEAO et de l’Afrique tout entière. Ces visites constituaient également une masse de l’ordre de 25% des arrivées sur la base d’un million, ce qui n’est pas négligeable. « Dans le cadre de la géopolitique, quand on parle de crise, les gens se braquent. On ne peut compter que sur des gens avec qui vous partagez les mêmes réalités en termes d’informations. Et sociologiquement, ce sont des gens qui peuvent accepter les dispositions sécuritaires mises en place dans nos Etats et qui peuvent sans rechigner venir dans le cadre de missions économiques ou autres. Ce qui peut être un premier palier à la reprise de l’activité touristique pour montrer qu’on est aujourd’hui capables de recevoir à nouveau le flux touristique », déclare le collaborateur de Mamadou Racine Sy.
Mais il faut préciser qu’il y a différentes vocations du Tourisme ; le segment Affaires, constitué de l’hôtellerie d’affaires et des congrès pour qui la reprise est espérée le plus rapidement possible. Avec la qualité de notre diplomatie et le cadre géopolitique, l’espoir est permis pour créer les conditions d’une relance prochaine. Contrairement à l’hôtellerie de Loisirs, organisée en termes de voyages de groupes, ce qui suppose remettre les ventes au niveau des marchés et qu’il y ait des désirs ou décisions de voyages. « Souvent ce sont des informations que nous récoltons trois (03) ou quatre (04) mois à l’avance pour mieux nous préparer en conséquence. Nous sommes en basse saison et les marchés européens vont commencer à reprendre leurs activités dans la mesure où leurs gouvernements ont décidé d’ouvrir leurs frontières, de reprendre les vols pour la plupart des pays européens à partir du 15 Juillet, donc il y aura des mouvements. Mais les gouvernements européens ont précisé dans leurs recommandations : dans le territoire européen. Pour combien de temps ? on ne le sait pas encore. C’est pourquoi les décisions de mesures sanitaires prises par nos Etats restent déterminantes pour rassurer toute personne qui désire venir au Sénégal. Je pense que le Sénégal a des atouts comme son plateau médical pour lever les inquiétudes des voyagistes afin qu’ils comprennent que nous sommes en mesure de les accueillir avec toutes les dispositions sanitaires pour lutter contre la Covid-19 », précise Moustapha Kane.
Relance : Mise à niveau des infrastructures
Il croit savoir que par rapport aux éléments de relance, le secteur du tourisme va vers un rétrécissement des marchés. Les gens iront vers des destinations où il y a moins de risques de contamination et un dispositif sanitaire qui peut les prendre en charge en cas de contamination. Le Sénégal a sa carte à jouer sur ce plan. Cela et même être un bon booster en faveur du renforcement des investissements prévus dans le cadre du Tourisme médical intégré dans le PSE. « C’est pourquoi, je pense que cette pandémie peut constituer une opportunité pour le pays pour le financement des investissements afin de refaire également le parc. Nous sommes restés longtemps fermés, il faudra travailler à la remise à niveau de l’ensemble de l’équipement de notre offre d’hébergement et touristique. Avoir aussi une mise à niveau des zones de circuit et aller vers les marchés promoteurs pour la promotion des destinations », affirme le Secrétaire permanent.
Autant il est important de renforcer les équipements, autant il est aussi important de renforcer les moyens de promotion de la destination pour la promouvoir davantage. Il faudra un plan marketing le plus performant. L’autre élément fondamental, c’est le Transport aérien en mettant en place une stratégie gagnante en vue de relancer l’activité économique. Ce ne sera pas facile au début, mais le plus important, c’est de montrer qu’après la crise, le Sénégal est bien présent sur la carte des destinations touristiques avec l’ensemble des dispositifs hôteliers et infrastructurels pour accueillir les touristes qui souhaitent visiter le pays. Cela doit constituer une grande opportunité afin de renforcer la place du Sénégal au niveau des marchés internationaux de voyages et de Tourisme.
Nouvelles offres
S’il est clair que le monde de demain ne sera pas comme celui avant la Covid-19, le tourisme aura sa part de mutation. Au Sénégal, l’ensemble des acteurs le savent et sont prêts à suivre la nouvelle vague. Toutefois, cela nécessite un effort collectif pour que cette nouvelle offre soit économiquement viable et potentiellement rentable. Qu’elle inclut les populations locales et leurs modes de vie pour garder cet aspect national. « Je crois qu’il va falloir initier des tarifs promotionnels pour attirer de nouveaux clients. Mais il faudra également diversifier avec le marché européen ou les marchés du BRICS en concevant de nouveaux produits comme les Tourisme Religieux. Tout cela sera mis sur place comme offre, parce qu’on ne sait pas en réalité comment les consommateurs vont réagir. C’est pourquoi, il va falloir être dans la stratégie et mettre sur pied de nouveaux produits. C’est vrai que le marché local peut constituer une bonne opportunité, mais également en espérant que le pouvoir d’achat sera renforcé. Maintenant, c’est à l’Etat, dans le cadre de ses activités, de décentraliser vers les zones intérieures, ne pas seulement rester sur Dakar avec les colonies de vacances par exemple ou les fidèles qui voyagent pour aller à Fez puissent aussi se rendre à Tivaouane ou Médina Gounass. C’est pour dire, initier des investissements qui pourront capter un certain nombre d’activités touristiques comme les villes de Touba et Médina Baye, qui sont également des opportunités en termes de Tourisme religieux. Mais tout dépendra de la réaction du marché et des consommateurs », conclut Moustapha Kane.
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