Même sans frontière commune, le Sénégal et la Côte d’Ivoire ont souvent été liés par une histoire commune et des relations sociales et/ou culturelles indéniables. Je me plais d’ailleurs à les voir comme 2 frères ayant une affection certaine l’un pour l’autre, mais souvent animés d’un esprit de compétition l’un envers l’autre.
Pour cette 100èmeédition de REUSSIR, j’aimerais vous faire part de mon histoire personnelle, qui est intimement liée à celle de ces deux pays.
Lorsqu’on me demande mes origines, je me définis souvent comme sénégalo-ivoirienne (d’origine malienne).
Ivoirienne grâce à mon arrière-grand-père, El Hadj Médoune Cissé, qui a choisi de s’installer en Côte d’Ivoire à la fin des années 1 800… et qui a activement participé à la « construction » de la ville d’Abidjan et du pays d’ailleurs.
Arrivé sur place comme Maitre Maçon, à l’initiative du colon français, il réussit, à force de travail et d’abnégation, à monter sa propre entreprise de construction, seule entreprise africaine à l’époque à concurrencer les entreprises françaises. D’ailleurs, c’est cette même entreprise (sobrement appelée Entreprise Médoune Cisse) qui aura en charge la construction des gares et ouvrages (ponts et autres) des 600 premiers kilomètres du chemin de fer Abidjan – Niger. Rien que ça !
Parallèlement à cela, mon arrière grand-père a activement travaillé à l’expansion de l’islam en Côte d’Ivoire, en tant que « missionnaire » d’El Hadj Malick Sy, guide des Tidianes basé au Sénégal, et participera à la construction de nombreuses mosquées à travers le pays (Côte d’Ivoire), au gré des chantiers qu’il y avait.
Il contribuera également au développement de la communauté sénégalaise, fortement implantée dans le quartier de Treichville (qu’on pourrait aussi bien appeler Little Sénégal), grâce notamment à un dispositif d’accueil qu’il avait mis en place et qui permettait à tout Sénégalais arrivant à Abidjan de séjourner,entre 3 et 6 mois (sans frais),dans la maison familiale – la Grande Cour – letemps de pouvoir se lancer dans l’arène. Pour la petite histoire, la maison familiale était initialement localisée à Cocody. Mais, le colon français ne supportant pas les appels à la prière à l’heure de la sieste, mon aïeul choisi de déménager à Treichville, plus populaire mais où on pouvait construire une mosquée (ce qu’il fit) et prier tranquillement.
La Grande Cour existe encore aujourd’hui avec toujours, des chambres d’accueil et les repas préparés pour les hôtes de passage.
Mon grand-père Makhéte, fils aîné d’El Hadj Médoune Cisse,né en 1907 à Abidjan, ira à l’école avec Félix Houphouët Boigny et renoncera à son rêve de devenir médecin africain pour reprendre la gestion de l’entreprise paternelle. C’est lui qui construira, entre autres, l’hôpital de Gagnoa en 1951.
Si je me considère comme Ivoirienne, c’est aussi parce que ma mère, elle-même, est née et a grandi à Abidjan et que mon frère et moi y avons passé toutes nos vacances, étant petits. Autant dire que nous avons baigné, très tôt, dans cette double culture sénégalo-ivoirienne.
Et lorsque j’y suis retournée, plusieurs années plus tard, pour une mission de plusieurs mois, mon côté ivoirien, en hibernation depuis mon adolescence, s’est immédiatement réveillé (et n’est plus jamais reparti depuis). J’aurais voulu y rester (Abidjan reste, avec Dakar, la seule ville où j’aimerais passer le reste de ma vie).
Et si je m’y suis autant sentie chez moi, ce n’est pas seulement parce que ma famille y vit. C’est également grâce à l’accueil que j’ai reçu des Ivoiriens qui m’ont toujours traitée comme une des leurs et non comme une étrangère : j’étais simplement une enfant du pays qui rentrait « à la maison ».
Les nombreux Sénégalais que j’y ai croisé, bien que n’ayant,eux même,peut-être pas d’histoire ancestrale avec la Côte d’Ivoire, m’ontégalement affirmé se sentir totalement chez eux, malgré certains évènements malheureux qui ont émaillé l’histoire de la Côte d’Ivoire.
Car on dira ce qu’on voudra, deux frères resteront toujours frères, quels que soient les rivalités qui peuvent, quelques fois, naître entre les deux. Et le Sénégal et la Côte d’Ivoire, c’est «2 frères même père, même mère» comme on dit chez nous…
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