On pensait que Nokia en avait définitivement fini avec les téléphones portables, produits qui avaient fait sa gloire et que plus jamais aucun smartphone ne porterait ce nom. Pourtant, il semble bien que le géant des télécommunications finlandais n’ait pas définitivement raccroché.
Lundi 13 juillet, le groupe a annoncé officiellement vouloir lancer à nouveau des smartphones sous sa propre marque. Cette annonce intervient deux ans à peine après la cession de la division terminaux du finlandais à l’américain Microsoft, pour 7,2 milliards de dollars (6,5 milliards d’euros).
Le groupe, dirigé par Rajeev Suri a indiqué dans un communiqué vouloir « identifier un partenaire qui puisse être responsable de toute la fabrication, les ventes et le service consommateurs ». Pas question donc pour Nokia de se lancer à nouveau dans la coûteuse entreprise de l’assemblage et de la distribution : il s’agit simplement ici de conclure un accord avec un partenaire capable de se charger de toutes ces tâches.
Pour autant, on ne devrait pouvoir acheter de smartphones sous la marque Nokia avant le quatrième trimestre 2016. En effet, un accord avec Microsoft stipule que le Finlandais n’est pas autorisé à commercialiser un smartphone sous ce nom avant cette date.
30 000 brevets
Ce regain d’intérêt de Nokia pour le marché grand public avait déjà été observé en novembre 2014, mais sur le créneau des tablettes cette fois. À l’époque, le finlandais avait annoncé le lancement prochain de la N1, une ardoise tournant sous la dernière version d’Android, le système d’exploitation de Google.
Comme ce sera très probablement le cas pour les smartphones, Nokia ne fait que concevoir l’appareil. L’assemblage, la commercialisation, la garantie et même la gestion du service après vente sont la prérogative de Foxconn, le constructeur taïwanais qui fabrique aussi les iPhone d’Apple. C’est un simple accord de licence qui lie les deux groupes dans cette nouvelle opération.
Mais avec sa division Nokia Technologies – déjà à l’origine du projet N1 –, le groupe finlandais est à la tête d’un portefeuille d’environ 30 000 brevets, touchant essentiellement au monde des mobiles et aux technologies de communications. Un trésor qui intéresse fortement nombre de fabricants de smartphones.
« Nokia dispose d’actifs comme les brevets, mais aussi d’une capacité à concevoir des téléphones intelligents. Le groupe sera sans conteste un partenaire très attractif », commente Daniel Gleeson du cabinet IHS.
Partenariat avec LG
Pour l’analyste, le groupe pourrait même tirer des revenus supplémentaires de cette association. « Pourquoi laisser dormir ces actifs alors qu’ils pourraient les rentabiliser ne serait-ce qu’a minima, souligne-t-il, dans certains endroits du monde, comme les pays émergents, la marque est encore très forte et les terminaux pourraient se vendre en nombre conséquent. »
À la mi-juin, Nokia et LG ont signé un partenariat selon lequel le sud-coréen pourrait utiliser certaines licences de Nokia, sans préciser lesquelles.
Aujourd’hui Nokia est avant tout un équipementier télécoms : il construit et vend des réseaux mobiles pour les opérateurs. Le rachat récent par le groupe finlandais du franco-américain Alcatel Lucent a d’ailleurs pour but de renforcer cette activité et de transformer le nouvel ensemble en champion européen des infrastructures.
Mais il n’en a pas toujours été ainsi. Pendant longtemps, la division réseaux ne représentait pas grand-chose et c’étaient les terminaux qui tiraient les profits du groupe.
Pendant quatorze ans, de la fin des années 1990 aux années 2011-2012, Nokia a régné sur le marché de la téléphonie mobile. Avec son 33 10, un modèle mythique, le constructeur avait inondé la planète, s’accrochant aux oreilles des adolescents comme à celles des chefs d’entreprise.
Las, le groupe n’a pas su négocier le virage du smartphone, un produit innovant popularisé par l’iPhone d’Apple en 2007. Il n’a pas su s’adapter aux nouvelles préférences de consommateurs friands d’écrans tactiles et d’interfaces ergonomiques.
Nokia a pourtant multiplié les tentatives pour percer sur ce nouveau marché. En 2012, le groupe, alors dirigé par Stephen Elop, avait signé un accord de partenariat avec Microsoft pour embarquer Windows Phone, l’OS de l’américain dans tous ses smartphones. C’est ainsi qu’est née la gamme Lumia.
Marque grand public
Sur un marché des smartphones hyperconcurrentiel, comme le montrent les difficultés de Microsoft avec son Windows Phone dont la part de marché plafonne sous les 3 %, ou à un autre niveau celles de Samsung – pris en tenaille entre Apple pour le haut de gamme et les constructeurs chinois pour l’entrée et le moyen de gamme –, Nokia limite les risques financiers en jouant la carte de la licence.
« Pour Nokia, les avantages d’un accord de licence sont considérables, selon une note d’IHS. Le groupe peut ainsi réintégrer le marché du mobile, sans se soucier de la chaîne d’approvisionnement, du management des effectifs dans les usines, du contrôle du stock ni de la distribution. D’autant qu’en vendant son activité mobile à Microsoft, Nokia s’est dégagé d’un bagage historique et peut recommencer à zéro. »
Et si les téléphones portant le nom Nokia emportent les suffrages des acheteurs, le groupe réussira le tour de force de se maintenir dans le cœur et les esprits comme une marque grand public.
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