En ce qui concerne l’accès des populations à l’électricité, le Sénégal occupe la 8e place en Afrique, a récemment indiqué un responsable de la Société nationale d’électricité (SENELEC). Qu’en est-il réellement ? L’accès et la qualité du service de l’électricité, des défis majeurs en Afrique.
« Le Sénégal est le 8ème pays au niveau africain, en termes de taux d’accès à l’électricité mais, nous devons transformer notre pays plus facilement (…). Le Sénégal a 200 mégawatts de réserve. C’est plus que la consommation du Mali, deux fois celle de la Mauritanie », a affirmé Abdoulaye Dia, secrétaire général de la SENELEC.
Il s’exprimait, le 22 mai 2017, en marge d’un atelier organisé par l’Agence nationale chargée de la promotion de l’investissement et des grands travaux (APIX) à l’intention du collectif des journalistes économiques.
Mais ce chiffre correspond-il à la réalité ?
D’où vient ce classement ?
Africa Check a contacté le secrétaire général de la SENELEC qui a nous a envoyé un lien. « Je vous donne ici le lien vers la source qui parle de notre classement en 8e place en Afrique en matière d’accès à l’électricité », indique M. Dia, dans un courrier électronique envoyé à Africa Check.
En fait de document, il s’agit plutôt d’un article de presse rendant compte du rapport 2017 « Global Energy Architecture Performance » du Forum économique mondial,
Qu’est-ce que l’accès à l’électricité ?
Au niveau mondial, il n’existe pas une seule définition sur laquelle s’accordent toutes les organisations qui travaillent sur l’accès à l’électricité dans les pays. Cependant, dans le rapport intitulé «Vers une électricité abordable et des opérateurs viables en Afrique», produit en 2016, la Banque mondiale estime que l’accès à l’électricité renvoie à « tous les ménages indiquant qu’ils utilisent l’électricité comme source principale d’énergie pour l’éclairage ou la cuisson, qu’ils ont eu des dépenses positives d’électricité et qu’ils possèdent des générateurs ou des panneaux solaires ».
L’institution financière souligne que l’accès à l’électricité était plus une réalité en Afrique du Nord (97,0%) qu’en Afrique subsaharienne (37,5%) en 2014.
Comment obtient-on le taux d’accès à l’électricité ?
« Les données relatives à l’accès à l’électricité sont analysées à partir d’une combinaison de sources comme les gouvernements, un réseau de contacts, les banques multilatérales de développement, les représentants des pays dans de différentes organisations internationales, l’USAID, la Banque mondiale qui produit régulièrement une étude sur les niveaux de vie des populations dans les pays appelée ‘Living standards measurement Studies’ », a confié à Africa Check Jon Custer, chargé des médias à l’Agence internationale de l’énergie (AIE).
Selon l’AIE, l’Afrique du Nord a un taux d’accès moyen de 99 % car la population est plus urbanisée, le PIB y est deux fois plus élevé que dans les pays d’Afrique subsaharienne à l’exception de l’Afrique du Sud.
Outre le coût d’accès plus faible, les analystes de l’AIE constatent que « l’électricité n’a pas été inscrit au début au rang des priorités politiques et les capacités de production électrique dépendaient des combustibles fossiles en Afrique subsaharienne ».
Quant au Sénégal, l’AIE souligne que les dernières statistiques publiées ont été transmises par le ministère de l’Energie et du Développement des Energies renouvelables. «Le Sénégal a dépassé le taux de 50%, la moyenne en Afrique au sud du Sahara. Ceci fait qu’en Afrique subsaharienne, il est quand même parmi les pays qui ont le plus important taux d’accès », relève-t-il.
Quel taux pour le Sénégal ?
Africa Check a consulté le classement des pays en fonction du taux d’accès de leurs populations à l’électricité en 2014, disponible dans la base de données de la Banque mondiale. Selon ce document, 61% des Sénégalais avaient accès en 2014.
Accès à l’électricité en Afrique du Nord
Pays Taux d’électrification
Algérie 100%
Egypte 99,9%
Libye 98,4%
Maroc 91%
Tunisie 99,8%
Source : Banque mondiale
L’AIE a produit son dernier rapport annuel en 2016, sur le taux d’accès à l’électricité dans les pays dénommé Annual World Energy Outlook. Les dernières données publiées par l’agence datent de 2014. Selon cette étude, le Sénégal a un taux d’accès à l’électricité de 61%, loin derrière des pays de l’Afrique du Nord.
Accès à l’électricité en Afrique du Nord
Pays Taux d’électrification
Algérie 100%
Egypte 99%
Libye 100%
Maroc 99%
Tunisie 100%
Source : AIE
Pays Taux d’électrification
Sénégal 61%
Cameroun 62%
Côte d’Ivoire 62%
Guinée Equatoriale 66%
Comores 69%
Ghana 72%
Afrique du Sud 86%
Gabon 89%
Cap-Vert 96%
Seychelles 98%
Ile Maurice 100%
Source : AIE
D’ailleurs, le document auquel nous renvoie le secrétaire général de la SENELEC place le Sénégal au 12e rang africain (non 8e) avec un taux d’accès et de sécurité de l’énergie de 49% et un score de 52%.
Ce classement met l’Afrique du Nord avec le Moyen-Orient dans la même catégorie. En plus de l’accès et la sécurité de l’énergie, il prend en compte beaucoup de critère dont la croissance et le développement ainsi que la durabilité environnementale.
Les pays qui devancent le Sénégal sont : Afrique du Sud (62%), Botswana (56%), Cameroun (78%), Congo (76%), Côte d’Ivoire (73%), Ghana (70%), Kenya (83%), Mozambique (90%), Namibie (74%), Zambie (89%) et Zimbabwe (78%).
Conclusion : le rang attribué au Sénégal est erroné
Le secrétaire général de la Société nationale d’électricité (SENELEC) a affirmé que le Sénégal est le 8e pays africain en matière d’accès à l’électricité. Interrogé par Africa Check, Abdoulaye Dia, a dit s’être basé sur un article de presse rendant compte du rapport de Global Energy Architecture Performance 2017. Mais ce document consulté par Africa Check met le Sénégal au 12e rang africain sur les 18 pays africains étudiés. La Banque mondiale et l’Agence internationale de l’énergie, qui publient des rapports sur l’accès à l’énergie, mettent le Sénégal respectivement aux 13e et 11e places mondiales dans leur dernière publication. Ces différents rapports mettent les pays d’Afrique du Nord (où les taux d’accès sont plus élevés) avec ceux du Moyen-Orient. En conséquence, le classement est erroné, même si le Sénégal a dépassé les 50%, la moyenne en Afrique subsaharienne.
Discussion à ce sujet post