La grande distribution tente de se faire une place sur le juteux marché des achats du Ramadan. Après une longue journée de jeûne et à quelques heures de la rupture, presque tous les Musulmans se retrouvent dans ces nouveaux lieux de dépenses, devenus, par la force des choses, «the place to be». Il faut dire que l’approvisionnement en lait, charcuterie, pain, boissons ou pâtisseries se fait maintenant depuis les supermarchés. Du coup, le Ramadan représente un fort potentiel commercial pour ces derniers.
Ici, au supermarché Casino, au cœur de la Médina, on constate une certaine affluence. Rien qu’au parking, le nombre et le standing de véhicules stationnés suffisent pour avoir une idée sur la masse et la diversité des clients. Le lieu accueille les clients naturels et les clients «dits du Ramadan». Dès l’entrée, on sent nettement l’atmosphère du Ramadan à travers la panoplie des produits proposés. Des va-et-vient dans les rayons bien garnis suffisent pour apprécier le décor. Des dattes par-ci, du lait par-là, du café, de la charcuterie de l’autre côté, de la viennoiserie, du pain, des jus de fruits, du fromage gruyère sont bien positionnés devant, pour plus de visibilité. Ce qui fait la beauté des lieux…
Tout au long de notre excursion, l’on aperçoit des clients aux pouvoirs d’achats différents, venus seuls ou accompagnés par la petite famille. Pour certains, le choix de produits se fait aisément, une vingtaine de minutes suffisent pour faire leurs provisions. Par contre, les pères ou mères de famille, accompagnés souvent par les enfants, ont du mal à faire leurs achats dans la quiétude à cause des caprices des petits. Même la musique douce qui égaye l’atmosphère, ne parvient pas à les calmer. Aux parents donc d’être compréhensifs, malgré les affres du jeûne qui commencent à faire leurs effets, surtout à la fin de la journée.
De même, l’achat au supermarché, en cette période de jeûne, rime quelquefois avec indécision. Souvent, certains se retrouvent devant les rayons sans savoir quoi acheter au moment où d’autres s’en sortent facilement grâce à une liste des achats soigneusement préparée. Quelles sont les raisons de cette indécision ? La faim, la diversité des produits proposés, les rayons gondolés ou tout simplement l’embarras du choix… A vous de juger.
Tout au long des allées de ce supermarché, les étalages de produits en promotion pendant le Ramadan attirent l’attention. Partout où l’on passe, des packs et des paniers-Ramadan sont proposés à des prix abordables. Outre le réaménagement du calendrier horaire, les vendeurs agréés doivent rivaliser avec les différentes hôtesses, déployées sur les lieux par leurs différentes entreprises, pour écouler les produits.
Une fois les achats finis, les clients se dirigent tranquillement à la caisse pour régler la facture. Une queue tellement longue qu’elle décourage les jeûneurs qui veulent absolument rompre en famille. Amertume et impatience se lisent sur le visage des clients. Pourtant au niveau de la caisse, tout se règle avec pragmatisme et rapidité, mais tout au long de la file d’attente, ça bouge à pas de caméléon. Une attente qui permet encore aux enfants de renouer avec leurs caprices, au moment où d’autres se prennent en selfie, peut-être en guise de souvenir. Pendant ce temps, de jeunes garçons profitent bien de la climatisation des lieux pour calmer la faim. «En ce moment, la fraîcheur qui provient de cet appareil de climatisation n’a rien d’égalable sur terre», lâche une cliente qui avoue perdre beaucoup de temps juste à cet endroit.
Le mois de Ramadan profite bien aux supermarchés, même si les responsables de ces structures ne nous ont pas donné des chiffres, quant à l’évolution de la courbe de leur chiffre d’affaires de cette période. Le constat est qu’en dépit du fait que les bourses ne sont pas égales, les ménages sénégalais s’arrangent pour se payer quelques produits au supermarché. Ces derniers s’adaptent plus que bien à la clientèle en mettant l’accent sur la communication et la fidélisation clientèle. Raison pour la plupart des produits que consomment les Musulmans durant cette période, sont vendues en promotion.
Les saucissons pour mieux garnir la table
Pendant un mois, les Musulmans entrent en période de jeûne. Mais cette période rime avec une forte consommation de saucissons par beaucoup de Musulmans. Au petit matin (Kheud) ou à l’heure de la rupture, impossible d’empêcher les habituer de la charcuterie d’en consommer.
«Oui ! J’ai l’habitude de consommer de la charcuterie, même avant le Ramadan. Mais, en cette période, j’en achète beaucoup plus pour me faire plaisir et faire plaisir à la famille. Après une journée d’abstinence, l’on se doit quand même de bien manger pour combler le gap de la journée», explique Ibrahima Ndoye, un père de famille croisé à quelques mètres du supermarché Citydia, sis à Bargny.
Mais surconsommation rime surtout avec grosses dépenses. En ces moments, le constat est clair, on dépense plus que d’habitude pour se procurer de bons petits plats, en abondance.
«En tant que femme et mère de famille, je dépense doublement pendant le mois de Ramadan, comparé au reste de l’année. En dehors des dattes, le must, c’est la charcuterie. Même ceux qui n’en mangent pas habituellement en consomment pendant ce mois. Donc, je mets la main à la poche pour m’en procurer aussi…», explique Sokhna Thiam, Responsable commerciale à la TFM.
Si certaines familles en consomment à volonté pour se faire plaisir, d’autres, par contre, restent sceptiques par rapport à la qualité de ces produits. Loin de se faire plaisir ou de satisfaire leur famille, certains ne changent pas leurs habitudes alimentaires pour abuser de la consommation des saucissons. Ils sont plutôt exigeants par rapport au caractère halal du produit. «Certaines familles ne font pas confiance aux saucisses. D’autres, plutôt conservatrices, habitant l’intérieur du pays, ne connaissant pas les saucisses, même si elles les voyaient, elles pourraient être réticentes pour les manger. Elles auraient tendance à l’assimiler à la viande de porc, prohibée par la religion. En la matière, le Sénégal gagnerait à relever le défi de la conformité. Il y a beaucoup de variétés de saucisses et de produits transformés, aujourd’hui proposés aux consommateurs et dont on n’est pas très sûr qu’ils remplissent les conditions de qualités requises et de respect des normes de santé», se désole Tidiane Guéye.
Même constat chez ce jeune musulman qui tient aussi à la qualification des saucisses, conformément aux règles de la religion musulmane. D’ailleurs, il n’en consomme pas. «Je n’ai pas eu vent de cette nouvelle tendance. C’est quelque chose qui m’échappe, pour l’instant. Pour ma part, je ne suis pas trop porté sur la viande, encore moins quand elle est crue. Il y a également le problème de sa production et de sa conservation. Je ne sais pas dans quelles conditions ces produits sont faits, je ne sais pas si ma religion me permet d’en consommer et qu’est-ce qui est mis dedans», martèle Aliou Ndiaye.
Toutefois, force est de reconnaître que la charcuterie est fortement consommée en période de Ramadan, surtout lors de la rupture du jeûne. Malgré la réticence de certains Musulmans, les vendeurs ne se plaignent pas. En plus, les saucisses sont accessibles au marché ou dans les grandes surfaces. «Oui, je me fais de l’argent avec la charcuterie. Non seulement pendant le Ramadan, la commande augmente, mais avec la forte demande, j’arrive à tout écouler. Les clients font même la queue pour s’en procurer. Donc, on fait le maximum pour les satisfaire et veiller à ce que les saucisses ne soient pas en rupture durant tout le mois de Ramadan», affirme Patrick, gérant du supermarché «Chez Tony», à Rufisque.
La datte, le fruit béni
S’il y a un aliment dont personne ne peut se priver durant le Ramadan, c’est bien les dattes. Ce fruit, présent dans tous les marchés de Dakar, fait le décor des étals. En cette période de mois béni, tous les Musulmans s’en procurent pour agrémenter la table.
Ce fruit sec fait partie des produits recommandés par la religion, surtout durant le Ramadan. Il est non seulement bénéfique pour l’organisme, mais aussi il est recommandé par la Sounna du Prophète Mouhamad (PSL).
Au marché Tilène, la plupart des étals sont garnis de dattes. Il en existe sous différents formats. Des packs d’un kilogramme, des sachets de 500 grammes, de petits sachets de 250 grammes sont commercialisés. Il y en a même celles qui sont mises en sachets et vendues au prix de 25 FCFA par les vendeurs ambulants qui se faufilent, le long des allées des quartiers pour intercepter les clients. Pour le moment, le prix du kilogramme varie entre 1 000 et 1 500 FCFA, selon la qualité du produit. Il en existe pour toutes les bourses. Les dattes proviennent souvent de pays différents, selon le vendeur Baïlo Diallo, trouvé devant son étal de fruits. «Les dattes nous viennent souvent des pays du Maghreb, comme le Maroc et la Tunisie, mais aussi d’autres pays, comme la Turquie, l’Arabie Saoudite…»
Même constat à la rue Sandiniery, à Sandaga, où on commercialise la plupart des fruits venants des pays de la sous-région. Ce sont les caisses de dattes qui vous accueillent. Sur les lieux, les clients ont le choix entre les dattes fraîches, celles qui sont sèches, les Alaouites, les dattes frisées qui viennent du Maroc… Partout dans la capitale, ce fruit sec est très consommé.
Si l’on s’abstient de manger pendant toute la journée, c’est aussi important de consommer des aliments riches en fibres et potassium. Selon les nutritionnistes, les dattes en contiennent beaucoup. Elles sont également pleines de fibres pour aider à prévenir la constipation durant cette période.
Bissap, Bouye, Gingembre étanchent la soif du jeûneur
Après une longue journée de jeûne, les fidèles n’ont qu’une seule envie : boire ! Etancher leur soif pour combler cette sensation de déshydratation. Cette envie est accentuée par la canicule qui prévaut actuellement sur Dakar. Au niveau des marchés, les jus locaux comme le Bissap et le Bouye sont les plus demandés. Les prix varient entre 300 et 400 FCFA, selon la taille de la bouteille. «Le Ramadan et les fêtes de Pâques sont les périodes où j’en vend le plus. Je fais venir plusieurs sacs de ces ingrédients du village, à 15 jours du Ramadan», affirme la vieille dame Nogaye, vendeuse de produits locaux, installée au marché Syndicat de Pikine. En plus de ces deux produits, un autre émerge du lot, en cette période de Ramadan. Il s’agit du gingembre. Plus connu pour ses facultés aphrodisiaques, il est décliné sous plusieurs formes et vendu assez largement. «Beaucoup l’assimilent à ses vertus aphrodisiaques, mais on sait également qu’il donne la forme, après une journée de privation», justifie Pape Sy, un retraité de 65 ans trouvé avec un sachet de gingembre en poudre à la gare de transport en commun de Petersen. D’autres jus tirent leur épingle du jeu durant cette période, à l’image des jus en brique. Il faut souligner que beaucoup de famille préfèrent consommer des jus locaux après la rupture. «Etant donné qu’on ne connaît pas la composition des éléments qui entrent dans la fabrication des jus en poudre qu’on vend un peu partout au Sénégal, on préfère se rabattre sur les jus locaux qui nous rassurent plus. Et de préférence, les jus fait maison», précise Astou, une jeune femme rencontrée à Tilène.
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