Au commencement, était le désœuvrement total et sans issue, à la fin l’impasse. Comment continuer à être exclusivement dépendant de parents qui, perdant la force de l’âge, affichent leurs silences toujours plus réprobateurs?
Quand on est téléspectateur derrière son écran, une immense amertume nous envahit. Des pirogues pleines à chavirer. Des hommes, des femmes, des enfants, des nouveaux- nés parfois, assumant avec la lucidité du désespéré, une prise de risque folle, celle de courir après l’horizon afin de rattraper, par de-là son reflet, la promesse d’une nouvelle raison de vivre.
Le phénomène serait exclusif, selon certaines voix. Dépourvu de toute universalité, il serait le propre d’une Afrique pauvre par ses habitants et son économie, d’une part et cynique par ses dirigeants, d’autre part.
Ceuta et Melilla en Espagne, Ténériffe aux Iles Canaries, Lampedusa en Italie ! Que de noms évocateurs de drames insoutenables. Des déserts et des océans hostiles à traverser, des armées de disparus et d’échoués à la clé, des cohortes de morts ou de grands choqués.
Mais ne voilà-t-il pas qu’une grande crise économique a frappé, sans les en avertir, les habitants du Nord ? Parties d’Amérique, ses secousses ont atteint l’Europe mais également le reste du monde, l’Afrique comprise. Cette fois-ci, cependant, celle-ci a mieux résisté que tous les autres continents, ceci en surfant sur une moyenne de taux de croissance d’environ 6%.
C’est alors que, sous nos yeux, l’ordre des choses se renverse, en matière d’immigration. Les exodes clandestins changent alors de camp, même si les média en parlent encore peu. En Angola, par exemple, où le taux de croissance avoisine les 13%, des émigrés de l’ancienne colonie portugaise, en crise aigüe, (15% de taux de chômage), affluent (30 000/an et prés de 140 000 à ce jour). Cette économie africaine en reconstruction est, par ailleurs, si florissante (116 millions d’euros d’investissements et prises de participation au Portugal) qu’elle en rachète les fleurons les plus illustres du monde des affaires de ce pays (banques, journaux, stations-essence, usines de production fruitière).
Cependant, nombre de ces nouveaux émigrés portugais en Angola, y étant entrés clandestinement, en sont régulièrement refoulés par les autorités du pays.
En Espagne, où le taux de chômage avoisine les 30% en général et 55% chez les jeunes, ce sont officiellement quelque 10 mille arrivées d’immigrants qui ont été enregistrées par l’économie marocaine plus florissante, mais en réalité, environ 30 mille dont un nombre important de clandestins.
Le Maroc a décidément le vent en poupe en matière d’attraction professionnelle internationale. En effet, ce pays constitue aussi la terre d’exportation de près de 55 000 jeunes français. Ceux-ci ont, comme les Espagnols, choisi le Maroc pour échapper à la crise sévissant dans leur pays d’origine. Ils ont, en effet, cherché à s’y installer progressivement, puis définitivement avec le temps.
Au Sénégal, le documentaire «dëkundo» qui, du wolof au français, signifie «voisinage», est édifiant à plus d’un titre sur le sujet. Cet excellent document d’information audiovisuelle donne la parole à une quinzaine d’immigrés européens, évoluant professionnellement dans ce pays. Ils y expliquent très bien dans quelle mesure le paradigme de la crise au Nord a bouleversé leurs rapports personnels avec les pays du Sud, aujourd’hui.
On y découvre, par ailleurs, la ferme volonté de s’intégrer, tant économiquement que culturellement, de ces migrants d’un genre nouveau. Ils nous expliquent (certains dans un wolof parfait) vouloir tout faire pour être complètement en règle avec les lois du pays d’accueil qu’est le Sénégal.
L’embellie économique du continent africain, qui a commencé il y a une dizaine d’années, se conforte. De nouvelles dynamiques de développement émergent s’y créent et s’y consolident chaque jour, un peu plus. Ce qui amène les migrants du Nord, chassés par la crise, à désormais y élire domicile. Drôle de retournement de l’histoire ! Mais au fait, que font donc nos médias nationaux et continentaux de cette nouvelle donne ?
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