L’actualité au Sénégal, ce sont les inondations constatées sur l’étendue du territoire national. Qu’est-ce que cela vous inspire en tant que promoteur immobilier national impliqué dans l’aménagement de l’espace ?
Je voudrais, avant d’en venir spécifiquement à la réponse à cette question, faire observer que des améliorations réelles ont été notées dans l’évacuation des eaux pluviales au niveau de la Capitale, mais aussi dans les régions, pour avoir été un témoin privilégié des inondations vécues à Dakar en 2005, étant à ce moment adjoint au Gouverneur de Dakar chargé des Affaires administratives et membre du Commandement du Plan ORSEC.
Mais je suis obligé de parler d’amélioration, puisqu’il y a eu un rattrapage coûteux dans la politique d’Assainissement de la Capitale et de sa banlieue. Or, un Etat doit être à la fois prévoyant, préventif et rigoureux dans l’application des règles d’Urbanisme. Mais force est de reconnaître qu’il y a eu, de par le passé, beaucoup de laxisme, mais surtout de légèreté dans les plans d’aménagement.
C’est pourquoi nous saluons, à juste titre, l’élaboration, par le Président Macky SALL, d’un Plan décennal de lutte contre les inondations, doté d’un budget conséquent de 764 milliards de FCFA. En tant que promoteur immobilier, notre capacité à offrir des cités ou parcelles assainies reste fortement tributaire des réseaux d’assainissement primaires construits par l’Etat.
En fait, nous prévoyons toujours un réseau secondaire dans nos lotissements et cités, mais en l’absence de réseau primaire de collecte, il nous est impossible de réaliser un réseau secondaire qui doit se connecter impérativement à celui primaire qui concerne plusieurs sites, voire localités en même temps.
En conséquence, si chacun joue son rôle, il n’y a pas de risque qu’il y ait des inondations dans un contexte de pluviométrie normale. Mais force est aussi de constater qu’il existe beaucoup de quartiers spontanés, devenus pratiquement des villes dont l’aménagement est difficilement rattrapable.
Et à côté de ces quartiers irréguliers, il y a des comportements qui agressent et entament la fonctionnalité de réseaux existants souvent obstrués par des constructions ou extensions d’immeubles. Au total, il est à retenir que la question de l’aménagement urbain interpelle tous les acteurs, dont certes l’Etat en premier, mais aussi les promoteurs immobiliers que nous sommes et les populations qui en sont les bénéficiaires finaux.
L’État a initié un programme de 100 000 logements, étalé sur les cinq prochaines années. En tant que promoteur immobilier public, pouvez-vous nous expliquer votre implication dans ce projet ?
Le projet des 100 000 logements est un accélérateur de l’offre de logements qui est devenu un impératif, eu égard au gap existant entre l’offre qui est d’environ 5 000 logements par an et la demande se situant à plus de 15 000 par an, avec un stock de demandes qui a dépassé maintenant 400 000.
Naturellement, en tant que promoteur public, la SN-HLM est interpelée au premier chef, puisque la production et la commercialisation de logement et de parcelles assainies est sa raison d’être.
Mais la particularité du projet en question réside dans la mise en pratique d’un triptyque cher au Président Macky SALL, à savoir : l’équité sociale, l’équité territoriale, mais aussi l’inclusion sociale.
C’est pourquoi notre société qui a le pied à l’étrier, s’est résolument incrustée dans ce dispositif pour être un catalyseur à la réussite de ce projet.
En effet, pour se conformer à l’équité territoriale, Monsieur le Ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim FOFANA, a identifié nos différents sites existant dans les différentes régions comme devant faire l’objet de phase pilote du projet. Nous sommes présentement à pied d’œuvre pour produire 1 300 villas dans cette phase qui démarre cette année. Et, à terme, nous ambitionnons de contribuer à hauteur de 20 000 logements sur les 5 ans.
Nous en avons la compétence et les capacités et le Ministre est en train de bien nous accompagner pour capter les ressources nécessaires. Parallèlement, nous poursuivons nos programmes classiques, dont les réalisations vont aussi être capitalisées dans le projet de 100 000 logements.
Est-ce qu’il est prévu un quota de logements réservé à la SN-HLM dans l’exécution de ce projet ? Peut-on avoir une idée des localités ciblées par la SN-HLM ?
Il n’y a pas de quota défini pour la SN-HLM, mais notre ambition est de contribuer pour 20 000, soit le 1/5 du projet. S’agissant des localités, comme indiqué plus haut, nous mettons à la disposition du Projet toutes nos assiettes foncières disponibles en régions, notamment à Dakar, Thiès, Sandiara et Tivaouane (Région de Thiès), Kébémer (Région de Louga), Ngalèle et Podor (Saint-Louis), Fatick et Gossas (Région de Fatick), Kaolack, Kaffrine, Tambacounda et Bakel (Tambacounda), Ziguinchor, Sédhiou.
Par ailleurs, nous sommes encore en prospection et des propositions nous sont aussi faites. Notre objectif étant qu’aucune région ne soit laissée en rade.
Comment appréciez-vous les schémas de financements des banques ? Qu’est-ce qui a concrètement changé dans le financement de ce projet, comparé au schéma classique du financement de l’habitat ?
Les banques et établissements financiers contribuent pour beaucoup à la réalisation de projets immobiliers pour une disponibilité financière de plus de 50 milliards de FCFA par an. Ils n’ont souvent pas de problème de liquidité, encore moins de demandeurs de crédits. Mais les conditions bancaires ne sont souvent pas accessibles à tous, surtout en ce qui concerne la couverture des risques par des garanties.
Du point de vue de la banque, rien ne change avec ce projet, mais l’Etat intervient en amont en bonifiant le taux d’intérêt de l’acquéreur avec le mécanisme du Fonds pour l’Habitat social.
Ce qui signifie que le crédit lui sera plus accessible et cela va se répercuter considérablement au niveau de la banque qui verra ses ratios et performances s’améliorer.
Quelles sont vos offres actuelles en termes de logements ? La rentabilité le remporte-t-elle sur le social ?
Retenez d’abord que la SN-HLM ne fait pas que des logements, mais commercialise aussi des parcelles assainies. Au moment où je vous parle, nous avons 238 logements en construction à Ngalèle, 104 à Ziguinchor, 10 à Vélingara, 04 à Sokone, à Fatick.
Mais notre activité principale est, aussi, bien en marche avec les parcelles assainies de Diamniadio, celles de Thiès, Keur Massar, Ngalèle, Tambacounda…
A vrai dire, on ne vend pas à perte, mais la recherche du profit n’est pas notre but. C’est ce qui fait que, malgré nos difficultés d’accès au foncier, nous sommes toujours les plus compétitifs sur le marché immobilier avec des conditions on ne peut plus douces.
En effet, dans notre modèle, le versement de 30% du prix d’acquisition vous permet de disposer de votre bien et de payer le reliquat sur 5 à 15 ans pour le logement et d’un à 5 ans pour la parcelle.
Qu’en sera-t-il des projets de la SN-HLM. Est-ce qu’ils ne risquent pas de subir un coup dur avec ce projet titanesque des 100 000 logements ?
C’est tout le contraire, ce projet va permettre à la SN-HLM de se repositionner durablement sur le marché national de l’immobilier.
En effet, nous serons d’abord pourvoyeuse de logement pour le cinquième du projet avec une distribution géographique qui sera spécifique à notre société. Ensuite, les ressources générées vont permettre d’accélérer nos autres projets. Enfin, la SN-HLM sera désormais présente et visible dans des zones où elle était quasiment absente.
60 ans après l’indépendance, quel bilan peut-on faire de la politique d’habitat au Sénégal ?
Il faut tout d’abord noter que la politique d’habitat, notamment l’habitat social, a toujours préoccupé nos gouvernants, avant même les indépendances. L’illustration en est que la SICAP et la SN-HLM existent respectivement depuis 1952 et 1959. Ces promoteurs publics ont permis à bien des Sénégalais d’accéder facilement au logement.
S’agissant de la SN-HLM, elle a produit plus de soixante mille unités d’habitation, dont 15 750 logements et plus de 45 000 parcelles pour l’auto construction ; soit en moyenne, mille (1 000) unités d’habitation par an.
Cela a été possible, puisque l’Etat mettait gratuitement le foncier à sa disposition et lui faisait bénéficier de crédits concédés.
Les choses ont un peu ralenti quand l’OHLM (Office des Habitations à Loyer Modéré) est devenu SN-HLM qui est une société nationale.
C’est pourquoi nous estimons que nous sommes dans une phase de redémarrage puisque le Président Macky SALL, avec son projet des 100 000 logements, semble revenir à cette option avec tous ces mécanismes mis en place, allant du Fonds pour l’Habitat social aux incitations fiscales qui ne sont rien d’autre qu’une renonciation de l’Etat à des ressources sûres et une subvention aux acquéreurs qui seront moyennement subventionnés aux environs de 6 à 8 millions de FCFA par logement.
Ceci, combiné avec ce que fait la SICAP et des promoteurs privés, nous fait dire que des efforts considérables ont été faits jusqu’ici, même s’ils avèrent insuffisants puisque le gap de plus de 400 000 logements est encore là et allait se creuser n’eut été ce projet de 100 000 logements dans lequel nous sommes résolument engagés.
Il se pose parallèlement la problématique de l’aménagement urbain qui n’est pas due à des défaillances de planification, mais beaucoup plus à un non-respect des règles d’Urbanisme et à une agression de l’espace et des infrastructures publics.
Où est-ce que vous en êtes avec vos politiques de décentralisation de l’offre de logements ?
Cette politique est déjà en marche depuis la création de la SN-HLM. En effet, il est rare de voir une localité du pays où la SN-HLM n’est pas présente.
Nous avons déjà des cités HLM à Dakar, Thiès, Tivaouane, Mbour, Louga, Saint-Louis, Richard-Toll, Dagana, Podor, Bakel, Tambacounada, Kaffrine, Sédhiou, Vélingara, HLM Néma à Ziguinchor, Nioro, Kaolack, Fatick, Gossas, Diourbel. Mais elle va certainement se renforcer avec le projet des 100 000 logements.
Beaucoup de coopératives proposent des solutions de logement à leurs adhérents. Ont-elles la possibilité de travailler avec la SN-HLM ? Et selon quelles modalités ?
La SN-HLM travaille déjà avec des coopératives pour l’acquisition de parcelles à usage d’habitation. On peut citer celles de la SOCOPAO, ENA-CFJ, CEREQ, ONFP, Hôpital Principal… On collabore aussi avec d’autres pour des logements.
Le tout est régi par une relation tripartite qui fait intervenir une banque dans le cadre d’un crédit promoteur relayé par un crédit acquéreur.
Récemment, on a noté quelques défaillances techniques dans des immeubles construits à Dakar par votre société, entrainant une polémique autour de leur évacuation. Quelle explication apportez-vous à cela ?
Je dois d’abord regretter que ce joyau des HLM Maristes en arrive à être évacué et démoli parce que des gens fort bien payés n’ont pas fait leur boulot correctement. La SN-HLM a porté plainte aussi bien contre les entreprises que les bureaux de contrôles qui avaient tous attesté de la qualité du travail accompli.
Actuellement, nous nous attelons à boucler les financements nécessaires pour qu’après les démolitions qui vont se terminer bientôt, l’on puisse reconstruire sur le même site de nouveaux immeubles avec des designs et qualité irréprochables. C’est le lieu pour moi de présenter encore nos regrets aux copropriétaires et de les remercier pour leur compréhension et pour leur collaboration responsable et sans réserve.
On parle beaucoup de logement social dans le cadre de ce projet de 100 000 logements. Est-ce qu’il n’y a pas une incompréhension des populations qui pensent que logement social, c’est presque gratuit ?
Oui vous avez raison de le dire, mais nous nous exerçons à clarifier auprès d’elles, et le ministère le fait aussi, qu’il s’agît d’adoucir les conditions d’accès au logement avec le dispositif rappelé plus haut et non de gratuité.
Et nous avons noté qu’il y a moins d’incompréhensions maintenant que la campagne de communication est mise en branle par le Ministère et nous-mêmes, nous y accompagnons le Ministre de l’Urbanisme, du Logement et de l’Hygiène publique, Abdou Karim FOFANA, à Dakar et lors de ses déplacements en régions.
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