«Si les organisations patronales du Sénégal ne s’unissent, elles verront les gros marchés de l’Etat leur passer sous le nez et tomber dans l’escarcelle des entreprises étrangères ». C’est la conviction du Président du Conseil des entreprises du Sénégal (CDES). Dans une interview accordée à Seneweb, M. Babacar Diagne estime que la loi de développement des Pme dont l’adoption est attendue par le chef de l’Etat devrait constituer un grand bond en avant. «Le vote de ce projet de loi était une recommandation forte de la rencontre que nous avions tenue avec le Fmi et la Banque mondiale. Le gouvernement doit adopter ce projet de loi, la mettre en œuvre pour faciliter l’accès des Pme à la commande publique, et surtout développer des stratégies de promotion des Pme et micro entreprises. Quand j’ai vu le Président en parler et donner des instructions au gouvernement pour son adoption, je pense que c’est à saluer. Cette loi va instituer le conseil national des Pme, un organe consultatif, qui donnera son avis sur l’environnement des affaires, sur les stratégies et mécanismes que l’Etat devra mettre en œuvre pour la Pme. Il faut impérativement qu’il y ait une croissance inclusive. Et pour cela, il faut qu’elle parte de la base, à partir des micros entreprises. Le moteur du développement, ce sont les Pme. Et il nous faut un bon moteur. Aussi, à propos de cette loi, nous, nous avions fait des recommandations sur l’impôt minimum forfaitaire qui est égal à 500 000 francs Cfa. Impôt que toute entreprise créée doit payer, qu’elle fasse un bénéfice ou pas. Ce qui est aberrant parce que moi, ce que j’ai appris, c’est que l’impôt doit être la contrepartie d’une plus-value créée. Cela crée un blocage, ce qui pousse les micros entreprises à être dans l’opacité totale », a déclaré M. Diagne.
«Pour une réorganisation du concept de bourse nationale »
Aujourd’hui, le constat est que dans les gros marchés, les entreprises étrangères font une razzia. Pour M. Diagne, « le secteur privé sénégalais a un problème. C’est la problématique qu’on a avec les chambres de commerce et le patronat. C’est pourquoi le Président voyage parfois sans le secteur privé. Avant, il voyageait avec le secteur privé. Mais il n’y a pas l’impact recherché. Le Président est un homme politique et il est obligé de faire des résultats. Il a besoin de financements et que ses projets se réalisent. C’est pourquoi il va à l’extérieur, chez les français, les chinois, pour qu’ils viennent au Sénégal réaliser des projets. Mais, ces réalisations, les entreprises sénégalaises auraient pu les faire si seulement on avait une seule et unique organisation patronale forte pour faire de l’investissement et accompagner l’Etat du Sénégal pour créer des emplois et faire des investissements lourds. Mais La désunion et la passivité du patronat plombent l’émergence inclusive au Sénégal», a-t-il dit.
Evoquant la question de l’accès des PME à la commande publique, que la bourse nationale de sous-traitance devait régler, le Président du CDES estime qu’il faut une réorganisation du concept de bourse nationale. «Il faut qu’il soit un indicateur incontournable dans les programmes de partenariat public-privé et les marchés. Mais cette loi n’impacte pas l’environnement des affaires. Il n’y a pas d’organe de contrôle, ni d’évaluations pour savoir quelles Pmi ou micro entreprises en ont bénéficié. Aussi, il faut mettre en place des structures de financements adaptés aux Pme et Pmi parce que les banques ne jouent pas le jeu. Et c’est à l’Etat de prendre ses responsabilités. De créer, par exemple, une structure d’affacturage qui permettra de résorber une partie de la dette intérieure. Je ne trouve pas intéressant que l’Etat dise ‘‘je paye après service rendu’’ alors que le budget est déjà voté. Aucune micro entreprise ne peut survivre à cela », a-t-il préconisé.
Ainsi, il appelle les Présidents Mansour Cama, Baïdy Agne, Mbagnick Diop, les Présidents de l’Unacois, des Chambres de Commerce à se réunir dans une seule confédération d’investissement. Ce qui, selon lui, permettra de prendre en charge les besoins d’investissement du Sénégal. «Et je suis sûr que si nous mettons en place cela, l’Etat va nous accompagner parce que c’est ce que l’Etat cherche. Et tous les voyages du chef de l’Etat seront des voyages économiques. L’Etat sera derrière pour nous les garantir, nous faciliter les contrats, les partenariats public-privé avec les autres structures. Même le Ter pouvait être porté par le patronat sénégalais qui ira ensuite chercher des partenaires à l’étranger. C’est cela le développement inclusif. Tant qu’on ne règle pas la problématique de l’émergence à la base, le Pse est voué presque à l’échec. On aura de beaux immeubles mais qui appartiendront à des français, des Chinois, des Indiens etc. On est obligés de nous unir sinon les occidentaux vont remporter tous les marchés », a-t-il souhaité.
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