Depuis le lancement de vos activités, quel bilan tirez-vous de vos actions à l’endroit des PME ?
Au démarrage de la BNDE, la lettre de mission reçue des Autorités était d’axer une majorité de nos interventions aux PME/PMI. Après 4 ans d’existence, près de la moitié de notre portefeuille-clientèle est constitué de PME/PMI. Nos interventions sont majoritairement orientées dans le financement de leurs investissements. Des secteurs stratégiques dans le développement sont concernés, comme les transports maritime et terrestre, les équipements médicaux.
La BNDE est sur la bonne voie, d’autant qu’à la lumière de nos chiffres, les indicateurs de dégradation de nos engagements sont parfaitement maîtrisés, c’est-à-dire meilleurs que les chiffres moyens de la place.
Les PME ou TPME représentent l’essentiel du tissu économique sénégalais, mais la plupart sont informelles, quelle stratégie avez-vous mise en place pour, d’abord, les formaliser, avant de les booster ?
Avant même le démarrage de la BNDE, nous avons pris soin de nouer des partenariats avec toutes les structures d’appui non financier (ADEPME, DPME, BMN, ASEPEX, ANIDA, APDA, etc.) dans le but de renforcer les capacités organisationnelles et techniques de nos clients Entreprises. Il s’y ajoute que nous avons cherché pour nos clients un meilleur accès à la Commande publique, comme premier levier de développement de leurs chiffres d’affaires. Enfin, dans le but de maîtriser nos risques, nous nous sommes appuyés sur le principal instrument de couverture en garantie, le FONGIP, pour pouvoir faire bénéficier à un maximum d’entreprises les crédits d’investissements décaissés par la BNDE.
Prendre les atours d’une banque ne vous limite-t-il pas dans votre volonté de toucher le maximum d’acteurs économiques quand on connaît la méfiance de certains envers les banques ?
La réglementation en matière de gestion prudentielle de nos risques représente effectivement un obstacle dans l’exécution de notre mission. Cependant, nous sommes dans une économie d’endettement bancaire, le marché bancaire draine l’essentiel des ressources qui contribuent au financement de l’économie. Au-delà des ressources stables et conséquentes qui ont été dotées à la création de la BNDE, nous nous sommes appuyés sur l’épargne du public et des institutionnels pour effectuer notre travail de transformation et de financement de l’économie.
Comment appréciez-vous la floraison, depuis quelques mois, de fonds et de sociétés d’investissement sur la place de Dakar ? Ne craignez-vous pas qu’ils empiètent sur votre marché ?
Il y a un besoin de plus en plus grand de financement d’entreprises en phase de création, de croissance accélérée ou en situation de difficulté. Il n’est pas toujours évident, pour une banque, de supporter certains risques liés à l’absence de données financières fiables. C’est pourquoi, pour financer, par exemple, une start-up, il y a de plus en plus de fonds d’investissement disposés à prendre ce genre de risque. Maîtriser le risque de financement sur ce genre d’entreprises, à ce stade de leur développement, nécessite une présence permanente, souvent en tant d’associé, des apports en capital et une prise de risque sans garantie qu’une banque ne saurait régulièrement envisager. Sous ce rapport, il n’y a pas de vraies inquiétudes quant à une collusion dans les interventions de la BNDE et celles de ces fonds ou sociétés d’investissement.
Un Sénégal économiquement émergent appelle des entreprises nationales leaders assez fortes pour aller à la conquête de l’international, la BNDE a-t-elle les moyens d’être ce partenaire stratégique pour nos champions nationaux ?
Un pays émergent a toujours besoin de champions nationaux. Nous ne pouvons parler d’émergence économique sans donner aux privés nationaux les moyens de prendre en charge le développement économique du pays. Si on prend le cas des pays déjà émergents comme la Malaisie, l’Afrique du Sud, il a fallu donner de la force au secteur privé national pour une prise en charge beaucoup plus inclusive des besoins de développement économique.
On ne peut créer des champions sans avoir un soutien extérieur, c’est pourquoi nous sommes d’avis que les opérateurs économiques de l’extérieur, qui ont des compétences avérées dans les domaines interpellant l’émergence, soient appelés à soutenir le développement du Sénégal.
Nous avons la chance d’avoir une vision économique claire et précise, qui doit être adossée à une expertise avérée et reconnue. Il faut dire que nous n’avons pas encore cette expertise, mais le fait d’être avec ces opérateurs économiques de l’extérieur doit nous permettre d’utiliser leur expertise en transfert de compétences nous permettant d’être plus apte à engager les défis du futur.
Quant à la BNDE, nous avons, depuis le démarrage, montré que nous pouvons soutenir et accompagner le développement économique du Sénégal. Il y a bien sûr un élément important sur lequel nous devons nous appuyer, c’est d’abord les ressources indispensables pour prendre en charge les besoins de financement longs importants. Mais, nous devons également nous appuyer sur une expertise internationale pour pouvoir prendre en charge ces financements spéciaux. Il est donc important que la BNDE, au-delà du financement des PME, puisse gagner une reconnaissance en matière d’expertise qui pourra lui être attribuée par un partenaire technique de référence et ainsi mieux accompagner le financement de l’émergence.
En plus, il faudra que nous ayons les coudées franches en matière de ressources et d’études de projets. Cela ne peut être obtenu que si nous sommes soutenus et accompagnés par les Sénégalais ; d’abord l’Etat du Sénégal, mais également les entreprises sénégalaises, en étant le réceptacle des ressources indispensables au développement du pays et qui nous parviennent des partenaires internationaux. Ainsi, nous sommes capables, comme toute banque, de créer un levier pour accompagner le financement des grands projets du pays.
Nous avons la chance d’avoir un instrument bancaire qui commence à être reconnu à l’international et qui a la possibilité d’y lever des fonds. D’ailleurs, la BNDE a pu recevoir 6 milliards FCFA de la BOAD et s’apprête à recevoir un montant équivalent de la Deutsche Bank et d’autres institutions vont également suivre.
La BNDE a une forte capacité à lever des fonds à l’extérieur. Il faudrait donc lui faire confiance pour les grands deals et lui permettre de pouvoir accompagner le Sénégal. La BNDE, comme le secteur économique d’une manière générale, doit être une championne dans le secteur bancaire, une référence pour permettre aux Autorités de gagner demain sur la souveraineté financière.
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