En charge de la Culture et du Tourisme dans le premier gouvernement, le leader du mouvement politique Fecce Ma Ci Boole (acteurs parce que témoins de notre temps), il a vu ses galons s’effriter au fil du temps. Il a perdu progressivement la Culture, son domaine de prédilection avant de se voir délester le Tourisme. Sa difficulté à mener la concertation avec les acteurs du secteur aura été la goutte d’eau qui décidé le président Macky Sall de démettre de ses fonctions et d’en faire un Conseille spécial à ses côtés, à la Présidence. Ce qui lui donne dorénavant toute la liberté nécessaire pour renouer avec la musique, sa passion et son gagne-pain.
Toutefois, cette chute libre n’entache en rien le parcours admirable de ce «self made man». Juste pour prouver que Youssou Ndour, on l’aime ou on ne l’aime pas, mais il ne laisse personne indifférent.
A une question que je lui avais posée : «qu’est-ce qui fait courir l’homme Youssou Ndour ?», il s’arrêta net, me fixa des yeux et me répondit : «c’est ma passion pour la musique. Le jour où je n’aurai plus cette passion, je vais arrêter». C’était, il y a plus de 7 ans, au tout début de REUSSIR (n°4,
octobre 2006). Pour dire vrai, c’est l’édition qui a sonné le déclic de votre magazine et l’entretien portait sur «Youssou Ndour, le businessman». En fait, aujourd’hui, Youssou Ndour n’a vraiment plus rien à prouver sur la scène musicale, d’ici et d’ailleurs. Il a fait les plus prestigieux podiums, joué avec les plus grands, reçu énormément de distinctions, notamment Docteur honoris causa de l’Université de Yale (USA), fait partie des 100 personnes les plus influentes du monde (Magazine Time), déjeuné avec les rois, chefs d’Etat et autres puissances mondiales, invité au sommet du G8…Qui dit mieux ?
Sur le plan du business, il est aujourd’hui à la tête du plus influent groupe de presse sénégalais (Futurs Médias) avec une radio leader (RFM), une télé qui cartonne (TFM), un quotidien qui a le plus gros tirage (L’Observateur), une imprimerie, etc. Il a réussi à investir dans les médias et à y devenir un leader, respecté par la qualité des productions de ses supports. Sa stratégie étant le débauchage des meilleurs, où qu’ils se trouvent, quoi que ça coûte… Et ça, il l’a réussi. Et ça a donné les résultats que l’on sait… Au début, on se posait bien des questions, dans le milieu de la presse, sur ces hommes d’affaires qui venaient investir le secteur. Pour y développer une vraie influence auprès des décideurs politiques et de l’opinion publique.
Fort de son statut de magnat de la presse, notamment depuis qu’une gigantesque bataille d’opinion lui a permis d’arracher, des mains de l’autorité suprême, son autorisation d’ouvrir sa chaîne de télévision. Qui sera d’abord culturelle, durant quelques mois, avant d’imposer un autre bras de fer au pouvoir libéral qui finira par lui accorder l’option de chaîne généraliste. Ainsi naquit la Télévision Futurs Médias (TFM) qui devient, en un temps record, la télé préférée des Dakarois. Et Youssou Ndour de conforter davantage son rang et son rôle de leader d’opinion.
Son mouvement citoyen, Fecce Ma Ci Boole (FMCB), servira désormais de catalyseur des ambitions grandissantes du chef dans l’espace public. Ses soirées, au Thiossane, étant des occasions de distiller des messages, repris, en boucle le lendemain, sur ses supports et ailleurs, créant le buzz, pendant un bon moment. Et comme il était souvent en bisbilles avec Karim Wade qui est allé jusqu’à lui intenter un procès, par son journal L’Observateur interposé, le chanteur-businessman comprit très vite que les élections à venir était une occasion unique pour lui de se peser et de prouver au «Fils de…» que lui, il existait avant l’avènement de son Père et qu’il continuera à rayonner au firmament, bien après… D’où sa tentative avortée de devenir candidat à la Présidentielle.
Mais ce n’est que partie remise…Il avait déjà pris goût à la politique. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’il va abandonner. Il avait pris de gros risques en défiant le Père de KMW.
Alors, il faut qu’il assume. Jusqu’au bout. Quand bien même il n’était pas candidat, il était de tous les combats, au front, physiquement, intellectuellement, par des initiatives très osées, notamment entre les deux tours, avec son opération «Wër ndombo». Et ce qui devait arriver, arriva. Wade sera vaincu à plate couture et Macky devint Président de la République.
Pour récompenser ce travail de longue haleine de cet acteur-clé de la nouvelle alternance, le Président lui proposa le poste de ministre de la République. Ce qu’il accepta, on l’imagine bien, avec beaucoup de plaisir. Avec obligation de changer de garde-robe. Costard sombre de rigueur avec le corset de la cravate, ce qu’il n’aimait pas du tout…
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