Ainsi, Abdoul avait accepté d’être en service commandé, à la Primature, pour diriger le premier gouvernement post-Alternance, sous l’ère du Président Macky Sall. Une première. Qu’un dirigeant du Privé, banquier de surcroit, accède à un poste aussi politique, c’est la preuve que le Sénégal de 2012 est à un tournant historique. Après la République des avocats, adeptes de la rhétorique facile, place à celle des faiseurs que sont les ingénieurs et autres financiers. Et ils sont légion dans son équipe…Alors qu’on n’avait pas fini de saluer cette transition dans la composition des gouvernements, Macky Sall fait un revirement à 360 degrés.
Mais du passage d’Abdoul Mbaye à la Primature, l’histoire retiendra la consécration d’une longue carrière au service de l’excellence et de la performance. Il est allé au-devant d’un combat qui est loin d’être une partie de plaisir pour ce jeune retraité (60 ans) qui était, auparavant, en train de jouir des délices méritées d’une vie de dur labeur. Il a prouvé, partout où il est passé, qu’il a toujours été l’homme de la situation. Le sémillant gentleman, au style très british, qui «refusait de vieillir», malgré qu’il ait pris quelques rides tout récemment, a fait bien du chemin. Pendant plus d’un quart de siècle, il aura été une vraie icône de la banque au Sénégal. Recruté comme économiste à la BCEAO en 1976 où il travailla sous les ordres d’un certain Alassane Ouattara, avec des relations qui n’étaient pas des meilleures…Il y resta seulement 6 ans avant d’être promu PDG de la BHS à 29 ans. A l’époque déjà, on parlait du «fait du Prince» parce qu’étant le «fils de Kéba»…
Ensuite, il fit cap sur l’ex-BIAO Sénégal qu’il rebaptisa Compagnie bancaire de l’Afrique de l’ouest (CBAO). En tant que manager de la banque de J.C. Mimran, avec au-dessus de lui, un PCA hyperactif et plus-que-réseauté, un certain Diagna Ndiaye. Un duo qui a plus souvent viré au duel… A la CBAO, M. Mbaye y introduisit plein d’innovations. Notamment le transfert d’argent avec Western Union, le capital-risque (Seninvest), le crédit-bail (SFE), la carte monétique internationale (MasterCard). Il est également connu comme un banquier qui aimait le goût du risque. Ainsi, il n’hésita pas à accompagner beaucoup d’entrepreneurs comme l’orpailleur Ousmane Ahne (Eeximcor), le brasseur Cheikh Tall Dioum (NBA), l’importateur de riz Bocar Samba Diéye, tant d’autres gros bonnets du secteur informel et beaucoup de jeunes promoteurs de PME…
La preuve, il était bien dans son élément quand il recevait, en tant que Premier ministre, les commerçants de l’Unacois qui ont été, pour la plupart, ses clients dans les différentes banques où il est passé…Après un bref retour à la BCEAO, il atterrit à la BST en tant qu’actionnaire et dirigeant. Il en avait assez d’être un simple employé, fut-il directeur de banque !
Avec le concours du magnat du BTP, Aliou Sow (CSE), il s’attela à construire, lentement mais sûrement, les bases de ce qui devait devenir, à terme, un futur «champion national de la banque et de la finance». Après un septennat de sang et de sueur et être parvenu à intégrer le middle market bancaire, il opta pour un mariage de raison avec les Marocains.
La fusion-absorption de la petite BST par Attijariwafa Bank fut décidée. Et les Marocains prennent les commandes. Abdoul Mbaye, déchargé de la gestion exécutive, devient Président du Conseil d’administration (PCA) d’Attijari Bank Sénégal, du nom de l’entité fusionnée.
Une nouvelle vie de pantouflard que le jeune semi-retraité a pas mal appréciée. Ce qui lui a donné du temps pour faire autre chose, notamment flairer de bons coups pour placer son petit pactole au lendemain de la vente de ses actions BST aux Marocains.
Lorsque les Marocains prirent le contrôle de CBAO, donnant ainsi naissance à la première banque du pays, c’est comme si c’était la fin de l’histoire pour Abdoul Mbaye dans la banque au Sénégal. Il se retira chez lui jusqu’à ce que le devoir républicain le poussât encore sur le devant de la scène… comme Premier ministre de la République du Sénégal !
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