Malgré son coût énorme, le Plan Takkal aura eu le mérite de régler, ne serait-ce que momentanément, les délestages. Aujourd’hui, la question que se posent bon nombre de Sénégalais, à l’heure où les coupures de courant reprennent de plus belle, est de savoir si on peut vraiment mieux faire ? Surtout à l’heure où des voix autorisées s’élèvent pour demander l’arrêt des subventions, sans oublier les contours du mix énergétique qui commencent à être un peu plus clairs.
Face à une fronde menée dans la capitale sénégalaise qui en avait marre des délestages, le gouvernement d’alors lança alors le Plan Takkal pour éteindre le feu, dans l’urgence et sans trop se soucier de son coût. S’il a permis de rétablir la fourniture de l’électricité dans l’immédiat, il aura coûté très cher aux caisses de l’Etat.
Au total, on parle de la bagatelle de 650 milliards Fcfa sur la période 2011-2014 dont 40 Mds pour la réhabilitation des infrastructures existantes, 470 Mds pour le déploiement de nouvelles capacités, 143 Mds pour la restructuration de Sénélec, sans compter les disponibilités mobilisées pour l’achat de barges à installer au Port de Dakar pour l’ajout de capacités intermédiaires.
Ainsi, pour assurer son financement, les autorités avaient mis en place le fameux Fonds Spécial à l’Energie (FSE). Et pour l’alimenter, une série de prélèvements avaient été opérés au niveau de plusieurs démembrements de l’Etat. Un sur les importations, une taxe parafiscale sur les hydrocarbures de 15 Fcfa par litre d’essence vendue, une taxe sur le chiffre d’affaires des opérateurs télécoms…
Las de supporter les coûts, le gouvernement d’Abdoulaye Wade évoqua l’idée ambitieuse de créer des centrales à charbon mais hélas, rien de plus. Pendant ce temps, on annonça une demande latente de 150 MW, combinée à une croissance de cette demande de 8 %, soit l’un des taux les plus élevés d’Afrique. D’ailleurs, les estimations du cabinet McKinsey redoutaient l’année 2013 qui risquait d’être l’année de tous les dangers.
Une esquisse d’une politique de redressement de Senelec
A l’image des compétitions où chaque adversaire lorgne la stratégie de son concurrent pour probablement l’exploiter ou pour le descendre en brèches, la nouvelle équipe gouvernementale n’a pas encore dévoilé ce que serait les véritables contours de sa politique énergétique. Même si les critiques n’ont pas manqué à l’endroit du Plan Takkal, c’est récemment que la nouvelle équipe a commencé à dégager les esquisses de ce que sera sa politique de redressement de Sénélec. Et l’enseignement majeur, c’est que Sénélec donnera sa préférence au gaz à la place du pétrole qui a fini de prouver sa capacité à ruiner davantage les finances publiques.
Mieux, selon le DG de Sénélec dans un communiqué, la boite est arrivée à 75% de ses capacités de production grâce à l’acquisition de nouveaux groupes. Pape Dieng révèle que Sénélec a déjà négocié avec Sococim l’achat de 10 MW, en plus des 15 MW sécurisés au niveau du barrage hydro-électrique de Félou. Mieux, dans le cadre du plan de redressement, entre autres mesures, six directions de Sénélec ont été supprimées, les cadres ne voyagent plus en classe affaires, etc.
Haro sur la subvention…
Après sa mission du 27 mars au 10 avril au Sénégal, le FMI a encore réitéré sa volonté de pousser les autorités sénégalaises à baisser, voire supprimer tout simplement la subvention du prix de l’électricité estimée, par le FMI, à 160 Mds en 2012. Le ministre de l’Energie, dans l’entretien avec REUSSIR, parle d’une subvention d’un montant de 120 Mds en 2012 et devant descendre jusqu’à 80 Mds en 2013.
Cependant, c’est un gap énorme de 40 milliards entre les chiffres annoncés par le Ministre et ceux du FMI.
Selon l’institution de Brettons Woods, la subvention est «un fardeau pour les finances publiques» dans la mesure où seule une faible part de ces subventions profite aux plus démunis. «Réduire graduellement ces subventions et songer à les remplacer par une protection sociale mieux ciblée», préconise-t-on.
A l’annonce de ce énième appel du pied du FMI, beaucoup de regards s’étaient braqués sur la Société Africaine de Raffinage (SAR), qui recevrait une bonne partie de cette subvention. Mais à en croire son DG, il n’en est rien… Selon M. Oumar Kassou qui intervenait sur la radio RFM, les montants reçus de l’Etat du Sénégal ne sont que le règlement d’une dette due à la SAR depuis 2006. A cela s’ajoutent les droits de porte édictés par l’Uemoa. «Ce qui est appelé subvention doit être quand même divisé en deux. Une partie est une restructuration d’une vieille dette contractée qui a démarré en 2006 jusqu’en 2010, qui n’est pas engrangée par la SAR, mais directement versée à la banque, via un mécanisme que l’Etat a mis en place. Cela peut être vu par certains comme une subvention alors qu’elle ne l’est pas réellement. La SAR n’en profite pas aujourd’hui, c’est juste le paiement d’une dette», a indiqué le patron de la raffinerie.
Et face à un déficit budgétaire encore à 6% en 2012, les caisses de l’Etat sont encore fragiles, c’est pourquoi beaucoup d’observateurs s’accordent à croire que l’Etat, par le biais de la Commission de Régulation du Secteur de l’Energie, est dans l’obligation de revoir à la hausse le prix de l’électricité pour permettre à la boîte de souffler un peu par rapport à ses nombreuses charges.
Les contours du Mix énergétique
Parlant du Mix énergétique, Boubacar Mbodj, Conseiller technique du ministre de l’Energie et des Mines en charge des Energies renouvelables et de l’efficacité énergétique, révèle que le modèle sur lequel l’Etat est en train de travailler est le BOO (Build Operate Own and Operate). «C’est-à-dire l’Etat ne veut pas de l’argent, c’est le promoteur lui-même qui vient, construit son infrastructure, à condition d’être agréé. Il le met en test, puis commence à produire et à l’injecter dans le réseau de Sénélec avec un système de comptage. Effectivement, Sénélec lui rachète toute sa production. C’est ce que l’on appelle les IPP (Indépendant Power Production). Donc, ce n’est pas un modèle BOT (Build Operate and Transfer). Dans ce cas, l’investisseur construit l’infrastructure. On lui signe un contrat de 25 ans, période durant laquelle il injecte la totalité de sa production dans le réseau de Sénélec qui l’utilise en revendant cette énergie à ses clients», dit-il.
Par ailleurs, le Sénégal ambitionne dans la nouvelle Lettre de Politique de Développement du Secteur de l’Energie (LPDSE) d’électrifier le pays à hauteur de 70% avec 20% réservés aux énergies renouvelables. Et selon M. Mbodj, entre le mois de mai et de décembre 2012, plus de 50 projets ont été sélectionnés entre le solaire, l’éolien et la biomasse.
«Ce travail a été fait et a été relativement réussi puisque ce n’est pas l’offre des entreprises qui a manqué, au contraire. Elles continuent de déposer des dossiers pour être agréées par l’Etat. Au Sénégal, le monopole du transport et de la distribution est assuré par Sénélec. C’est la production qui a été libéralisée. C’est- à-dire un privé peut avoir une centrale solaire et produire de l’énergie. Mais, il faut au préalable, avoir un contrat avec Sénélec. Donc, à ce jour, il ne peut pas y avoir de projet d’énergies renouvelables en dehors du processus mis en place, c’est le système des agréments qui maintenant fini. Des entreprises identifiées ont été agrées et sont dans la phase de signature des contrats», révèle-t-il.
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