La presse n’est pas un produit comme les autres
La presse fait partie de l’équilibre des pouvoirs. Elle est un des piliers de la démocratie qui est notre mode de gouvernance publique. C’est pour cela que la presse n’est pas un produit comme un autre. Pour cette raison, ajoutera le Président SARKOSY : « elle ne peut être laissée aux seules lois du marché ».
C’est ce que démontre l’économiste Paul SAMUELSON qui a établit en 1964 une classification entre les biens, distinguant biens privés et biens publics. La rivalité et l’exclusion sont les deux principes sur lesquels s’appuie cette taxinomie : la rivalité est un principe en vertu duquel la consommation d’un bien par agent diminue la quantité disponible de ce même bien par un autre agent ; l’exclusion conduit à écarter de la consommation d’un bien un individu, qui ne pourrait pas ou ne voudrait pas payer, pour jouir de la consommation de ce bien. Un bien privé répond à ces deux principes, à l’inverse du bien public pur.
« En effet, le caractère non rival de l’information – caractère partagé par l’ensemble des produits de contenu (musique, édition, télévision, etc.) – signifie qu’elle peut être consommée simultanément par un nombre arbitraire de consommateurs : la lecture par un individu des informations comprises dans un journal ne peut pas priver les autres individus de la possibilité de les lire à leur tour. De plus, dans le cas d’un accès gratuit (comme pour la radio ou la presse gratuite d’information), l’information se définit comme un bien public pur ». C’est sur la base de ce caractère non rival d’un bien que se justifie économiquement l’intervention de l’État, cette intervention prenant des formes diverses selon les catégories éditoriales dans l’organisation générale des entreprises de presse.
La presse a besoin de partenaires au développent
Ce sont ces raisons, à la fois éthique et économique, qui poussent les partenaires au développement à considérer le développement du secteur de la pesse comme un secteur essentiel. Un argument traditionnel avancé en faveur de la liberté de la pesse est que la liberté d’information et de presse est un droit humain fondamental. Mais au-delà de l’argument selon lequel la liberté de presse est une chose naturellement bonne et morale, les partenaires au développement considèrent qu’il existe des preuves irréfutables qu’une presse libre, forte et indépendante est un puissant allié du développement économique et social et de la réduction de la pauvreté.
Le lien entre la liberté de la presse et le développement économique a, également, été exploré par la Banque Mondiale qui a publié un rapport remarqué intitulé « Le droit de s’exprimer : le rôle des mass médias dans le développement économique ». Ce rapport apporte une contribution sérieuse et substantielle aux études, aux analyses et aux arguments relatifs au rôle positif joué par la pesse libre dans le développement économique et la diminution de la pauvreté.
Ce que James WOLFENSEN, ancien Président de la Banque Mondiale, résume bien en ces termes : « la liberté de presse n’est pas un luxe. Elle est au centre du développement équitable. Les médias peuvent dénoncer la corruption. Ils permettent de contrôler les politiques publiques en braquant les projecteurs sur l’action gouvernementale. Ils permettent aux gens de faire entendre plusieurs opinions sur la gouvernance et la réforme et contribuent à établir un consensus public nécessaire au changement ». Ces arguments contribuent à souligner l’importance de l’aide au développement de la presse pour qu’elle figure en bonne place parmi les priorités des gouvernements et des agences intergouvernementales.
La presse à besoin d’Etats généraux
Néanmoins, l’accompagnement de l’Etat et des partenaires au développement ne corrigera pas le modèle d’affaires sur lequel repose nos entreprises de presse, ni les faire sortir de la crise. Les problèmes rencontrés par les journaux sont souvent liés au manque d’investissement, à la concurrence des nouveau média, à l’incapacité de se hisser aux standards des grands annonceurs, à l’absence de cahier des charges, au manque d’auto régulation du secteur des médias, à la faiblesse des réseaux de distribution, etc.
La résolution des maux du secteur appelle à un exercice de vision partagée qui doit concerner les médias, l’Etat, les partenaires au développement et tous les acteurs de l’industrie des médias. Aussi, j’invite le Président SALL à proposer et à organiser avec les dirigeants des médias les états généraux de la presse pour entreprendre une discussion franche qui aboutisse sur des décisions fortes pouvant permettre à la presse sénégalaise de retrouver ses lettres de noblesse. Nous avons trop tendance à oublier que tout ce qui affaiblit la presse, affaiblit la démocratie.
C’est ce que le Général de Gaulle avait compris quand, pour sortir la France de l’emprise de la presse de caniveau et la doter d’un journal de prestige, il charge son Ministre de la communication de l’époque, Pierre-Henry Teitgen, de lui trouver un directeur, en la personne d’Hubert Beuve Méry. Ainsi est né le journal « Le Monde », dans l’ombre du pouvoir. Il s’est rapidement émancipé pour devenir le quotidien national d’information de référence. L’histoire du monde a permis à la presse française d’information de garder le haut du pavé et à la presse à sensation de continuer à se développer sans pouvoir dominer l’espace médiatique.
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