Patron de « La Bijouterie de l’Islam Moussa Niang », Moussa est un bijoutier pas comme les autres. Très tôt initié à la bijouterie, par héritage familial alors qu’il était encore à l’école, il a réussi la prouesse d’exceller dans les deux domaines qui constituent le socle de sa réussite. Aujourd’hui, M. Niang est président de l’Association nationale des Bijoutiers du Sénégal et aussi du Comptoir national des Artisans du Sénégal. Portrait.
Jadis une affaire de tradition familiale et de gagne-pain se transmettant, assez jalousement, de génération en génération, la bijouterie est devenue une activité à part entière et qui peut bien nourrir son homme. Voire mieux, exercée dans les règles de l’art, avec passion et professionnalisme, elle peut être un vrai business. C’est effectivement le cas aujourd’hui avec de belles success-stories dont les plus remarquables sont celles d’un certain Yoro Lam ou encore d’un plus jeune, aux ambitions énormes. Moussa Niang, il s’appelle…
Patron de « La Bijouterie de l’Islam », il est vraiment un bijoutier à part. Non pas parce qu’il fabrique des bijoux qui sortent de l’ordinaire. Mais surtout parce que Moussa Niang a un parcours très atypique. Un calme olympien et une modestie frisant l’humilité et qui cachent mal une tête bien faite. « C’est depuis que je suis jeune que j’ai commencé à fréquenter la bijouterie, même si j’étais encore à l’école », se rappelle Moussa Niang.
Si la plupart des enfants, issus de ces familles qui naissent avec leur métier, font l’école buissonnière et quittent les bancs, très tôt, ce n’est pas le cas de notre ami qui a su allier les deux. Et même très bien, d’ailleurs ! En effet, Moussa était un modèle d’élève. « J’étais quand même très brillant à l’école », confesse-t-il. La preuve, pour la 1ère partie du Bac, il décroche la mention. Avant de sortir 2ème de son centre à la 2ème partie du Bac. « Après l’école, je passe mes vacances dans la bijouterie« , se souvient-il. Une forme assez rare de perpétuation du legs familial et de performances scolaires appréciables qui forcent le respect.
Mais, il subit les premières conséquences d’une double occupation. En effet, très attiré par la bijouterie, il oublie de s’inscrire à la Faculté de Médecine, à temps. Aussi, il est réorienté en Sciences Naturelles. Un parcours sans faute qui le conduira jusqu’en en année de maitrise, avec un diplôme en bonne et due forme.
Un esprit entrepreneurial innovant
Très ambitieux, Moussa s’inscrit en DEA, option Biochimie. Mais ayant tombé sur l’année invalide, il décide de mettre un terme à ses études supérieures. Il quitte, en même temps, la couveuse familiale que constituait la «Bijouterie de l’Islam» ou il a fait toutes ses classes. « La Bijouterie, que j’ai ouverte moi-même, existe depuis 2000. Mais les « Bijouteries de l’Islam », c’est bien plus longtemps et c’est une histoire de famille. Le créateur s’appelle El hadji Saliou Niang, c’est lui qui a tout mis en place, c’est lui qui nous a appris tout le métier », raconte, reconnaissant, ce fils de bonne famille.
Située au cœur du marché Zinc de Pikine, sa bijouterie jouit d’une très bonne réputation. En plus d’avoir créé des emplois, Moussa a formé beaucoup de jeunes bijoutiers qui ont, aujourd’hui, ouvert leur propre atelier. « C’est une fierté énorme. Ils ont gagné leur vie avant d’apprendre à voler de leurs propres ailes. C’est ça ma fierté », se réjouit-il.
Après avoir fait l’unanimité au Sénégal, les «Bijouteries de l’Islam» se sont construites une vraie réputation à travers le monde. « Nous avons une clientèle variée. Il y a ceux qui sont ici au Sénégal et aussi beaucoup d’autres éparpillés dans la Diaspora. Et les nouvelles technologies nous permettent de toucher ceux qui sont à l’extérieur. Puis, l’attachement que les femmes sénégalaises ont pour l’habillement fait que la promotion passe naturellement. Je pense que le Sénégal a intérêt à créer une industrie de bijouterie forte, pourquoi pas en créant à Diamniadio, un marché de l’or qui permettrait au Sénégal d’être un exportateur non pas d’or brut, mais de bijoux d’or estampillé «Made In Sénégal» ? C’est ce qui permettrait de créer davantage de richesses dans la bijouterie et c’est très bien faisable », suggère-t-il.
Quand on évoque le nom de Moussa dans son milieu, ce qui revient le plus, c’est son sérieux, sa disponibilité et son ouverture d’esprit qui font l’unanimité. Ce qui a poussé ses compères et confrères à le propulser à la tête de la plus grande association de bijoutiers du pays. « Une association n’a de sens et de valeur que par les services qu’il rend à ses membres« , se fixe-t-il comme devise.
Aussi, dans un contexte ou le Sénégal commence à se positionner comme un futur pays minier, le sous-secteur de la bijouterie se trouve face à beaucoup de défis. Parmi lesquels, la disponibilité de la matière première, les questions de régulation. Autant de combats que Moussa compte mener avec la plus grande détermination. » Il faudrait qu’on accélère la cadence en mettant en place le Comptoir d’achat de l’or qui permettrait aux bijoutiers de s’approvisionner correctement. Aussi, j’appelle tous les bijoutiers du Sénégal à nous rejoindre pour porter ensemble le combat qui sera l’intérêt de tous », lance-t-il.
Mais, pour lui, à l’heure ou les questions de transparence continuent de miner le débat, Moussa appelle à appréhender la question avec plus de sérénité. » Avec ces découvertes minières, nous avons une lourde responsabilité. C’est nous qui avons la chance de tomber sur ces découvertes, mais ce sont juste des réserves épuisables. Une mine d’or n’a de valeur que de par ses réserves. D’ores et déjà, nous devons préparer la réponse que nous donnerons à nos enfants quand ils nous demanderont ce que nous avons fait de ces ressources. Quels ont été les impacts ? Qu’avons nous fait avec ? Autant de questions qui nous interpellent, tous », appelle-t-il à méditer.
Face à la crise de l’emploi et au chômage récurrent, de multiples solutions sont préconisées ça et là. Mais pour Moussa, également président du Comptoir National des Artisans du Sénégal (CNAS), le moment est venu de changer notre façon de voir les choses. « Par exemple, à l’époque, il était impossible de voir quelqu’un qui a fait des études assez poussées se retrouver dans une bijouterie. Alors que c’est un avantage comparatif certain. Il faudrait qu’on commence, dès le bas âge, à aider nos enfants à se familiariser avec un métier, tout en poursuivant les études. Il y a beaucoup d’exemples qui ont réussi dans cette dynamique et il faut les vulgariser », a-t-il préconisé avant d’ajouter «Modestie mise à part, j’ai eu mon bac avec mention, et pourtant j’ai grandi dans la bijouterie». La conclusion tombe à pic !
Moussa, un modèle pour les jeunes qui se cherchent un futur dans ce présent brumeux…
Discussion à ce sujet post