Comment jugez-vous la dynamique de la transformation économique enclenchée dans la région naturelle de la Casamance ?
Oui ! La dynamique économique positive de la région est amorcée depuis plusieurs années. Mais pour qu’elle soit inclusive, il faut des préalables. Il y a la paix et le désenclavement,. En tant que ministre de l’Industrie, il y a quelques années, j’avais tout fait pour que les opérateurs économiques puissent venir implanter des usines de transformation de fruits locaux, parce que nous avons ici notre production fruitière qui pourrit entre les mains des producteurs. La Casamance produit des mangues, des oranges et d’autres variétés de fruits qui ne demandent qu’à être mises en valeur. Malheureusement, tous mes efforts ont été vains. Le facteur bloquant : c’est l’enclavement de la Casamance et le processus de paix qui était inachevé. Il y a aussi un troisième handicap qui ne concerne pas seulement la Casamance, mais tout le Sénégal. C’est l’accès à la terre. Les investisseurs qui viennent ont du mal à trouver des zones aménagées. A chaque fois qu’ils veulent s’installer dans une zone, ils se heurtent aux populations qui s’érigent en bouclier, estimant que la terre leur appartient. Néanmoins, l’espoir est permis avec la construction du pont sur le fleuve Gambie, mais aussi le dragage du fleuve à sept mètres qui améliore nettement la navigabilité du fleuve, de l’embouchure au Port de Ziguinchor. Le balisage a été fait et un complexe frigorifique de 2000 Tonnes dans le Port de Commerce de Ziguinchor a été mis en place. Il reste l’extension du Port, comme prévu dans le programme Orio qui va rentrer dans une autre phase, après le dragage, pour accompagner cette volonté de créer ce pôle économique avec le renforcement substantiel des infrastructures et équipements portuaires, et l’amélioration globale de la qualité de l’accès aux services portuaires.
En ce qui concerne le processus de paix, il faudrait qu’il soit affirmé, avec de véritables actions qui vont dans le sens de la démobilisation et du désarmement des combattants, mais et surtout de leur réinsertion socioéconomique. Si ces éléments sont réglés, il y a beaucoup de potentialités dans cette région, que ce soit l’agriculture, le tourisme et la culture, qui pourraient, en tout cas, booster le développement de notre région.
Pourtant le gouvernement a fait de la Casamance une zone prioritaire d’intérêt national ?
C’est vrai que le gouvernement a fait de la Casamance une zone prioritaire d’intérêt national en défiscalisant les nouvelles créations dans le secteur du Tourisme. Mais aucune entreprise ne s’est installée depuis lors. Ça veut dire que la mesure qui a été prise est peut-être partielle, parce que le développement doit être global. J’ai toujours revendiqué, pour la Casamance et les zones périphériques, la mise en place de zones franches industrielles. qui s’étendent sur plusieurs dizaines ou centaines d’hectares à la périphérie de chaque ville.Toute activité installée dans cette zone doit être défiscalisée pendant une dizaine, voire une quinzaine d’années. Ça permettra aux industriels de venir s’installer et de se mouvoir dans plusieurs domaines comme le tourisme, la pêche, l’agriculture et d’autres secteurs porteurs.
«Il faut transformer nos productions, intensifier notre agriculture et industrialiser notre économie»
Les Indiens viennent au Sénégal acheter nos noix de cajou à l’état brut à des prix relativement bas et d’autres nationalités font de même pour nos mangues. Ensuite, en plus de la commercialisation de l’amande, ils transforment des produits dérivés qu’ils revendent à prix d’or, ce que nous aurions bien pu faire pour en capter toute la valeur ajoutée et booster l’emploi.. Il faut s’inscrire au Sénégal dans une réelle dynamique de transformation structurelle de notre économie, à travers la transformation de nos productions, l’intensification de notre agriculture et de manière globale une industrialisation de notre économie. Pour cela, il faut une volonté politique forte et du courage. Il faut dégager des corridors, mais aussi aider les petits producteurs à faire de petites transformations.
Pour les investissements, c’est le secteur privé qu’il faut convaincre d’investir ?
J’ai toujours prôné que l’Etat aménage d’abord ces zones industrielles, mais aussi qu’il soit, dans un premier temps, le partenaire financier le plus important dans la mise en place d’un certain nombre d’industries viables et sources de développement des régions. Il faut procéder par avantages comparatifs. En Casamance, il faut mettre en place des unités industrielles structurantes de transformation des produits agricoles, halieutiques… Que l’Etat soit d’abord le premier investisseur d’une unité industrielle qui pourrait, par exemple, coûter 2 milliards FCFA et qui pourraient servir de lieu d’écoulement de produits pré transformés à travers les diverses petites unités de transformation créées, entres autres, par le PADEC. Qu’il apporte 1,5 milliard FCFA tout en aménageant le site industriel dédié. C’est seulement après cela qu’il va ouvrir le capital au secteur privé national de manière à permettre le développement de ces unités industrielles.Nous avons une production cyclique. La banane est saisonnière, tout comme la mangue. Donc, il faut installer plusieurs chaînes de production dans ces unités industrielles. Je sais aussi que la vocation de l’Etat n’est pas d’investir dans ce secteur, mais dans un premier temps, l’intervention de l’Etat est nécessaire pour l’industrialisation de notre pays et de nos pôles territoires.
Je propose qu’on supprime cette question pour raccourcir le texte ) Quel rôle la Mairie de Ziguinchor peut jouer dans cette stratégie délibérément attractive vers les industriels pour accompagner le développement de la Casamance ?
Vous savez que la Mairie n’est pas une organisation ex nihilo. Elle entre dans un cadre globalisé. Nous sommes quand même un démembrement de l’Etat, donc à chaque fois que nous sommes sollicités par des porteurs de projets, , nous nous sommes exécutés en collaboration avec les pouvoirs publics. Beaucoup de comités ont été constitués pour la mise en place d’un certain nombre de projets étatiques et des projets de la Mairie qui tendent d’abord vers l’amélioration du cadre de vie et de l’environnement des affaires dans le périmètre communal. Si En vous promenant dans la ville, vous remarquerez qu’il y a beaucoup d’infrastructures réalisées ou en cours de réalisation. Nous allons, dans les années à venir, construire encore 15 Km de route dans le cadre du programme «Promoville». Pour qu’une ville soit attrayante sur le plan économique, il faut qu’elle soit dotée d’infrastructures. La Banque Africaine de Développement (BAD) va aussi aider à la réhabilitation de la RN4, une route nationale qui va de la Gambie jusqu’en Guinée-Bissau. Un certain nombre d’actions seront portées dans le cadre de ce grand chantier routier pour améliorer dans la Commune l’accès à divers services sociaux et l’accès aux infrastructures à caractères économiques. Ainsi, en attendant la réalisation d’un port sec qui fera de Ziguinchor un véritable hub sous régional, on ambitionne de créer un parking pour les gros porteurs pour faciliter le stationnement et le transit de centaines de camions en direction des pays voisins. Le lieu est déjà identifié avec l’administration et les services techniques, et plusieurs services y sont prévus en rapport avec le secteur transport national et inter Etat. Cette infrastructure contribuera sans nul doute à l’attractivité de notre Ville.
Mettre en place un Port Sec sans le fret qui doit l’accompagner serait rédhibitoire. Est-ce qu’avec les autorités, vous avez songé à faire passer la production d’anacardes par Ziguinchor pour donner ce rôle de Port d’éclatement ?
Oui ! Tout à fait. Nous ne voulons pas que ce fret échappe au Port de Ziguinchor et c’est pour cela qu’on s’active pour mettre le port à niveau, à travers, entre autres, le programme ORIO. C’est aussi pour cela que la réalisation d’un Port Sec dans les environs immédiats de Ziguinchor se justifie pour mettre à l’échelle les infrastructures portuaires afin de répondre aux importants besoins de stockage, de conservation et de séchage (cajou) dans les filières anacarde et mangue qui constituent les plus grosses potentialité de chargement pour le fret régional.
Pour l’anacarde, les pouvoirs publiques viennent de prendre des mesures fermes allant dans le sens de privilégier l’évacuation de la production à partir du port de Ziguinchor, ce qui contribuera à redynamiser le port et permettre à la population de bénéficier de manière optimale des retombées de la filière. Cela demeure très faible à ce jour. Dans la ville, il y a beaucoup de banques qui se sont installées et d’autres qui veulent venir, ce qui dénote un regain d’intérêt pour la ville et la région, des institutions financières. Si nous avons pu en arriver-là, c’est parce qu’il y a une sorte de dynamique générale qui est enclenchée. Il faut que ça s’accélère. Je pense que nous sommes dans une dynamique charnière qui nous permettra de décoller de façon définitive pour mettre notre région sur les rails du développement.
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