Avant d’être coach, j’ai toujours eu l’impression que nos routes étaient mal faites, nos ouvrages électriques ou d’assainissement mal conçus, nos feux de circulation mal positionnés, mais surtout que nos ingénieurs continuaient d’être, face à ces réalités crues et perceptibles par les profanes, inutilement fiers d’eux-mêmes et de leur corps de métier.
La vidéo que je vous recommande d’ailleurs de visionner montre comment des femmes illettrées, choisies au sein des milieux ruraux de plusieurs pays africains au sud du Sahara, deviennent des ingénieurs solaires en seulement 6 mois. Formées à Tilonia en Inde, sans aucun recours aux théories mathématiques, physiques et électroniques, elles développent, sans complexe, des compétences en fabrication, installation, réparation et entretien des panneaux, lampes solaires et autres instruments et changent effectivement le vécu de leurs communautés sur le plan de l’éclairage des villages. Les avis émis par le commentateur de la vidéo font sourire. Il y souligne l’ébahissement de la communauté des scientifiques et des ingénieurs devant ce cas presque unique au monde et insiste, au passage, sur l’incurie des programmes de formation plus théoriques que pratiques et plus élitistes que prosélytes au sein de nos grandes écoles et universités de formation.
D’aucuns me rétorqueront que, par exemple, la solide réputation des ingénieurs sénégalais en Bâtiment et Travaux Publics ainsi qu’en Télécommunication n’est pourtant pas surfaite et qu’elle s’appuie, sans doute, sur une bonne formation, adoubée d’une expertise réelle et appréciée.
Et moi de les renvoyer à un point de vue, émis il y a peu, par Cheikh Tidiane Mbaye, patron de la première entreprise sous-régionale de télécommunication, dans lequel il soulignait, en ce qui concerne son domaine d’expertise, «que le marché de la connaissance au Sénégal ne fournissait pas assez de cerveaux et que dans une proportion de 70/30, Sonatel était obligée de faire son marché hors du Sénégal, en France notamment, pour le recrutement des cadres». Ce qui veut dire que la performance de son entreprise est, pour l’essentiel, assise sur des cadres formés en France à la française et non au Sénégal à la sénégalaise.
Si j’avais des recommandations à donner à nos grandes écoles et universités d’ingénieurs en Afrique au sud du Sahara afin de rendre leurs produits plus efficaces, je les résumerais en trois mots : Praticité, Management, Passion.
J’interviens ou ais eu à intervenir dans 4 à 5 des plus prestigieuses d’entre elles, et mon constat a été que, faute de moyens, les étudiants pratiquaient peu.
Il y a, à mon avis, des solutions à cette équation. Il faut mettre ces étudiants en Junior Entreprise pour que, sous la supervision de professeurs praticiens, ils s’entrainent à résoudre les problèmes de leurs propres instituts de formation dans leurs domaines d’études avant d’attaquer les marchés environnants.
Il faut également les connecter à des expériences intéressantes comme celles des femmes ingénieurs rurales de Tilonia, de Taboro, ingénieurs hydro-électriciens, totalement illettrés du Rwanda ou bien de William Kakwamba de Tanzanie, ingénieur autodidacte en énergie éolienne. Ceci afin de leur inculquer une rage et une passion inégalables de réussir à devenir des acteurs de changement positif quelque part sur le continent. Comme un certain Henry T. Sampson, inventeur du téléphone cellulaire, Georges Niccolo, inventeur du bloc de commutation pour la télévision multicanal, Granville T. Woods, inventeur de l’appareil téléphonique… Tous des Africains-Américains modèles qui ont bien marqué leur temps, jadis. Ou encore Arthur Zang aujourd’hui avec son Cardio Pad, Victor Agbenenou, le maatloop (antenne serveur électronique permettant à la fois de téléphoner, surfer sur le Net et capter la télévision) et Sévérin Keuzeu, inventeur du navigator, système anticollision commandé par informatique.
Je finirai bien par suggérer de mettre un peu plus de dose de management dans les programmes parce qu’un ingénieur est, en principe, un cadre (supérieur ou de direction) et un futur chef d’entreprise. A ces deux titres, il ne peut être efficace que s’il ne s’est formé au métier de gestionnaire d’entreprise avant (ou après) celui de professionnel dans son domaine d’expertise.
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