– Le président de la République avait consacré 2018 et 2019 comme « années sociales » avec des mesures fortes prises dans ce sens. L’augmentation du prix des produits de consommation comme le ciment, le carburant et dernièrement l’électricité ne va-t-il pas briser cette dynamique ?
Si jusqu’en 2017, la politique du Président Macky SALL était de doter le Sénégal d’une base productive sans laquelle aucun développement n’est possible, les années 2018 et 2019 ont été les marqueurs d’une politique sociale mise en œuvre par son Gouvernement. Et, en ce sens, elles ont été déclarées « années sociales ». Aussi, les mesures fortes lancées en 2018 et 2019 déclarées comme années sociales sont toujours actuelles et ont été renouvelées et consolidées dans le budget 2020 avec les programmes phares comme les bourses familiales, le financement de l’entreprenariat rapide, le PUDC, les programmes comme PROMOVILLES et PUMA, la couverture maladie universelle, les subventions apportées à l’Agriculture, à la pêche, au transport urbain et périurbain et au transport maritime des personnes et des biens.
Toutefois, pour ce qui est de la hausse du carburant, il faut rappeler que malgré l’augmentation du prix du baril du pétrole un peu partout à travers le monde, le Gouvernement a pendant longtemps maintenu le blocage des prix de l’électricité et l’augmentation des prix mondiaux du pétrole pour ne pas les répercuter totalement sur la population.
S’agissant du ciment, sa hausse se justifie tout simplement par le fait qu’une partie des recettes sera destinée au financement des 100 000 logements décidés par le Président de la République.
Relativement à la hausse de l’électricité, il faut rappeler que le Président de la République s’est toujours opposé à une hausse de l’électricité. Mais il faut aussi souligner que cette hausse ne touchera pas les ménages à faibles revenus, qui constituent 54% de la clientèle domestique de la Senelec, soit 611.203 ménages.
9- Dans un contexte de débat autour d’une nouvelle monnaie commune à l’Union, l’ECO, en remplacement du CFA s’est tenue l’édition 2019 de la semaine de l’inclusion financière. Quels sont les mesures et moyens déployés afin que l’arrivée possible de l’ECO n’impacte pas sur les objectifs de croissance et le souhait d’inclusion financière ? Quelle est la position du Sénégal sur l’ECO ?
L’UEMOA a acté le samedi 21 décembre 2019 à Abidjan sa volonté de mettre en œuvre le projet de monnaie unique de la CEDEAO. C’est une étape préalable pour s’inscrire dans la feuille de route de la CEDEAO. Le Sénégal considère cela comme une avancée historique dans les relations de coopération monétaire entre les Etats de l’Union et la France à travers le changement du nom de la monnaie Franc CFA en ECO, lorsque les pays de l’UEMOA intégreront la nouvelle Zone ECO de la CEDEAO. Il y a aussi l’arrêt de la centralisation d’une partie des réserves de Change au Trésor Français, la fermeture du compte d’opérations et le transfert dans les comptes de la BCEAO des ressources disponibles dans ledit compte. Parmi les mesures, figure le retrait des représentants de la France du Comité de Politique Monétaire, du Conseil d’Administration de la BCEAO et de la Commission Bancaire. Le maintien du taux de change fixe par rapport à l’euro à la même parité qu’actuellement ainsi que le maintien de la garantie de convertibilité illimitée de la monnaie par la France sont également décidés.
Ces mesures prises devraient permettre de consolider les orientations d’une politique monétaire assurant la stabilité des prix, facteur essentiel de maintien du pouvoir d’achat des ménages et de soutien à la compétitivité, à l’exportation pour une croissance plus forte et durable dans notre espace communautaire.
Par ailleurs, pour ce qui est de l’inclusion financière, en application des orientations de la stratégie régionale, mon département élabore actuellement une stratégie nationale d’inclusion financière. Cette démarche, qui vise à renforcer la participation du secteur financier à la croissance économique et inclusive, s’inscrit dans les Axes 1, Transformation structurelle de l’économie et croissance et 2, Capital humain, Protection sociale et Développement durable du Plan Sénégal Emergent. En effet, elle cible l’accroissement des richesses, la création d’emplois, la réduction de la pauvreté et des inégalités grâce à l’amélioration de l’accès aux ressources financières des couches vulnérables.
10- Le plus grand projet du Sénégal indépendant à savoir le Train Express Régional (TER) suscite moult commentaires relatifs surtout à son surcoût et aussi au respect de sa date de livraison. Qu’est-ce qui explique tout cela ?
Le TER, après les autoroutes à péage, fait partie des projets de grande envergure du Sénégal en termes de coût monétaire et social. A l’instar des autres projets d’investissement de grande envergure, il a suivi une trajectoire normale. Toutefois, il faut reconnaître que tous les projets d’investissement moins complexes que le TER en termes de coût et de portée ont connu plusieurs extensions de leur période d’exécution liées à des lenteurs dans les travaux, des surcoûts générés par des choix d’option ou de fluctuation du taux de change et des procédures de partenaires. Mais ce qu’il faut retenir, c’est un projet qui capte toute notre attention en termes de suivi des travaux et de mobilisation des ressources aussi bien de l’Etat que celles des partenaires qui nous accompagnent. Les travaux avancent à un rythme correct et l’année 2020 sera l’année de mise en service avec la création de la société d’exploitation. Les dispositions ont été prises pour permettre le fonctionnement adéquat de cette société d’exploitation.
En termes de surcoût, c’est aussi lié surtout à la prise en charge des questions sociales des populations. Son excellence, Monsieur le Président de la République, Monsieur Macky SALL a voulu coupler une infrastructure moderne à un climat social apaisé en essayant de prendre en charge l’ensemble des revendications des populations impactées par le tracé du TER et faciliter en même temps le désenclavement des zones de passage du TER. Ce sont des dépenses difficiles à planifier au départ et leur prise en charge non reportable dans le temps, ce qui explique également des surcouts liés au TER.
11- De tout temps, la campagne agricole a été le baromètre de la bonne santé de l’économie nationale. Pour cette année quels sont les résultats du secteur qui emploie plus de 70% de la population ?
Pour le moment nous n’avons pas encore reçu tous les résultats de la campagne en termes de production. Toutefois, de notre côté, nous avons pris toutes les dispositions pour permettre une bonne campagne de production avec le financement de l’entièreté des besoins de la campagne 2019/2020.
En termes de règlement de factures, un effort de paiement de l’Etat de 87,750 milliards de FCFA a été enregistré en 2019 et des dispositions sont en cours pour payer les 8,1 milliards de FCFA représentant le reliquat dû aux opérateurs et 4, 3 milliards FCFA pour les huiliers. Pour les besoins de financement de la campagne 2019/2020, ils ont été entièrement couverts dans la LFI 2020 et leur paiement fera l’objet de priorisation dès l’ouverture de la gestion 2020. Nous avons également pris les dispositions nécessaires pour trouver un financement de 30 milliards de FCFA en faveur de la SONACOS qui a déjà débuté sa collecte.
12– L’autosuffisance en riz est un des objectifs majeurs du PSE depuis son lancement mais, malgré les chiffres avancés le Sénégal continue d’importer du riz et le volume n’a pas baissé selon les derniers chiffres de l’Unacois. Va-t-on y parvenir avant 2025 ?
L’autosuffisance en riz est un objectif du PSE et très louable d’ailleurs. Le seul regret c’est de n’avoir pas pu y penser depuis des décennies. Certes, on continue d’importer, mais il faut reconnaître que des résultats acceptables ont été obtenus même si la production locale ne couvre pas l’ensemble des besoins, mais y participe pour une bonne part. La baisse continue des importations de riz traduit la pertinence des politiques de promotion des filières locales.
Des résultats ont été obtenus avec des rendements importants (7 à 8 tonnes à l’ha avec des pics qui peuvent dépasser 10 tonnes), une amélioration dans les variétés et les procédés de transformation qui s’adaptent de plus en plus au goût des Sénégalais ainsi qu’une pénétration élargie au marché urbain de grande consommation. A l’instar de l’oignon et de la pomme de terre, on devait penser à un système de régulation, ce qui permettra de connaître la part de cette production dans la consommation nationale et le levier sur lequel on devra s’appuyer pour stopper définitivement les importations de riz. En procédant ainsi, et avec le temps, le Sénégal se fixe comme ambition, à terme, de s’autosuffire notamment en riz.
13- Parier sur un changement structurel de l’économie passe par la redynamisation d’un secteur industriel moribond avec peu de Champions nationaux. Quels sont les résultats des différentes politiques de relance et d’appui au secteur industriel initiées ?
Les statistiques disponibles au niveau de l’ANSD et collectées à travers le centre de collecte de l’information (CUCI) indiquent que l’effectif global des entreprises du secteur a sensiblement progressé passant de 1030 entreprises en 2012 à 1662 en 2017, soit un accroissement de 61%. Parallèlement, la valeur ajoutée de l’industrie s’est améliorée sur la période 2014-2017 passant de 272 milliards à 748 milliards en 2017 tandis que l’effectif des emplois cumulés enregistrés dans le secteur tourne autour de 68 200. En enfin, en 2018, la valeur globale des produits industriels exportés en zones UEMOA et CEDEAO était évaluée à plus de 597 milliards de FCFA.
Nous avons déjà réalisé une plateforme industrielle qui accueille sept entreprises de services et génère 1070 emplois en majorité des femmes. L’objectif visé dans le PSE est de réaliser deux à trois plateformes industrielles, les agropoles dont le sud a déjà reçu le financement de la BAD et la BID. Le financement des agropoles Centre et Nord va être bientôt bouclé avec la BAD et la coopération belge.
Dans le PAP II, le Sénégal va privilégier la concertation avec le privé national pour l’impliquer davantage dans le portage et le financement des petites et moyennes industries.
14- Le Sénégal sera bientôt un pays producteur de pétrole. Le premier baril est attendu en 2023. Comme le souhaite le Président de la République, il faudrait alors un consensus national sur la gestion des ressources pétrolières et gazières. Comment articuler cette manne au PSE ?
Les découvertes du pétrole et du gaz constituent une niche d’opportunités économiques pour le Sénégal. En effet, le gouvernement ambitionne de garantir la sécurité des approvisionnements en énergie en quantité et en qualité irréprochables et à moindre coût pour les industries, les ménages et le commerce. L’énergie occupe une place primordiale au sein du PSE matérialisant l’ambition forte d’atteindre l’indépendance énergétique à travers une politique de renforcement et de modernisation des capacités productives par un mix énergétique appuyé par les énergies renouvelables.
C’est ainsi que l’exploitation des ressources de pétrole et de gaz constitue un levier solide et stratégique pour appuyer le sous-secteur de l’électricité, booster et diversifier l’économie sénégalaise afin d’accélérer et renforcer la dynamique de croissance inclusive déjà enclenchée à travers la mise en œuvre du PSE.
Le gouvernement envisage de mettre en place une véritable politique de contenu local. Pour cela, il faudra saisir toutes les opportunités découlant du pétrole et de ses dérivés pour créer suffisamment de valeur ajoutée avec une diversification des activités industrielles telles que la production d’engrais, la pétrochimie et le raffinage.
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