De plus en plus, des voix s’élèvent pour décrier l’incapacité du secteur des finances à réellement soutenir les PME/PMI, principales impactées de la crise sanitaire actuelle. Analysant cette situation, M. Moubarack Lô, Directeur Général du Bureau de Prospective Économique (BPE), fait remarquer que ce n’est pas en temps de crise qu’on peut conduire des changements dans la manière de faire du secteur bancaire vis-à-vis des PME-PMI. « L’État peut prendre des risques, en s’endettant et en perdant de l’argent. Une banque n’a pas cette vocation. Il faut donc forcément imaginer des solutions de financement combinées avec des systèmes de garantie de la puissance publique, si l’on veut convaincre les banques à réduire son aversion au risque, surtout en temps de crise comme celle que nous vivons actuellement », estime l’économiste.
Le Directeur Général du Bureau de Prospective Économique du Sénégal se projette déjà dans l’après Covid-19 pour dire que viendra le moment pour aborder cette question plus sereinement et d’explorer des solutions pérennes, incluant des efforts au niveau du secteur bancaire pour mieux répondre aux demandes des PME-PMI locales et au niveau de ces entreprises qui doivent s’évertuer à mieux préparer leurs projets et à présenter de leurs perspectives à moyen et long termes, à travers les performances dans la gestion. « L’État peut et doit, de manière volontariste, faciliter ce dialogue et ce rapprochement entre ces différents acteurs », affirme M. Moubarack Lô.
Quid de la place du secteur informel, véritable employeur du pays laissé en rade par les mesures d’accompagnement du gouvernement dans sa riposte contre la Covid-19. A ce sujet, Moubarack Lô est d’avis que le secteur informel aura été un des plus grands perdants des mesures de restrictions édictées au cours des derniers mois. Et, du fait de son caractère non formel, il n’a pas pu bénéficier de crédit direct ou de moratoire sur les impôts, au contraire des entreprises du secteur formel. Ainsi, il note qu’il faut sans doute imaginer des solutions originales pour inclure, malgré tout, les acteurs informels dans le plan de relance de l’économie en cours de préparation, en sollicitant des avis de leurs représentants.
Un rôle d’amortisseur
Parlant plus spécifiquement de la relance du secteur du tourisme, après cette pandémie qui a mis au sol tous les efforts des dernières années, Moubarack Lô affirme que la relance de ce secteur ne pourra être que progressive. « Pour les prochains mois, le tourisme local pourrait jouer un rôle d’amortisseur et permettre aux structures hôtelières de fonctionner sans perdre de l’argent. Il leur appartient, à cet effet, d’imaginer des offres adaptées à la demande des consommateurs du pays », explique-t-il.
L’État a dégagé un montant de 48 milliards FCFA sous forme de Crédit hôtelier pour maintenir en vie un secteur qui est parti pour vivre deux saisons de suite en apnée. Reste à déterminer les critères d’octroi de ces crédits aux ayants droit.
Donnant son avis sur cette question, il indique que la démarche devra forcément privilégier la flexibilité, afin de tenir compte à la fois de la taille différenciée des hôtels et définir plusieurs guichets, pour éviter qu’un petit nombre capte l’essentiel des ressources ou que les appuis soient concentrés uniquement sur quelques régions. Selon lui, l’État va bien évidemment définir un cahier de charges précis, similaire à ce qui a été réalisé dans le cadre de l’octroi des subventions, ainsi qu’un système de contrôle a posteriori. Car, il ne faudrait pas que les crédits octroyés soient considérés comme un soutien au fonds de roulement dans une situation de creux au niveau des rentrées de recettes pour les hôtels.
S’agissant de la nouvelle compagnie Air Sénégal qui a subi de plein fouet l’impact de la crise du Covid-19, à l’image du secteur aérien à travers le monde, il est difficile pour l’heure d’évaluer le manque à gagner. Toutefois, le Directeur Général du Bureau de Prospective Économique est d’avis que « la meilleure estimation qu’on peut faire pour Air Sénégal, c’est de comptabiliser le nombre de jours de fermeture de l’aéroport qui approche 100 jours et d’appliquer à ce nombre le revenu moyen quotidien de la compagnie sur les trois mois avant cette fermeture et en défalquant les charges non consommées. Air Sénégal a pu effectuer quelques vols cargo ou de rapatriement des Sénégalais bloqués à l’étranger, mais cela ne pourra pas remplacer les recettes perdues. Fort heureusement pour elle, l’Etat a octroyé une aide substantielle aux acteurs de la plateforme AIBD dans le cadre de son plan de résilience économique et social et Air Sénégal en a été un des grands bénéficiaires ».
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