Réuni en Conseil extraordinaire des ministres, le gouvernement malien a fixé les dates des 1er et 2ème tours de l’élection présidentielle tenant compte de l’état des préparatifs. Ainsi, le collège électoral est convoqué le dimanche 28 juillet 2013, pour le 1er tour, sur toute l’étendue du territoire national ainsi que le second tour pour le 11 août.
Selon le ministre de l’Administration territoriale et des Collectivités, Moussa Sinko Coulibaly, la liste électorale est fin prête, le matériel aussi ; à l’exception de quelques localités du nord où il faut renouveler les équipements. Cette détermination de l’organe de transition reflète parfaitement la position de la communauté internationale, pressée de voir le Mali recouvrer son intégrité territoriale. Malgré cette volonté affichée des partenaires qui ont récolté plus de 3 milliards d’euros pour la reconstruction du pays et la relance de l’économie, la question de départ, à savoir l’indépendance de l’Azawad, reste encore posée.
La majorité des Maliens et des observateurs croient que la France veut tordre la main à Bamako pour la reconnaissance du Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), comme un groupe armé différent des autres. Donc, un groupe avec lequel on peut et doit dialoguer. A cet effet, le Mali a désigné un émissaire qui le représentera autour de la table de dialogue avec le MNLA. Le médiateur Blaise Compaoré a déjà balisé le terrain pour la reprise du dialogue entre l’émissaire Tiebilé Dramé et les rebelles touareg.
Bamako semble prêt pour un dialogue constructif, mais reste ferme quant au désarmement du MNLA et au retour de l’Etat dans la région.
Paris rectifie le tir
Le chef de la diplomatie française s’est rendu, pour la 2ème fois, au Mali depuis l’intervention de l’armée française en janvier. «Je suis venu pour m’imprégner de l’état d’avancement de l’organisation des élections», a expliqué Laurent Fabius, le 28 mai à Bamako. Il a affirmé, à cette occasion, que les élections auront lieu au Mali, y compris à Kidal. Selon lui, il est évident qu’il doit y avoir les élections à Kidal, comme partout ailleurs. «J’ai dit, il y a déjà longtemps, qu’il ne peut pas y avoir deux armées dans le même pays» a-t-il ajouté. «Nous soutenons l’intégrité du Mali, la défense de la laïcité et le processus électoral qui doit s’appliquer partout dans le pays», a-t-il soutenu.
Un discours rassurant pour Bamako qui lève, désormais, l’équivoque sur une quelconque intention de la France néocoloniale qui a redoré son blason auprès du peuple malien. Mais la question touareg a failli ternir une nouvelle image, chèrement payée. Cependant, la France n’exclut pas d’encourager une politique de régionalisation qui reconnait la spécificité administrative à Kidal. Un long processus que seul le dialogue peut aider à concrétiser… Une délégation du MNLA a été reçue par le président Compaoré à Ouagadougou. Les ténors du MNLA ne semblent pas exclure une reprise du dialogue mais ne semblent pas, non plus, renoncer à l’autonomisation de l’Azawad. C’est donc, autour de cette cruciale question que Bamako et Kidal reprendront les discussions. Pour la majorité des Maliens, c’est une perte de temps de favoriser de nouveaux cadres d’échange autour de la question touareg.
Quelle couleur pour le scrutin de juillet ?
La préparation matérielle de l’élection présidentielle du 28 juillet prochain ne causera certainement pas de problèmes. Les propositions financières fusent de partout pour rassurer. A la Conférence des donateurs à Bruxelles, le Mali a obtenu plus de promesses qu’il ne s’y attendait pas. Plus de 3 milliards d’euros promis par les bailleurs pour la reconstruction du pays. A cela s’ajoutent d’autres appuis dans le cadre de l’aide au développement. La Banque Mondiale vient d’allouer une aide additionnelle de 66 milliards Fcfa pour appuyer le système éducatif, la sécurité sociale et l’Agriculture. De son côté, la Suisse vient de promettre un soutien de 3 millions de franc suisse au processus électoral tandis que le PNUD promet le recensement de l’ensemble des réfugiés pour leur participation au scrutin.
L’autre avancée notoire dans l’organisation du scrutin, c’est l’existence du matériel électoral qui avait été distribué dans les localités avant le coup d’état du 22 mars 2012. Celui-ci a été détruit dans les régions du Nord par les groupes armés mais son renouvellement ne pose aucun problème.
Mais, la grande question reste jusqu’ici, la présence du MNLA à Kidal. L’armée malienne avait promis d’entrer à Kidal avant le 15 mai dernier. Des questions internes ont dû empêcher la réalisation de ce projet cher aux Maliens. Pourquoi nos militaires ne sont pas encore à Kidal ? Telle est la question fondamentale que l’on se pose dans les rues de Bamako et partout ailleurs, dans le pays. Pour la 1ère fois depuis l’intervention française et de la communauté internationale, la population de Gao a manifesté pour contester contre la position confuse de la France face à la question des rebelles touareg. A la Place de l’Indépendance de Gao, on pouvait lire, sur des pancartes, le 30 mai 2013, «Oui à l’Opération Serval, mais non à la partialité de la France dans la crise du Nord».
C’est dans cette même cité des Askia, Gao, où avaient commencé les manifs anti-islamistes, l’année dernière. En rehaussant le ton face la question touareg, on risque d’assister à un nouveau développement du conflit malien.
Que pensent les Maliens des dates de la Présidentielle ?
A quelques semaines du scrutin, la majorité des Maliens qualifie de «juste» et de «mal choisie» la date des échéances électorales. Parce qu’elle ne donne pas suffisamment de temps pour l’organisation matérielle et une localité comme Kidal est toujours occupée par des groupes armés. Elle est aussi «mal choisie» puisqu’elle coïncide avec la saison des pluies et le mois de Ramadan, risquant d’influencer négativement sur la participation des fidèles musulmans et des agriculteurs. S’y ajoute l’accès difficile à certaines localités à cause de la pluie. «En cas de pluies, certaines personnes, notamment celles âgées, risquent de ne pas franchir leur portail», telle est l’inquiétude d’Oumar Macalou, exploitant agricole. Il y a aussi la préparation psychologique, interpelle Samba Diarra, un jeune cadre. «Si je devrais donner une consigne, je demanderai de voter pour ceux qui ont suffisamment « mangé ». Et pour cause, ils sont déjà rassasiés et devront donner le meilleur d’eux-mêmes. Mais si c’est un néophyte, une fois au pouvoir, il cherchera à se remplir ses poches», dit M. Diarra. Safiatou Maïga, résidente de Bamako, originaire de Gao, renchérit : «Seul le peuple malien peut sauver le Mali. Lui seul est maître de son destin. Alors, ensemble, nous devrions entamer des marches à l’instar de la population de Gao pour faire entendre notre volonté, celle de libérer tout le Mali et d’étouffer le projet balbutiant d’autonomie à propos de Kidal et ses environs».
Depuis l’agression du Nord du pays, sous Amadou Toumani Touré jusqu’à la reprise du dialogue entre Bamako et le MNLA en passant par le règne des islamistes et l’appui de la communauté internationale, le Mali se cherche. Il a besoin d’une élection libre et transparente. Un scrutin bâclé pourrait ramener le pays à la case de départ, avec le risque d’un nouveau putsch ou une crise post-électorale. «Si on a pu donner un an à l’organe de transition pour recouvrer l’intégrité territoriale du pays, alors pourquoi anticiper les élections alors que Kidal n’est pas encore libéré ?». Telle est la grave interrogation que se posent les Bamakois, dans les grins (grand’ place) autour des tasses de thé.
Ce qui est sûr, la communauté internationale, qui vient de renouveler son appui au Mali lors de la Conférence des donateurs, a désormais son mot à dire pour ce qui concerne toute question susceptible de faire avancer le processus de reconstruction du pays. Les élections auront-elles lieu à la date du 28 juillet ? Rien n’est moins sûr, malgré la détermination du président Dioncounda Traoré et de son équipe…
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