L’humilité, chez Baye Dame, n’était pas un manteau de circonstance, mais son moi profond. Je crois qu’il y avait chez lui cette conviction, apprise ou acquise je ne sais pas, que rien de grand ne peut se faire sans humilité, sans la pleine conscience que c’est un privilège dont Dieu gratifie qui Il veut.
Oui, Baye Dame était plutôt un taalibé, au sens le plus élevé du terme. Celui qui se cherche en permanence, effaçant ses accomplissements au fur et à mesure pour mieux s’élever vers la perfection, demandant partout et toujours le bon conseil pour mieux faire. Et pourtant, sans en avoir l’air, Baye Dame Wade a, pour le peu que j’en sais, accompli au moins deux choses d’une importance professionnelle capitale à mes yeux.
La première, j’en ai personnellement profité ! Dans une de nos conversations, alors que je lui parlais de la nécessité, pour le bureau de la Banque mondiale à Dakar, de devenir aussi un espace d’échanges entre les acteurs et actrices de la vie économique, Baye Dame me proposa une collaboration avec Reussir pour des AfterWork, un concept qu’il a pensé comme le prolongement oral des dossiers économiques écrits ! Il avait réalisé que le journaliste qui prépare un dossier sur un sujet – disons sur l’Enseignement supérieur privé – interroge séparément les acteurs, mais ne les mets pas face-à-face. Qu’à cela ne tienne alors, chaque dossier de Reussir allait désormais faire l’objet d’une session de discussion regroupant tous les acteurs interrogés par le journaliste, le staff de la Banque mondiale, les media et des invités soigneusement triés. Cela a donné les fameux AfterWork dont il me plait de citer un extrait d’un article de Sud en février 2009 : « Le partenariat entre le magazine économique REUSSIR du journaliste Baye Dame Wade et du Bureau régional de la Banque mondiale a frappé d’entrée. Le premier débat du cycle des Business AfterWork qui doit se tenir tous les mois dans les locaux de la Banque mondiale à Dakar, a mis aux prises la crème de la sphère économique venue plancher sur la crise qui tenaille actuellement le pays. Loin de leur appartenance du secteur public, privé ou société civile, les participants à ces échanges ont parlé à cœur ouvert, mais sous leur casquette de citoyens inquiets et parfois déprimés. L’objectif visé : esquisser des pistes de sortie de crise. » Ainsi Baye Dame ne s’est pas contenté de faire un magazine, il a aussi partagé, à tout moment, ce qui lui paraissait utile au développement de l’entrepreneuriat car, lui, il a toujours cru que le secteur privé national avait les capacités pour créer la richesse au point que tout le monde puisse le ressentir. Il n’avait pas besoin de pancartes pour le dire, se contentant d’être fidèle, toute sa vie, à sa promesse faite dès le premier numéro de Reussir : privilégier les bonnes actions et positiver sur l’économie et sur l’entreprise.
Le second accomplissement de Baye est en fait une leçon magistrale pour ses confères et consœurs. Je pense que Baye Dame, sans doute du fait de son éducation, a compris que, dans le journalisme, se poser la question de savoir si toute vérité est bonne dire, n’est pas si importante. Il a compris simplement qu’aucune vérité n’est bonne à dire de vilaine manière. On peut relire les écrits de Baye Dame ou se remémorer ses paroles, on n’y verra jamais du « wax juñaaw», une vilaine parole. Mais bon, ce n’est pas surprenant pour cet habitué de la proximité de Serigne Abass Sall, son grand-père, que nous fréquentions ensemble parfois à Ngith ! Eh oui, pour moi, parler de Baye Dame n’est pas seulement parler d’un grand journaliste professionnel « jusqu’au bout des ongles », mais d’abord d’un frère cadet. Permets de te parler personnellement maintenant : Dans ton dernier message que je partage ici, tu rendais hommage, avec une grande pudeur, à ton épouse en disant simplement que c’est elle qui gère le quotidien de journaux et ton dernier mot à moi fut : « Jerejefati mon cher grand. Merci pour tout. » A moi, au nom de toutes tes consœurs et confrères (s’ils me le permettent), de te dire : « Merci Baye Dame Wade pour tout ce que tu as été sur terre. Repose en paix, couvert de l’Infinie Miséricorde de Celui qui fut, pour toi, ce qu’IL a demandé d’être pour les croyants. »
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