Le débat sur l´opportunité ou non de désigner des députés de la diaspora m´amène à travers cette contribution à apporter quelques éléments de réflexion.
Nous avons appris à notre grande surprise des députés de l´opposition montré leur niet catégorique à cette proposition au nom de raisons politiques ainsi qu´économiques liées à des dépenses budgétaires supplémentaires.
La proposition de désigner des députés de la diaspora répond à notre avis à un besoin d´équité et de justice. Pour tout ce qu´elle représente au plan socio-économique (par les transferts considérables plus de 900 milliards de FCFA qui dépassent l´aide publique au développement et constituent près de 10 % de notre PIB) de même que démographiques.
La réalisation de celle-ci relève d’un devoir de justice à l’égard de la Diaspora ; en même temps une exigence démocratique. C´est la raison pour laquelle, nous félicitons le Président Sall d´avoir désigné la diaspora comme 15ème région de notre pays et d´avoir porté par référendum puis par le vote du projet de loi à l Assemblée Nationale l´applicabilité de cette décision durant les prochaines élections législatives.
Déjà dans certains pays de l´Afrique du nord notamment en Algérie et en Tunisie, on note depuis quelques années la désignation de représentants de ces diasporas.
En Tunisie ont été élus 18 représentants de la diaspora au Parlement durant les élections législatives de 2014 sur les 217 que compte le parlement. En Algérie, plus d´une décennie déjà. On note que pour les prochaines législatives de 2017, les associations de la diaspora estiment infime l’actuelle représentation de la communauté algérienne résidant à l’étranger, considérant impératif l’augmentation des députés à hauteur de 30.Ce fut aussi le cas du Mali voisin durant les années 90 lors de la conférence nationale : 13 députés furent parmi les 129 que comptait l’Assemblée Nationale représentant les Maliens de l’étranger.
La proposition de porter la voix des élus de la diaspora vient se conformer au niveau institutionnel à l’existence de ces cadres qui gèrent les Sénégalais de l’extérieur (Ministère des Affaires Étrangères et des Sénégalais de l´Extérieur, Direction des Sénégalais de l´extérieur, Ministère de l’Intérieur…) Ces cadres institutionnels assument un rôle de gestion administrative, de protection, de promotion économique des migrants ainsi la prise en charge de leurs préoccupations.
Leur existence ne rend pas inopportune la désignation de ces représentants qui devront assumer une autre fonction, un rôle dévolu à des représentants du peuple. Ils seront dès lors des élus non seulement de la diaspora mais de la nation défenseurs des intérêts des migrants et de la nation.
De ce point de vue, il reste inutile de faire cette distinction député de la diaspora et député local. Le député bien qu´élu dans un cadre géographique déterminé reste l´élu de la nation. ll agit et parle au nom de la nation, de l’intérêt général, qu’il soit de la diaspora ou d´une autre circonscription.
Ces députés de la diaspora en plus seront en effet les portes voix d´une communauté hétérogène qui rencontre des problèmes communs ou adaptés à leur contexte à la fois dans les pays ou continents d´accueil et d´origine.
Cependant, ce qui reste à matérialiser c´est de faire d´eux des acteurs qui agissent et parlent pour leur communauté en rapport avec les difficultés qu´ils gèrent et qu´ils maîtrisent parfaitement à travers les entités associatives de solidarité et d´appui. ll s´agit d´accepter de par leur expériences professionnelles diverses, du capital humain et financier dont ils disposent de les écouter pour donner leur avis dans la conduite des politiques qui les concernent en premier lieu. Ce qui est une condition sine qua non pour cette participation.
Pour ce faire, les futurs députés de la diaspora disposeront d´outils et de moyens pour diffuser et mettre en exergue les nombreuses difficultés de nature administrative, sociale, économique… qu´ils rencontrent afin d´y trouver les solutions idoines dans la concertation.
Par le biais de propositions de lois, d´amendements, de questions orales et écrites, ils pourront interpeller le gouvernement et participer à son contrôle jouant ainsi son rôle d´intermédiaire entre les électeurs et l´administration publique. Il ne s´agit pas bien évidemment de régler d´une baquette magique les problèmes auxquels ils sont confrontés en assumant cette charge au parlement.
Au demeurant, nonobstant cette bonne initiative politique démocratique, nous pensons que cette représentation ne doit pas seulement se limiter à celle parlementaire. Elle doit aussi se concevoir dans un sens beaucoup plus large.
D´une part, la diaspora doit en effet encore jouir d´une représentation plus marquée dans les autres instances délibératives, représentatives, de consultation ou décentralisées tels que, le Conseil Economique Social et Environnemental ( CESE) le Haut Conseil des Collectivités Territoriales.….Celle ci dynamisera sa participation à assumer les responsabilités de la chose publique, aux côtés des autres composantes de notre peuple et de ses diverses catégories La présence encore plus importante de représentants de la Diaspora au sein du Conseil Économique Social et Environnemental serait d’autant plus justifiée eu égard à l’importance de sa contribution socio-économique dans le développement du pays.
D´autre part, la dimension locale de la contribution de la diaspora dans les collectivités locales pour la réalisation de projets de coopération, de codéveloppement doit être plus coordonnée avec celles-ci par une meilleure collaboration et efficacité dans les interventions. Prendre en considération cet apport dans le cadre de la mise en œuvre des plans de développement locaux ou de structures décentralisées dans lesquelles ils seraient impliqués nous parait convenant et pertinent.
Nous ne terminerons pas sans faire allusion à quelques idées à prendre en compte dans les contextes pré et post électorales qui pourraient être susceptibles de faciliter la mise en œuvre de ce projet.
D´abord la question du mode de désignation, des modalités pratiques d’organisation, ainsi que l´exercice du mandat restent jusqu’ici à clarifier. La diaspora regorge de personnes ressources politiques comme apolitiques qui peuvent assumer convenablement cette charge. La responsabilité de la diaspora d´être proactive en participant à la réflexion ainsi que celle des autorités pour des propositions adéquates faciliteraient les choix à faire sur la base de critères déterminés.
Si l´on sait que les migrants seront dans deux espaces où la mobilité sera de mise pour l’exercice de leur fonction. Il serait bien à notre avis, que le règlement intérieur de l´assemblée nationale prenne en compte ce paramètre dans la définition des dispositions réglementaires. La durée de séjour et de participation aux sessions ne devra pas être contraignantes au risque de rendre difficile l’exercice de la fonction.
Ensuite , il urge aussi de penser à un mécanisme de suivi articulé à la nécessité et l’obligation pour le député de rendre compte régulièrement à ces électeurs évitant ainsi le risque une fois élu de vaguer à ses occupations. Sans qu´il ait un mandat impératif, le futur député devra signer avec sa communauté un engagement à se mettre à son service et à créer un lien de coordination avec les associations, les services consulaires organisant des rencontres régulières d´informations, d´écoute et de suivi.
Une autre disposition utile serait la facilitation de la coordination entre les différents parlementaires de la diaspora, évoluant dans des pays et continents différents, ayant en commun pouvoir porter en bandoulière les préoccupations de la diaspora à la fois particulières et communes. La mise en place d’un groupe de concertation parlementaire comme expression organisée de ses représentants nous parait importante. L´existence de ce groupe comme cadre d´analyses et d´échanges permettra d’assurer une bonne coordination des problèmes et alternatives à présenter.
Last but not least, il s´agira aussi eu égard à l´importance de ce projet pour toute la diaspora de lancer un appel à la communauté de migrants Sénégalais dans les divers continents à une mobilisation massive pour une inscription significative sur les listes électorales. Ce qui légitimerait davantage la désignation de ces futurs députés qui sera une première dans l´histoire politique de notre pays.
Conclusion
Dans un contexte ou leur participation au développement national n´est plus à démontrer cette implication doit se comprendre et se justifier comme une légitimation de l´apport estimable de la diaspora dans le développement de notre pays qui de par les solidarités individuelles et collectives contribue largement à la stabilité, à la cohésion et à la paix sociale de notre cher Sénégal.
La décision opportune du Chef de L´Etat Mr Macky Sall de trouver la voie d´une représentation de proximité des Sénégalais de la diaspora dans sa diversité nous parait essentielle pour faire des représentants de la diaspora des acteurs de premier ordre auprès de la seconde institution du Sénégal et encore dans bien d´autres.
Elle matérialisera l´association de notre diaspora au processus décisionnel, à l´instauration d´une franche et étroite collaboration avec les institutions de notre Etat dans la formulation de recommandations. Lesquelles déjà soumises devront faire l´objet d´un suivi adéquat pour leur résolution afin de mieux optimiser l´apport des Sénégalais de l´extérieur dans le développement économique et social de notre pays.
Mamadou Cheikh AGNE
Consultant-Professionnel de la Migration et de la Coopération-
Diplômé de l´EPIC-Ecole des professionnels de la Migration et de la Coop.
Président de l´Association des Immigrés Sénégalais en Espagne- AISE-Madrid
Email : agnegaol@yahoo.es
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