Président, pouvez-vous revenir sur les grandes lignes de votre mandat à la tête de l’Onecca qui s’achève ?
En sollicitant la confiance de mes confrères en 2009, puis en 2012, je m’étais engagé à apporter toute mon énergie à la Profession comptable du Sénégal et à mettre en œuvre tous les projets pour la faire avancer conformément à la vision que nous avions partagée, depuis 2006, au sein de la Profession de faire de l’Onecca, une institution connue, reconnue, crédible, porteuse d’idées et projets pour le développement économique et l’intérêt public.
Six ans après, l’Onecca bénéficie d’une bonne notoriété, d’une bonne image de crédibilité dans l’environnement et a marqué de très nombreuses avancées. Il est la 1ere Institution en effectif de l’UEMOA et d’Afrique Francophone avec 170 membres individuels inscrits et 76 sociétés membres ; aussi, le 1er Ordre à avoir fait homologuer par arrêtés interministériels ses Normes professionnelles et son Code des devoirs professionnels conformes à ceux de l’IFAC. Enfin, c’est une institution reconnue comme membre à part entière de l’IFAC (la Fédération mondiale des Experts comptables).
Le Président de l’Onecca est également Président de la Fédération Francophone (FIDEF) des Experts comptables, Président du Conseil Permanent de la Profession comptable (CPPC) de l’UEMOA et membre du Conseil d’administration de la Fédération Panafricaine (PAFA) dont l’Onecca a organisé l’Assemblée constitutive à Dakar.
L’Onecca est un partenaire reconnu des Institutions internationales (BM, BAD, FMI, UEMOA …). Il membre fondateur de l’Interprofession libérale du Droit et du Chiffre qui est porteur du projet de création de la Chambre de Médiation et d’Arbitrage de l’Interprofession. L’Ordre est partenaire de la Cour des comptes, de la Cour d’Appel et du TGI de Dakar, de la Direction générale du Trésor et de la Comptabilité publique et aussi Partenaire du Secteur privé et de la DGID sur la concertation sur la fiscalité.
Il reste quand même des chantiers à achever…
Oui, il y a le chantier de la formation des Experts comptables pour lequel l’Ordre est partenaire de l’Ecole Supérieure Polytechnique (ESP) de Dakar et de l’Institut National des Techniques Economiques et Comptables (INTEC) du Conservatoire des Arts et Métiers de Paris (CNAM) dans le cadre du Centre de Formation à l’Expertise Comptable (CEFEC).
L’ONECCA est porteur d’un projet très ambitieux de Centre de Documentation et de Formation en Finance et Comptabilité, et un partenariat est en cours d’instruction avec l’Etat et la Banque Mondiale.
Enfin, nous avons lancé l’idée en cours de validation avec le Ministère des Finances et la Banque Mondiale de création d’une Plateforme de télé-déclaration fiscale pour dématérialiser et assurer la sécurité et l’unicité de l’information financière des entreprises.
Pourquoi avez-vous décidé de ne pas vous représenter ? Est-ce à dire que vous prônez une nouvelle gouvernance de nos organisations, voire de nos institutions ?
Par le plus grand respect pour ma Profession et ses textes réglementaires qui prévoient 2 mandats non-renouvelables. Mais aussi par respect pour les Institutions en général qui ne doivent pas avoir des Présidents à vie, sous prétexte qu’il n’y aurait pas de relève ou qu’on serait indispensable.
Avant moi et après moi, l’Onecca continuera d’être dirigé, avec engagement et efficacité, par d’autres professionnels autant ou plus engagés et compétents et qui auront la confiance de la Profession, qui les appuiera pour réussir tous nos chantiers dans la continuité institutionnelle.
Mon opinion est qu’au bout de 2 mandats à la tête d’une organisation, on doit céder la place à un autre. Et c’est même un échec de ne pas réussir à susciter de candidature pour son remplacement, avant même l’échéance de son mandat. C’est le signe qu’on a plutôt bien travaillé et que la fonction est attrayante.
A propos, quel regard jetez-vous sur la gouvernance de nos entreprises ?
L’état de la gouvernance des entreprises n’est pas reluisant, surtout dans le secteur public, malgré l’adoption d’un Code de gouvernance, rendu obligatoire par Circulaire du Premier Ministre depuis Octobre 2011.
Un plan d’action avait été préparé en conséquence pour faire l’état des lieux et proposer les mesures de correction dès le mois de Février 2012, en relation avec le Contrôle financier de la Présidence en charge du suivi de la régularité des organes de gouvernance des entreprises dans lesquelles l’Etat détient une participation.
Hélas, tout cela a été stoppé net et les mauvaises habitudes sont revenues : le Politique n’a toujours pas compris que la gestion des entreprises n’est pas une récompense à offrir aux militants, mais des compétences à mettre au service des entreprises.
A mon avis, le Ministre de l’Economie et des Finances devrait organiser une politique plus rationnelle et économique de gestion des participations de l’Etat, qui devrait se comporter comme un actionnaire et apprendre les réflexes afférents, plutôt que de laisser faire cette politique de « récompense des amis ou militants » qui a toujours été désastreuse pour les entreprises ; c’est à croire que l’on ne tire jamais de leçon de nos échecs passés.
Alors, comment nos entreprises peuvent performer dans un environnement dominé par le capital étranger ?
C’est le sujet majeur, à mon avis, à l’heure où l’Etat lance une stratégie de développement visant l’émergence économique du Sénégal. Que les sociétés étrangères investissent, s’installent dans notre pays et nouent des partenariats avec nos entrepreneurs est une bonne chose et cela conforte notre potentiel économique. Mais, que des entreprises étrangères viennent, de façon ponctuelle et répétée, prendre les affaires et utiliser le Sénégal comme un simple relais de croissance pour leur pays dont la croissance est limitée ou obstruée, c’est tout le contraire de ce qu’il faut pour aller vers l’émergence.
Un pays doit avoir sa stratégie de développement basée sur ses propres forces et ses entrepreneurs. Le Président Hollande voyage avec les chefs d’entreprises français pour aller à la conquête de marchés nouveaux. Le Roi Mohamed VI est le premier «vendeur» du Royaume et de ses entrepreneurs. Donc, chacun poursuit la stratégie de croissance et de développement de son propre pays.
Faute de stratégie nationale, centrée sur ses objectifs et inclusive de ses propres forces, on devient la cible de la stratégie des autres … C’est ce qui risque de nous arriver si nous continuons à faire appel systématique aux étrangers pour faire ce que nos entreprises savent déjà bien faire.
Dans ces conditions, peut-on parler d’émergence de nos économies ?
Cela me parait difficile d’émerger en faisant appel à d’autres pour construire son propre pays. Nos entreprises du BTP ont bâti une grande partie de l’Afrique et n’ont aucun complexe vis-à-vis de l’étranger.
Voir les travaux du beau symbole du building du Gouvernement confiés à des étrangers est bien triste et le message qu’on peut en déduire est une absence de confiance en soi pour notre pays. Et le prétexte des financements apportés ne tient pas la route, surtout quand il s’agit de symboles aussi forts. Les entreprises sénégalaises font la richesse du Sénégal, les étrangères celles de leurs pays et c’est normal.
Donc, à nos dirigeants d’être cohérents et clairs. Si leur volonté est l’émergence, elle ne se fera pas sans les Sénégalais. Et il n’est pas tard pour corriger le tir.
Les autorités doivent se méfier des intermédiaires et autres porteurs de projets qui n’ont comme intérêt que la commission à percevoir, le développement du Sénégal n’est pas leur souci, ils viendront toujours leur dire que les lois gênent leurs partenaires … Normal, ils ne veulent pas de la concurrence transparente et saine, ils œuvrent dans l’ombre. Accéder à leurs souhaits, c’est ruiner le pays et nous transformer en simples payeurs de dettes.
La suite de l’entretien à retrouver en kiosque
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