Pourquoi, il y a une dualité entre la Chambre de Commerce de Dakar et l’Union Nationale que vous dirigez ?
Pour moi, il n y a pas dualité entre les Chambres consulaires puisque chaque région dispose d’une autonomie de gestion de sa Chambre. La configuration des chambres consulaires est très bien organisée. Après, vient l’Union Nationale qui chapeaute tout ça.
Mais il y a quand même une dualité entre l’Union nationale des Chambre de Commerce et le Patronat…
Il faut bien connaître le rôle des Chambres de Commerce et celui du Patronat. Les Chambres de Commerce existent au Sénégal depuis 1804. Leur objectif est de permettre aux opérateurs économiques d’avoir un cadre de concertation. C’est à peu près la même chose que les partis politiques pour qui le cadre de dialogue est l’Assemblée Nationale ; ou pour le football avec la Fédération qui coiffe toutes les associations sportives et culturelles et Dieu sait qu’il y a en beaucoup. Si chacun respecte ses prérogatives et son champ d’action, il ne peut y avoir de dualité entre les Chambres de Commerce et le Patronat.
Le Patronat est une association privée de personnes s’activant dans un ou plusieurs domaines connexes pour défendre les intérêts de la corporation. Alors que la Chambre de Commerce est unique. Surtout au niveau régional. Sa création et son fonctionnement sont régis par la loi.
Avant l’indépendance, c’était la Chambre de Commerce qui était l’unique interlocuteur de l’Etat en matière d’encadrement des acteurs économiques. Après le départ des colons et à l’arrivée des Sénégalais, la Chambre de Commerce a perdu son lustre et ne jouait plus son rôle de cadre de concertation. C’est ce qui a poussé certains Sénégalais à créer des associations privées qui défendent leurs intérêts à l’image du syndicat d’entreprise. Tandis que la Chambre de Commerce n’a pas ce rôle. Elle un rôle de représenter des intérêts des entreprises.
J’estime qu’à la rigueur, il aurait dû ou pu y avoir des conflits de compétence entre la Chambre de Commerce et certaines institutions créées par l’Etat comme l’APIX ou l’ADEPME. Dans les conclusions d’un rapport sur les structures d’appui que connaissent le plus les opérateurs économiques, il y a en premier les Chambres de Commerce, les Chambres de Métiers mais nulle part vous ne verrez l’APIX ou l’ADEPME, encore moins les associations patronales. Je ne nie pas le rôle et l’importance de ses associations. C’est là où nous exposons nos préoccupations, avec nos pairs, et espérer nous liguer pour aller les défendre devant qui de droit. Normalement, ils viennent à la Chambre de Commerce pour élire des délégués qui seront chargés, le moment venu, d’exposer l’ensemble des problèmes de leur secteur à l’Etat. Aussi, toute cette agitation qui entoure la Chambre de Commerce vient du fait qu’on a dévoyé le rôle et les prérogatives de la structure consulaire.
Alors, quelle solution proposez-vous pour revenir à la normale ?
La solution, c’est juste de respecter les règles. Qu’il existe plusieurs associations patronales qui défendent les intérêts des patrons, je ne suis pas contre. Cela ne me dérange pas car je sais que c’est pareil dans d’autres pays. Ainsi, la responsabilité incombe à l’Etat de mettre de l’ordre dans cette histoire en faisant respecter la loi et les prérogatives de tout le monde. Pour rester dans l’illustration imagée, malgré le nombre important d’associations sportives au Sénégal, celles-ci n’empêchent pas la Fédération de bien tourner. Il n’y pas de problème de représentativité dans le football. Quand il faut aller à la Coupe du Monde, on sait qui va parler au nom du Sénégal. Pourtant, la Fédération est bien élue par les associations des 14 régions du Sénégal. Il se peut aussi qu’à notre niveau, nous n’ayons pas assez valorisé notre institution pour en faire le seul et unique cadre de concertation entre les acteurs économiques et l’Etat.
Comment appréciez-vous cette vague de création de structures patronales depuis quelques temps au Sénégal ?
C’est un peu compliqué d’expliquer certaines choses, mais défendre les intérêts d’une corporation n’est pas facile. C’est pourquoi j’utilise le nom d’associations professionnelles pour désigner les structures qui défendent les intérêts d’un groupe. Les banquiers ont vite fait de clore ce débat avec la dénomination de leur association professionnelle qui défend leurs intérêts. Pour me résumer, je dirai qu’il y a l’association professionnelle pour les patrons et l’association syndicale pour les travailleurs.
Selon mon analyse, la source des problèmes au niveau des associations professionnelles sénégalaises vient du manque de renouvellement des personnes et des statuts qui régissent ce type d’organisations. Les organes de ces structures ne fonctionnent pas normalement. Il n’y pas assez de renouvellement des hommes et des idées pour faire vivre comme il se doit l’association. Les gens ne sont pas libres de s’exprimer, de partir en compétition à chance égale pour des postes de responsabilité dans leur association. Cela conduit à cette situation. A chaque fois qu’une personne ou un groupe de personnes se sont sentis frustrés par les dirigeants d’une association professionnelle, ils sont sortis pour créer leur propre association.
Au final, même l‘Etat à des problèmes pour savoir à quelle organisation se fier tant il en existe une pléthore. A contrario, quand vous perdez les élections d’une chambre consulaire, vous ne pourrez pas en créer une parallèle pour signaler votre frustration. C’est pour cela qu’il faut revenir aux bases des rapports entre l’Etat et le Secteur privé pour faire des Chambres consulaires, le lieu approprié pour ce dialogue. Cela va soulager l’Etat en charge de travail car il n’aura qu’un seul interlocuteur. Idem pour les subventions parce qu’on sait que l’Etat fait beaucoup pour plusieurs organisations dans le cadre de l’appui aux entreprises alors qu’il pouvait rationaliser ses dépenses avec la Chambre. Mieux dépenser pour mieux aider grâce à la Chambre qui servirait d’interface pour spécifier les besoins des acteurs, donc optimiser les chances de réussite de ses aides.
C’est pourquoi que certains disent que les organisations professionnelles ne défendent pas leurs intérêts et qu’il faut en créer de nouvelles. Je vous cite le décret d’organisation des attributs des Chambres de Commerce qui stipule que « les Chambres de Commerce bien organisées permettront au ministère de tutelle de bien mettre en œuvre les politique de l’Etat en matière de promotion des opérateurs ainsi que du commerce ». Il s’y ajoute la nécessité de faire de l’institution consulaire, un cadre fédérateur susceptible de rationaliser les actions des organisations professionnelles et patronales en matière d’industrie et d’agriculture.
En France, qui est la référence ultime pour les Sénégalais, on n’y trouve pas de ministère du Commerce, ni de ministère du Tourisme encore moins de la Formation professionnelle parce que ce sont des divisions de l’économie. L’Etat forme ses cadres dans ses écoles d’administration et ce sont les Chambres consulaires qui forment en matière de Commerce.
Les textes son là, les prérogatives sont définies, la balle est dans le camp de l’Etat pour que tout le monde respecte ses fonctions. Il y a 300 partis politiques mais quand le gouvernement à un projet de loi, il l’amène à l’endroit qui est sensé abriter le débat politique organisé, c’est-à-dire à l’Assemblée Nationale. Il ne fait pas le tour des 300 partis politiques. Il revient aux partis politiques de se battre pour être bien représentés au niveau de l’Assemblée.
On doit faire la même chose avec le Patronat.
Tant qu’on n’aura pas créé les conditions d’organiser les opérateurs économiques sur la question de la représentativité du Secteur privé auprès de l’Etat, on ne pourra pas avancer. Les syndicats ont déjà réglé cette question en organisant des élections de représentativité pour désigner leurs interlocuteurs auprès de l’Etat
Pour cela, l’Etat aussi à un rôle à jouer dans ce sens en réaffectant toutes ces structures d’appui et d’encadrement, comme je l’ai une fois suggéré au Président de la République, à la Chambre de Commerce. Il faut donc créer une plateforme au sein d’une structure dédiée qui est la Chambre de Commerce pour aider les promoteurs dans la création d’entreprise. On peut citer, pour ce cas de figure, l’IPRES qui est confiée au Secteur privé de même que la Caisse de Sécurité Sociale. On sent qu’il y a la volonté de la part de l’Etat même si c’est dans son intérêt d’avoir un Secteur privé performant mais il y a également l’engagement des Sénégalais contribuant aux 3000 milliards de budget du Sénégal. Une fois encore ce sont les impôts et taxes payés par les Sénégalais qui constituent le Budget. Donc, il faut aider tous les pans de l’économie sans léser aucun secteur, même celui informel.
( La suite bientôt)
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