L’Afrique est à la croisée des chemins et a besoin de grands projets transformateurs nécessitant de gros moyens financiers pour changer la donne. Les États africains réussissent souvent leurs tables rondes de mobilisation de ressources mais tardent à réaliser les projets pour lesquels ils ont mobilisé des financements.
Alors, quelles sont les réelles problématiques des grands projets en Afrique ?
Des objectifs clairs : La question des objectifs transformateurs des grands projets en Afrique m’a toujours interpelé en tant que fonctionnaire national et international et en tant que banquier d’affaires conseillant des Etats africains. C’est fréquent de voir les nouveaux régimes initier de grands projets avec des objectifs pompeux sans même faire un audit sérieux de l’existant qui permettrait pourtant de mieux consolider les acquis et appréhender les besoins. Cette situation affecte souvent négativement les chances de mobilisation de ressources car elle évoque chez un investisseur potentiel, l’incertitude liée aux changements de régime.
Des approches différentes : Malgré les fortes volontés politiques de nos dirigeants, beaucoup de grands projets tardent à voir le jour. Je suis convaincu que l’absence de segmentation des projets en fonction de leur nature (public ou privé) est l’une des explications. Les projets publics sont souvent financés par les budgets nationaux et les bailleurs de fonds, sous le contrôle des institutions publiques compétentes. Par contre, les projets privés à caractère public répondent à d’autres exigences. Ils demandent souvent une préparation et un montage complexes avec l’élaboration d’études de faisabilité, l’exigence de garanties, des partenariats stratégiques et techniques ainsi que des négociations complexes. Nos Etats devraient concentrer davantage leurs efforts à la mise en œuvre des projets publics (écoles, hôpitaux) et mettre en place un cadre incitatif pour promouvoir la participation du secteur privé dans les grands projets marchands (trains rapides, centrales électriques, autoroutes). Ils devraient aussi se faire accompagner durant les négociations par des conseillers expérimentés pour mieux préserver leurs intérêts.
Une bonne préparation : Je fais partie de ceux qui sont convaincus, de par nos expériences antérieures, que nos pays devraient accorder plus d’importance à la bonne préparation des grands projets. Il existe une grande différence entre une idée de projet suivie d’effets d’annonce et un projet bien préparé et structuré. Il est impératif de mettre en place des mécanismes de préparation des projets au sein de nos administrations pour produire des documents de qualité.
L’utilisation des compétences locales : Les gouvernements africains devraient se servir davantage de leurs compétences locales (administration et privé). Il est clair que nos pays ont encore besoin d’expertise internationale mais il y a beaucoup d’experts africains jouissant d’une excellente expérience internationale, comprenant parfaitement le contexte local et ne demandant qu’à être mis à contribution.
Un choix approprié des partenariats : Nos pays ont encore besoin du savoir-faire externe pour des projets complexes. Ce transfert de savoir-faire ne peut être réalisé qu’à travers des partenariats techniques et stratégiques. Le choix des partenaires est primordial dans la mesure où leur mauvaise sélection exposerait nos pays à des engagements non tenus et sans aucune valeur ajoutée au développement humain. Les gouvernements africains doivent davantage privilégier la rigueur dans la « due diligence » des partenaires qui les approchent pour une meilleure appréciation de leurs propositions techniques et financières.
Une coordination efficace: Tout projet, dans sa concrétisation, requiert un ensemble d’actions stratégiques. Il s’agit notamment de la planification, de la mobilisation des ressources pour sa réalisation, la promotion pour susciter l’intérêt des partenaires potentiels, la mise en place de bonnes conditions d’exécution et des mécanismes adéquats de suivi. Malheureusement, ces responsabilités sont souvent mal appréhendées au sein de nos administrations. Cela a pour incidence l’apparition des conflits institutionnels et de personnes portant préjudice à la réalisation des projets.
En définitive, une forte volonté politique, combinée à des objectifs clairs, une bonne préparation des projets, une utilisation optimale d’experts locaux, un choix judicieux de partenaires et une bonne coordination institutionnelle donnerait plus de chance de réussite aux grands projets africains.
Ibrahima Cheikh Diong
PDG Africa Consulting and Trading
(www.act-afrique.com)
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