Si on observe ce qui est requis dans d’autres pays comme le Nigéria ou le Maroc, le capital minimum des banques pourrait très bien passer à 100 milliards FCFA dans quelques années. Or, à ces niveaux de capital, on ne peut plus se passer de la Bourse.
Il y a le cas de ces grandes entreprises familiales qui brassent plusieurs dizaines, voire des centaines de milliards et qui pourtant, rechignent à venir à la Bourse. Est-ce à dire que la Bourse n’est pas suffisamment attractive ou rentable pour elles ?
Convaincre les chefs d’entreprise à faire le choix stratégique de l’ouverture du capital, comme mode de financement, exige une démarche de proximité de la part des acteurs commerciaux du marché pour gagner leur confiance. En la matière, les SGI ou les Conseillers en Investissements devraient se rapprocher des propriétaires d’entreprises pour devenir leurs conseillers en matière financière. Il faut rappeler aux entrepreneurs qu’ils ne sont pas que de commerçants et/ou des industriels mais qu’ils sont aussi des investisseurs dans leurs propres entreprises et qu’à ce titre, il vaut mieux agir en investisseur professionnel qu’en investisseur occasionnel. Or, un investisseur professionnel planifie et programme sa stratégie de sortie d’investissement. C’est-à-dire, il faut qu’il soit, à tout moment, préparé à sortir de son investissement, dans le meilleur contexte de valorisation et de liquidité. Aujourd’hui, les valorisations des entreprises sont hautes. Donc, il faut soit beaucoup d’argent et peu d’investisseurs (seuls, les fonds de capital-risque en ont les moyens), soit beaucoup d’investisseurs avec des montants modestes. Dans les deux cas, cela devrait conduire à se faire coter en Bourse car au niveau des apports en capital-investissement, il y a de fortes chances que, pour sa «sortie» future, le fonds d’investissement exigera une introduction en Bourse. Car c’est la meilleure façon d’optimiser la liquidité et la plus-value de sa «sortie».
Il y a aussi le secteur informel qui pèse très lourd dans nos économies et qui pourtant, sont complètement exclus du système. Vous ne pensez pas qu’il y a besoin de réfléchir à un mécanisme qui pourrait les intégrer partiellement en attendant leur formalisation ?
Qui dit financement dit «crédit». Or, sur le plan micro-économique, le crédit ne s’exige pas, il se mérite ! Il se mérite par la qualité de la gestion de l’entreprise concernée et par un certain niveau de transparence. Il ne faut jamais oublier que l’argent mis à la disposition des entreprises par la Banque ou la Bourse est constitué de l’épargne des ménages qui doit absolument être protégée du risque de défaut de remboursement. La Bourse ne peut pas déstructurer ses règles universelles pour se rendre accessible au secteur informel. Personnellement, je pense que c’est au secteur informel de se formaliser avec l’aide de l’Etat pour accéder au financement. Il ne faut pas confondre une exigence macroéconomique et une réalité microéconomique
On ne comprend pas que nos banques et compagnies d’assurances ne soient pas cotées alors que leurs besoins en fonds longs sont si importants. Pourquoi un tel paradoxe ?
Les banques et les compagnies d’assurances sont des sociétés réglementées qui sont sujettes à un capital minimum exigé par leurs régulateurs. Aujourd’hui, le capital minimum pour les banques en zone UEMOA est de 10 milliards FCFA.
Si on observe ce qui est requis dans d’autres pays comme le Nigéria ou le Maroc, le capital minimum des banques pourrait très bien passer à 100 milliards FCFA dans quelques années. Or, à ces niveaux de capital, on ne peut plus se passer de la Bourse. La même évolution concernera le secteur des assurances. Je pense que dès 2014, nous aurons les premières sociétés d’assurances qui feront leur introduction à la BRVM.
Au vu de tout ce qui précède, comment nos pays peuvent-ils prétendre à l’émergence économique si la Bourse régionale, comme instrument de promotion et de répartition des richesses nationales, ne joue pas encore suffisamment son rôle ?
Des marchés financiers solides, profonds et efficients constituent une infrastructure financière sur laquelle l’Afrique subsaharienne doit pouvoir compter pour accompagner le financement de ses économies et assurer une croissance durable. C’est une nécessité pour améliorer l’environnement des affaires et réunir les conditions dont le secteur privé a besoin pour devenir le véritable moteur de la croissance. On a souvent fait, aux marchés financiers africains, la critique de mal fonctionner car manquant de taille significative, de liquidité, d’informations aux investisseurs et de volume d’émissions de titres pour mobiliser l’épargne et affecter les ressources aux emplois les plus productifs.
La prise en compte de ces considérations justifie notre démarche d’analyse du comportement de marché des agents économiques dans une approche d’inspiration microéconomique. Analyser le comportement de marché « financier » des agents économiques : Etat, Entreprises et Investisseurs dans le but de comprendre leurs processus décisionnels face à la Bourse aiderait à l’approfondissement des marchés financiers africains. Car aujourd’hui, l’existence de marchés financiers réglementés en Afrique subsaharienne doit permettre aux Etats et à leurs démembrements de mobiliser des ressources financières indispensables au financement de projets structurants, aux entreprises de lever des fonds substantiels pour financer leur croissance et être gérées de manière plus transparente et aux épargnants divers d’accroître leurs rendements, diversifier leur portefeuille et de pouvoir revendre rapidement leurs titres. Au niveau de l’Afrique de l’Ouest, la BRVM est un outil qui fonctionne correctement pour effectuer tout type d’opération autorisée. Ce qu’il y a lieu de faire maintenant, c’est de convaincre les décideurs aussi bien au niveau étatique que des entreprises et des épargnants.
Quel est alors votre combat pour davantage de ré- appropriation de ces ressources pour élargir le cercle de la propriété par et pour les Africains, afin qu’il y ait moins de rapatriement de dividendes, de plus-values et de bénéfices en dehors du continent ?
Un marché efficient doit être liquide, ce qui signifie qu’un investisseur doit pouvoir acheter ou vendre une importante quantité de titres très rapidement sans provoquer de fortes variations des cours. Si l’on considère qu’un investisseur achète une action pour son rendement mais aussi pour sa plus-value éventuelle à la revente, il est légitime que celui-ci s’interroge sur la difficulté qu’il aura ou non à revendre son titre. On parle ici de liquidité du marché. Concernant les marchés boursiers africains, certains commentateurs ou opérateurs déplorent «leur manque de liquidité». Deux facteurs permettent d’améliorer la liquidité d’un titre : d’une part son cours en Bourse et d’autre part le nombre de détenteurs. Sur ce dernier aspect, il est nécessaire d’améliorer la distribution des valeurs mobilières. Il faut aussi créer de nouveaux produits de gestion collective : des Fonds Communs de Placement (FCP), des sociétés d’investissement à capital variable (SICAV) et construire un réseau d’agences avec des conseillers et des commerciaux compétents. En résumé, la liquidité boursière ne s’exige pas, elle se construit dans la durée.
Enfin une question personnelle, après une grande carrière de banquier, puis d’ingénieur financier, qu’est-ce qui vous reste à accomplir pour finir en beauté vos missions ?
Tout simplement transmettre aux plus jeunes tout ce que j’ai pu apprendre durant ma carrière.
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