Peaux de serpent, de crocodile, de lézard…, tout entre dans la préparation de ces produits aussi divers que variés. On y trouve des sacs, des ceintures, des nappes, des objets d’art, des chaussures… tout en cuir. Une matière que les artisans fabriquent eux-mêmes. «La peau brute, on la prend, on la met dans une bassine remplie d’eau, avec un produit appelé «nepnep», qui empêche aux produits de pourrir ou de dégager de mauvaises odeurs. Après quelques temps, on la fait sécher avant de le débarrasser de ses déchets. Après, il y a ceux qui sont chargés de teindre la peau», explique Modou Yall, présent sur les lieux depuis plus de deux décennies. De l’autre côté, c’est les pagnes tissés, les tam-tams qui constituent le décor.
Aujourd’hui, avec l’arrivée massive des commerçants chinois et leurs produits de pacotille, il est difficile de trouver des produits originaux. Selon Baye Fall, que ce soit les ceintures ou les sacs ou même les chaussures, tout est disponible au village artisanal de Soumbédioune. Une ceinture originale peut coûter jusqu’à 5 000 francs, mais il suffit de l’acheter pour se rendre compte de sa qualité. «Nous n’avons jamais perdu de clients. Ceux qui sont venus une fois ici, sont toujours revenus, parce que la qualité y est», se réjouit-il.
Un village victime de son enclavement…
Situé à Soumbédioune et en face de la Corniche, le village artisanal est très peu connu des Sénégalais. En effet, avec des tableaux d’arts, des tam-tams et autres gadgets, les touristes semblent être les cibles premières des artisans. Cet homme, la cinquantaine, confortablement sur sa chaise pliante, devant sa boutique de tam-tams, refuse ce cliché. Selon lui, il est certes vrai que beaucoup d’articles sont achetés par les touristes, mais il n’en demeure pas moins que le choix est assez varié et chacun peut y trouver son compte. «Pour les tam-tams, nous avions des partenaires chinois qui venaient les charger dans des conteneurs mais depuis quelques années, ils ont revu leurs commandes à la baisse. Néanmoins, nous vendons des mocassins, des babouches, des ceintures et beaucoup d’articles et ce sont les Sénégalais qui les achètent», informe-t-il.
Mais si les commandes et les chiffres d’affaire sont à la baisse, Baye Fall croit en savoir les raisons. Parce que, dit-il, déjà les Sénégalais ne connaissaient pas trop ce lieu, mais en plus, le tunnel est venu compliquer la situation. «Les étrangers connaissent mieux ce lieu que les Sénégalais eux-mêmes. Mais avec le tunnel, le lieu est devenu inaccessible», se désole-t-il.
Parlant de la baisse des commandes venant de la Chine, Baye Fall est convaincu que cela n’a rien à voir avec le tunnel. Selon lui, les Chinois ont fini de comprendre le circuit, c’est pourquoi ils ont recruté certains artisans. «J’en connais au moins une dizaine qui sont partis en Chine. Ils travaillent pour le compte d’une entreprise qui fait des tam-tams, l’un d’eux était là pour les besoins de la Tabaski. Mais ils se frottent bien les mains…», révèle-t-il.
Suffisant pour qu’il lance un appel aux autorités. Selon lui, à l’heure où l’on parle d’emplois des jeunes, l’idéal serait d’abord de sécuriser ceux qui existent déjà. «Si les autorités ne font pas assez d’efforts, le secteur artisanal risque de mourir de sa belle mort. Les Chinois sont encore dans la phase expérimentale, mais d’ici quelques années, ils vont vider le pays de ses artisans», avertit-il.
Quoi qu’il en soit, le secteur artisanal est un des piliers en termes de pourvois d’emplois. Aujourd’hui, on dénombre près de 1.200.000 emplois dans le secteur dont ¼ à Dakar.
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