Après l’échec de la Lettre de politique sectorielle (LPS 2005-2015) pour l’atteinte des OMD, une nouvelle Lettre de politique sectorielle pour le développement durable (LPSD 2016-2025) sur l’Eau et l’Assainissement a été élaborée en cohérence avec l’atteinte des ODD et le PSE. Cette LPSD devant être évaluée à la fin de son 1er quinquennat, en 2020. Quels en sont les objectifs pour le secteur de l’Assainissement ?
Les objectifs du secteur de l’Assainissement sont pratiquement les mêmes. C’est avoir un meilleur cadre de vie pour les populations. L’Assainissement a toujours été le parent pauvre du secteur de l’Hydraulique. Le plus gros des investissements du secteur allait toujours vers l’Hydraulique et l’Assainissement était laissé en rade. En rapport avec la nouvelle Lettre de Politique Sectorielle pour le Développement (LPSD), le Gouvernement du Sénégal a pris à bras le corps le problème de l’Assainissement, avec des investissements très importants pour qu’on arrive à atteindre les Objectifs de Développement Durable (ODD).
Certes on n’a pas atteint les Objectifs du Millénaire pour le Développement (OMD), mais le Sénégal est leader en matière d’assainissement en Afrique subsaharienne. C’est important de le signaler. Je sais que le gap est important, mais il y a une volonté politique affirmée pour améliorer le cadre de vie des populations, mais également atteindre les ODD. Il ne faut pas oublier qu’en 2021, le Sénégal est à l’honneur pour accueillir le Sommet Mondial de l’Eau. Nous devons avoir et nous allons avoir des choses intéressantes à montrer pour confirmer notre leadership en Afrique au sud du Sahara.
Après deux années d’exécution de cette nouvelle LPSD, quel est le niveau de réalisation enregistré? Qu’est-ce qui l’explique?
On ne peut pas,après seulement deux années d’exécution, décliner un bilan. Ce qui est arrivé, c’est que les travaux sont en cours. Le Sénégal a des projets structurants importants, avec un budget triennal de 200 milliards FCFA. Depuis l’Indépendance, cela n’est jamais arrivé. Nous sommes aussi en train de réfléchir, de façon structurelle, pour voir comment mieux gérer le secteur de l’Assainissement pour améliorer la qualité de service. Je reste très optimiste et je reste persuadé qu’au bout, nous y arriverons, parce que la volonté politique existe et Son Excellence le Président Macky Sall a mis à notre disposition les moyens nécessaires pour atteindre les ODD.
L’ONAS a en charge la gestion de l’Assainissement urbain sur le territoire national. Qu’est-ce que cela veut dire ?
Cela veut tout simplement dire que nous nous occupons de l’Assainissement des centres urbains, plus précisément dans les villes. La gestion de l’Assainissement dans les centres ruraux était du ressort de la Direction de l’Assainissement (DA). C’était une dichotomie. Le Ministère de l’Hydraulique et de l’Assainissement a une nouvelle vision plus opérationnelle et plus en cohérence avec l’efficacité. Cela veut dire que l’ONAS ne travaille plus seulement dans les centres urbains, mais il se déploie aussi dans les centres ruraux. Désormais, la DA s’occupe plus d’aspects stratégiques et l’ONAS d’aspects opérationnels sur tout le territoire national, avec le même objectif, celui d’améliorer le cadre de vie des populations.
Dans le cadre de la modernisation des villes religieuses, une grosse partie a été accordée à l’Assainissement. Quel calendrier et avec quels moyens comptez-vous réaliser ces programmes?
Nous avons un très ambitieux programme pour les villes religieuses Médina Baye, Touba, Cambérène, Tivaouane, Ndiassane. Je le répète, cela n’a jamais existé depuis l’Indépendance. Touba, Cambérène et Tivaouane rentrent dans le cadre du Projet des 10 Villes. Médina Baye est dans le cadre d’un projet spécial de 1,8 milliard FCFA. De façon globale, pour l’ensemble de ces quatre villes, nous avons un projet qui tourne autour de 25 milliards FCFA. C’est de notre responsabilité d’arriver, dans ces villes où les populations se rendent massivement, à les mettre dans de très bonnes conditions. En dehors de cela, lors des cérémonies religieuses comme le Magal de Touba, le Gamou à Tivaouane, à Ndiassane et l’Appel de Cambérène, nous sommes présents avec des moyens logistiques importants.
Votre feuille de route comporte, selon vous, quatre axes majeurs. Pouvez-vous revenir, pour REUSSIR, sur les contenus de ces piliers de votre gestion à la direction de l’ONAS?
Le premier axe, c’est avoir une organisation performante. Quels que soient les moyens dont vous disposez, si vous n’avez pas une organisation performante et des ressources humaines de qualité, vous n’arriverez à rien.
Le deuxième, c’est la maîtrise de notre patrimoine. Nous avons un patrimoine énorme que nous ne maîtrisons pas forcément. Nous travaillons là-dessus.
Le troisième, c’est avoir une Direction de la planification et de l’exploitation. Nous devons être capables de travailler sur le long terme, de faire de la projection. Ces outils n’existaient pas dans la façon dont on le veut.
Le quatrième, et c’est le plus important, parce que nous n’avons pas les moyens d’assurer la gestion des ouvrages sur le plan financier, mais surtout sur le plan humain. Nous avons une technicité très importante. Ce que nous allons faire, c’est impliquer le Secteur privé dans la gestion de nos ouvrages. Nous avons des ressources financières, ce qu’on appelle la redevance de l’Assainissement qui croît, de manière linéaire, entre 1 et 2%, alors que les travaux croissent, de façon exponentielle. C’est pourquoi, il y a toujours un gap de financement à trouver, en plus de devoir impliquer le Secteur privé dans la gestion. Ce n’est pas notre métier. L’ONAS est une société de patrimoine. Je crois que c’est cela la grosse structure qu’il faut enclencher le plus rapidement possible.
Dans la LPS 2005-2015, l’objectif de l’Assainissement urbain était d’atteindre 1,73 million de personnes, soit un taux de 78%. Pourquoi il n’a pas été atteint ? Quelles en étaient les contraintes ?
Les raisons, comme je l’ai dit, c’est qu’on est parti d’une base très faible. C’est pour cela que nous n’avons pas atteint les OMD, mais nous sommes en train d’y travailler. L’Etat du Sénégal a fait d’énormes investissements, mais on n’a pas atteint les résultats escomptés, parce que le gap était énorme, alors que la base était faible. Mais aussi, il y a d’autres aspects stratégiques. Par exemple, il y a l’assainissement collectif, plus précisément le tout-à-l’égout que tout le monde veut avoir, et il y a l’assainissement autonome. Je crois qu’on a fait certaines erreurs stratégiques en pensant qu’on doit faire de l’assainissement collectif partout. Ce ne doit pas être le cas. Ce doit être fait selon les zones. Si on avait mis la moitié de l’argent qu’on a dépensé dans les centres urbains dans l’assainissement autonome, on aurait dépassé largement cette situation. Ce sont ces choix stratégiques qu’il faut faire. Maintenant, l’ONAS et le Ministère de tutelle, avec l’appui de la Fondation Bill et Melinda Gates, ont décidé de travailler, de façon plus structurée, quant à la zone où mettre de l’assainissement autonome et celle pour l’assainissement collectif. Je pense que nous sommes sur la bonne voie et que nous allons atteindre les Objectifs du Développement Durable (ODD).
Cela fait dix ans que la Loi sur le Service public de l’Eau potable et de l’Assainissement a été votée, en 2008. Selon vous, qu’attend l’Etat pour la promulguer?
C’est une colle (rires !) que de me demander ce que l’Etat attend pour promulguer la loi. Je pense que c’est toujours dans le circuit administratif et que la loi reste ce qu’elle est. C’est de l’administratif. Mais le plus important, c’est que, dans l’Assainissement, tout comme dans l’Eau Potable, nous avons des avancées significatives. C’est vrai que cette loi votée aurait facilité beaucoup de choses, mais elle ne nous empêche pas de travailler. Ce n’est pas un point de blocage, mais promulguée, elle aurait pu nous aider sérieusement.
Où en êtes-vous sur le contrat de performance signé entre l’Etat et l’ONAS ? Quels sont les termes de ce contrat de performance ?
Le contrat de performance signé entre l’Etat et l’ONAS est à sa dernière phase en 2018. Nous avons fait les évaluations et les résultats ont été globalement positifs. Nous sommes en train de travailler sur le contrat de performance 2019-2022. Je crois que, dans ce domaine, l’ONAS est un pionnier. C’est l’une des premières structures à avoir signé un contrat de performance avec l’Etat. C’est le premier contrat, avec des choses à améliorer, naturellement. Je pense que ce serait une bonne chose que toutes les administrations publiques puissent avoir des contrats de performance avec l’Etat. Nous sommes des pays pauvres. Des investissements énormes sont mis à notre disposition. Je pense que nous devons être redevables, non pas seulement en présentant des comptes de gestion, mais aussi présenter des performances opérationnelles par rapport à l’argent du contribuable qui est utilisé.
Dans le cadre de ses innovations, l’ONAS a initié une ouverture vers le Secteur privé pour ce qui est de la gestion des stations de traitement des boues de vidange. Quels sont les résultats enregistrés jusque-là?
D’excellents résultats ! Je fais partie des gens qui pensent que pour faire de bons résultats, cela ne dépend pas du fait qu’on soit du Secteur public ou du privé. C’est l’efficacité opérationnelle qui compte. On ne peut s’accrocher à des choses qu’on ne sait pas gérer. Ce que nous faisons, l’Exploitation, le Secteur privé le fait mieux que nous. Il n’y a aucune raison pour qu’on s’y accroche. Par exemple, pour l’Eau potable, on a vu les avancées significatives qui ont été faites par la SDE. J’ai fait 18 ans dans le Secteur privé et je travaille dans l’Administration publique depuis 5 ans. Les paradigmes sont complétement différents. Notre rôle, en tant qu’Etat, c’est d’être un Régulateur. C’est cela notre responsabilité. Mais je pense que pour l’Exploitation, elle doit être le ressort du Secteur privé. On n’a pas d’autre choix. On ne peut pas continuer à fonctionner comme cela. Une chose est de faire des investissements très importants, 200 milliards FCFA, par exemple. Donc, il faut forcément aller dans le Secteur privé pour l’Exploitation. On ne doit pas attendre d’avoir fini, c’est maintenant qu’il faut travailler sur cette question fondamentale de déléguer l’exploitation des ouvrages au Secteur privé. On a loupé un tournant très important, en 1996, quand on procédait à la réforme de l’Hydraulique et de l’Assainissement.L’Etat du Sénégal avait uniquement procédé à la réforme de l’Eau potable. Il fallait les mettre ensemble et on n’aurait pas eu les problèmes que nous connaissons aujourd’hui. Nous sommes encore entrés dans un autre contrat, et malheureusement nous risquons encore de manquer ce cap-là. Tout de même, on va essayer de se rattraper. Cela aurait été dommage que l’ONAS continue d’être une société d’exploitation, parce que ce n’est pas son métier.
Vous envisagez d’expérimenter l’Assainissement industriel pour ce qui est de la dépollution de la Baie de Hann. Quelles sont les solutions préconisées pour réhabiliter le collecteur Hann-Fann qui souffre d’une vétusté accrue de 70 ans d’âge?
Ce collecteur est un véritable problème.Vous avez évoqué ses 70 ans d’âge, la bonne nouvelle, c’est que nous sommes en train d’y travailler avec une entreprise dans le cadre d’un Partenariat public-privé (PPP). Les pouvoirs publics ont saisi la gravité de la chose et son urgence ; nous trouverons une solution dans les plus brefs délais.
Pour la Baie de Hann, c’est un projet qui date de 10 ans. C’était la deuxième ou troisième plus belle baie au monde. On en parle depuis 10 ans et on n’avance pas. Mon défi personnel, moi Directeur Général de l’ONAS, c’est de démarrer ce projet avant de chercher à faire autre chose. Je le répète, c’est un défi personnel. Nous avons des bailleurs qui nous accompagnent, qui comprennent l’urgence de réhabiliter la Baie de Hann. Et cela n’impactera pas seulement la baie, mais aussi les 500 mille Sénégalais qui auront accès à l’assainissement. Ce sera le règlement définitif de la pollution par les industriels-pollueurs, la reprise de valeur du foncier de la baie. Au-delà du volet assainissement, ce projet comporte beaucoup d’autres volets sociaux et économiques. Rien que pour cela, je m’engage à faire en sorte de démarrer les travaux cette année.
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