Ancien ministre des Affaires Etrangères, ancien employé de la Banque Mondiale et aujourd’hui Président de l’Institut Panafricaine de Stratégies (IPS), M. Cheikh Tidjane Gadio est un panafricaniste jusqu’au bout des ongles. C’est celui que le Groupe SUPDECO a choisi dans le cadre «des vendredis du SUPDECO » pour parler de la Diplomatie économique.
Il ne s’agit pas d’un nouveau Master, ni d’une nouvelle filière, c’est la tradition de SUPDECO qui était en train d’être perpétuée ce vendredi à la Chambre de Commerce de Dakar. Dans le cadre des célèbres vendredis du SUPDECO organisés depuis plus d’une vingtaine d’années, celui de ce vendredi restera sans nul doute dans les annales. Non pas seulement parce que le thème de la diplomatie économique est d’actualité, mais surtout parce que son présentateur est un fin connaisseur et militant du panafricaniste, il en parle avec passion. Il s’agit de Cheikh Tidjane Gadio, Ancien Ministre des Affaires Etrangères et Président de l’Institut Panafricain de Stratégies (IPS). Dès les premières heures de l’après-midi, étudiants, professeurs, sympathisants, encadreurs, directeurs ont pris d’assaut la Chambre de Commerce. «Il s’agit pour nous de doter nos étudiants de connaissances leur permettant de décrypter ce qui se passe dans le monde », a déclaré d’emblée le PDG du Groupe SUPDECO, M. Aboubacar Sadikh Sy.
Pour des Ambassades orientées économie
«Nous avons choisi le thème de la diplomatie économique, parce que nous le savons tous, les ambassades avec les charges quotidiennes. Il s’agit de voir comment faire pour qu’elles ne soient plus qu’une simple représentation politique », précise M. Sy. Et à voir l’aisance avec laquelle M. Gadio évoque le sujet, on ne peut que s’incliner. Point besoin de notes, les idées s’énonce clairement, les mots coulent de source. Et pour plonger dans le vif du sujet, il fallait une comparaison pour montrer que la diplomatie économique est aujourd’hui prise très au sérieux par les pays développés, et M. Gadio de convoquer la France. «Dans la nouvelle diplomatie économique, la France demande par exemple à ses représentations de soutenir les entreprises françaises, de créer un groupe de soutien aux entreprises, renforcer la dimension économique dans les visites ministérielles, renforcer la dimension économique dans la formation des diplomates français… », Explique-t-il. Ce qui fait que dans toutes les rencontres, qu’elles soient politiques ou diplomatiques, la dimension économique est au cœur du dispositif. C’est aussi l’exemple de la Chine, selon M. Gadio, dans ce pays, le Président de la République amène partout avec lui les entreprises.
L’Afrique en retard sur tous les fronts
A voir l’élan donné à la diplomatie dans certains pays, le constat est que le retard de l’Afrique est énorme. D’ailleurs le conférencier du jour le reconnait. «L’Afrique a fonctionné sous un mauvais paradigmes depuis 1963 et elle persiste dans l’erreur. Il ne s’agit de dissoudre des frontières, les Etats-Unis gardent leurs frontières et pourtant ils sont très développés. Il ne faut une solidarité africaine. Mais chez nous, les meilleures stratégies ont été déposées à la poubelle. Comment a-t-on pu laisser filer le Plan de Lagos, le NEPAD… ? Notre principal problème c’est qu’on ne se fait pas confiance », estime-t-il.
A l’heure où les pays parlent de marché commun dans l’espace CEDEAO avec 25 pays dont le PIB fait 1500 milliards FCFA soit l’équivalent de la seule Corée du Sud. «Il y a aussi un manque de confiance en soi. Prenez l’exemple de la Corée du Sud, quand ils ont voulu rapatrier leur diaspora, ils leur ont dit venez, on ne peut pas vous donner ce que vous gagnez là-bas, mais on vous fera des avantages, ils en ont parlé à ceux qui étaient déjà au pays en leur disant les expatriés ont accepté de revenir, mais ils auront plus d’avantages que vous, si vous êtes d’accord ils reviennent au pays. C’est comme ça que certains ont quitté le Japon, ils ont pris un hangar, aujourd’hui c’est la saga Samsung », narre-t-il.
Et ce qui écœure le plus M. Gadio, c’est le fait que la diaspora africaine ne soit pas impliquée. «La diaspora africaine est de qualité, si vous allez dans les plus grandes instances internationales, vous verrez des africains dans de grands postes de responsabilité. Dans un quartier à Londres il y a plus de médecins de Malawiens que de médecins au Malawi. Les africains de la diaspora veulent revenir, mais est ce que l’Afrique est prête à les accueillir ? », Question à mille points.
Pour une Afrique aux Africains
Il n’y a pas quatre chemins. Si l’Afrique veut émerger, il faudra nourrir, éduquer, soigner et faire des infrastructures, estime M. Gadio. Et à suivre le regard de Gadio, le retard est lamentable. «Le Pont entre le Sénégal et la Mauritanie, son état frise même la catastrophe, ce qu’il y a entre le Sénégal et la Gambie, ça date de plus de 55 ans, et si vous ne traversez pas jusqu’à 20 heures, vous êtes obligés de passer la nuit », c’est dommage, regrette Gadio.
Selon lui, les dirigeants africains doivent apprendre à mener leurs politiques eux-mêmes et ne pas se laisser influencer par la pression étrangère. «Si vous prenez l’exemple de la Côte d’Ivoire, le pays était très bien parti, avec une agriculture performante qui tirait l’économie. La Côte d’Ivoire devait même être la locomotive de l’Afrique, mais les étrangers ont dit au Président Houphouët d’arrêter la subvention aux agriculteurs et dès qu’il les a suivis, l’agriculture a connu des moments difficiles. Alors que dans leur pays, ce sont des milliards qui sont versés aux agriculteurs jusqu’à présent. Il nous faut aller vers des fédérations, petit à petit l’intégration se fera, le potentiel est là. Par exemple, si vous cumulez les ressources du Gabon, du Congo Brazza et de Congo Kinshasa, ça fait 33 000 milliards de dollars, soit plus que les ressources cumulées de la Chine, des Etats-Unis et de l’Inde qui font 32 000 milliards de dollars. Il faut qu’on sache qu’on n’a pas d’avenir en dehors de l’unité », peste Gadio.
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