Les ‘’taxis clandos’’ assurent le transport urbain, sans avoir la licence qui autorise cette activité. Présents dans presque tous les quartiers de Dakar, les ‘’taxis clandos’’ sont la principale source de revenus de plusieurs sénégalais qui en ont fait un travail à temps plein. Au rond-point Liberté 6, ces moyens de transport ont fini de se fondre dans le décor. Véritable lieu de transit de bon nombre de Dakarois, le quartier abrite plusieurs arrêts de lignes de ‘’taxis clandos’’ à partir desquels on peut rallier presque toutes les autres agglomérations de la capitale.
Mais ces temps-ci, c’est le calme plat dans cette zone qui grouille de monde et d’activité en temps normal. Cela s’explique par les mesures relatives au transport urbain prises par l’État qui limite désormais le nombre de passagers des véhicules de transport publics. Les ‘’taxis clandos’’ n’échappant pas à la règle, sont tenus de ne transporter que deux personnes en sus du chauffeur. Gare aux contrevenants.
Désormais, il leur est imposé de limiter à deux (2), en sus du chauffeur, le nombre de passagers contre quatre (4) auparavant. D’où des pertes sèches de recettes journalières qu’ils essayent de combler tant que mal au prix de mille astuces.
Respect des mesures gouvernementales.
Même s’ils trouvent ces restrictions ‘’très contraignantes’’, les chauffeurs de ‘’taxis clandos’’ du rond-point Liberté 6, essayent tant bien que mal de tirer profit de leurs activités, tout en veillant scrupuleusement au respect des mesures gouvernementales.
Pour autant, certains d’entre eux restent plus forts que d’autres. Baye Fall compte parmi ceux qui approuvent la décision. Grand de taille avec son écharpe autour du cou, le bonnet vissé sur la tête, il dit pourquoi il est en phase avec cette décision, avec sa voix rauque.
‘’ Nous sommes en phase avec le gouvernement qui a pris cette décision censée être dans l’intérêt des Sénégalais. C’est très difficile avec cette mesure mais il faut se rappeler que quand tout allait bien, ils nous laissaient prendre quatre clients. Donc on doit se résigner même si aujourd’hui on est dans cette situation où on ne gagne que 400 FCFA là où on avait d’habitude de gagner 800 FCFA pour chaque rotation. Ce qui pouvait nous rapporter jusqu’à 8 000 à 10 000 par jour. Mais aujourd’hui on est très loin du compte’’ a fait savoir le régulateur des ‘’taxis clandos’’ qui assurent la navette entre Nord foire et liberté 6, deux quartiers de la capitale.
Fataliste à souhait, Baye Fall s’illustre par son éternelle invocation à Dieu qu’il débité à chaque prise de parole. ‘’ On ne peut rien exiger à l’Etat parce que tout ce que nous avons fait jusqu’à maintenant ils nous ont laissé travailler à part quelques tracasseries policières de temps à autre. Maintenant la situation étant ce qu’elle est toute aide sera la bienvenue, mais on ne peut rien exiger’’.
‘’Le Coronavirus est arrivé avec ses réalités et nous ne pouvons qu’essayer de nous adapter quoique c’est très difficile. Et c’est d’autant plus compliqué avec les nouvelles mesures limitant le nombre de clients à deux en plus du chauffeur. Vous voyez vous-même que dans ces conditions il sera très difficile de s’en sortir. Mais malheureusement on n’y peut rien, et pour éviter d’être sous le coup de la sanction on se résigne et sommes tenus de respecter ces mesures’’ philosophe Moussa Fall, un des porte-parole des chauffeurs de ‘’taxis clandos’’.
Le rythme de rotation des ‘taxis clandos’’
En effet, explique-t-il cette décision porte un coup dur à notre business, et on gagnait bien, selon le rythme de rotation des ‘’taxis clandos’’.
‘’Le business marchait très bien parce que je me retrouvais avec des rémunérations de 200 FCFA pour chaque départ d’un véhicule vers Dakar. Et en fin de journée je pouvais me retrouver avec 4000 ou 5000 FCFA. Aujourd’hui, on ne peut plus espérer réaliser ces gains parce que les départs se comptent sur le bout des doigts toute la journée avec seulement 2 clients par voyage’’ se lamente M Fall.
Non loin de lui, Mamadou Faye un autre un chauffeur qui effectue la navette entre Liberté 6 et le centre-ville de Dakar abonde dans le même sens que son collègue insistant sur les difficultés qu’ils rencontrent depuis l’apparition du covid-19 au Sénégal et des mesures de restrictions qui s’en ont suivies. ‘’ On nous demande de limiter le nombre de clients à deux mais le problème aujourd’hui c’est qu’on ne voit même plus de clients parce que les gens ne sortent plus. Ils sont confinés chez eux de peur de se faire contaminer. C’est pourquoi on aimerait bien que l’État nous vienne en aide’’, se plaint Mamadou Faye.
Subir les tracasseries policières
Le garage des ‘’taxis clandos’’ du rond-point Liberté 6 partage le même espace avec un arrêt des bus Dakar Dem Dikk. Un fait que dénonce M Faye. ‘’ Dakar Dem Dikk nous concurrence. Ce qui complique davantage notre situation parce que si vous demandez à un client de payer 750 FCFA pour se rendre à Dakar, il va préférer prendre les bus Dakar Dem Dikk et payer seulement 500 FCFA pour le même trajet alors que les Dakar Dem Dikk ont une plus grande capacité d’accueil et ne vont pas subir les tracasseries policières comme nous le vivons tous les jours ’’ dénonce M Faye.
À quelques encablures de cet arrêt de bus, un groupe de personnes devisent sous un grand arbre, à l’abri des rayons solaires. Occupé à d’ultimes vérifications de routine de son moteur, avant son prochain départ vers le Centre-ville de Dakar, Mbaye Dondé Mbaye, ‘’un natif du Baol’’ comme il se présente, la trentaine révolue, cache mal le désarroi qu’il vit au quotidien. ‘’ Le Sénégal est un pays pauvre et tout le monde ne peut pas être salarié, donc faut qu’il y ait des gens qui exercent d’autres types d’activités et nous n’avons que ce métier pour vivre. Aujourd’hui, beaucoup d’entre nous sont arrêtés par la police pour délits de surcharge. On ne peut plus espérer réaliser une recette de 10 000FCFA par jour. Et si tu finis d’acheter du carburant, il ne te reste pratiquement plus rien. On ne parvient plus à assurer le versement quotidien que nous devons donner à nos employeurs. On continue de travailler juste pour ne pas rester à ne rien faire mais on ne s’en sort vraiment pas’’.
Il ajoute, sur un ton amer : ‘’ On est vraiment pris au piège. On ne peut plus travailler et on ne peut plus rentrer chez nous, au village, parce que les déplacements sont interdits d’une région à une autre’’.
Une décision salutaire
Face à cette situation désastreuse, l’État tente d’accompagner certains secteurs de l’économie. Une décision salutaire selon les chauffeurs de ‘’taxis clandos’’.
‘’Nous avons entendu parler des mesures prises par le président de la République pour aider les secteurs touchés par le coronavirus et nous attendons de voir comment ça va se passer. Pour le moment il y’a le maire qui est venu nous rencontrer. Cependant, on ne peut rien exiger, nous attendons seulement pour voir comment tout cela va se passer’’ résume un brin optimiste, Moussa Fall.
Un point de vue partagé par un de ses collègues, Mamadou Faye qui précise que ‘’l’aide annoncée par l’État pour aider les personnes impactées par le Covid-19 est déjà bien et nous l’attendons avec impatience mais ce qui serait mieux à mon niveau c’est de nous aider à travailler’’.
Pour cela, il n’hésite pas à faire une proposition qui selon lui pourrait améliorer leur situation. ‘’ Par exemple les bus Dakar Dem Dikk viennent ici nous concurrencer et ils manquent de chauffeurs. Donc il serait bien de penser à nous recruter pour Dakar Dem Dikk. Cela allait régler le problème des ‘’taxis clandos’’ mais en même temps mettre plus de bus dans le circuit.’’
Une suggestion qui trouve un écho favorable chez une des rares clientes trouvées sur place. Mme Daba Ndiaye décide d’apporter son soutien à ‘’ces pères de familles’’ comme elle aime les appeler affectueusement. ‘’Je pense également que l’Etat devait réfléchir sur comment les faire recruter à Dakar Dem Dikk parce que ce sont des soutiens de famille et c’est très compliqué pour eux pendant cette période de Covid-19 avec les nombreuses restrictions qui affectent gravement leur travail. Cela permettrait également d’éliminer une bonne fois les cars rapides du circuit du transport urbain’’.
En attendant la suite par rapport à l’évolution de la pandémie, les chauffeurs des ‘’taxis clandos’’ du rond-point liberté 6 prennent leur mal en patience et font preuve de beaucoup de résilience pour ne pas mettre leurs moteurs à l’arrêt.
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