Sous la coordination et/ou la supervision de l’Agence de l’Informatique de l’État (ADIE), désormais Sénégal Numérique S.A (Senum S.A.), les projets informatiques de l’État ont été entrepris, à l’exception de ceux financés par certains partenaires étrangers, qui étaient gérés directement par les structures administratives concernées, sous réserve d’approbation préalable de l’ADIE.
Cependant, malgré ce cadre, les initiatives de l’ADIE ont été confrontées à des défis majeurs, notamment des contraintes budgétaires. Les ressources financières allouées étaient insuffisantes pour répondre aux besoins croissants en infrastructure et en expertise technique, ce qui a limité la portée et l’efficacité des projets entrepris.
En outre, malgré la mise en place d’un câblage informatique dans presque toutes les entités administratives et la création d’un intranet gouvernemental devenu par la suite l’intranet administratif, ces projets ont dû faire face à plusieurs obstacles majeurs. Ces obstacles comprenaient l’absence de schéma directeur de l’informatique, de normes pour les réseaux locaux et le non-respect des politiques de sécurité informatique établies par l’ADIE et non adaptées.
Ainsi, les efforts déployés ont été confrontés à une série de problèmes, notamment l’échec du déploiement du réseau WiMax de l’ADIE dans plus de 500 bâtiments administratifs. Les coupures intempestives de la Fibre Optique de l’Intranet Administratif, les démarches administratives interrompues, les difficultés rencontrées lors des vidéoconférences, les défis liés à l’informatisation de l’État Civil, ainsi que l’utilisation de logiciels libres peu adaptés dans l’administration et le non-respect des normes de haut débit fixées par le Plan national ont freiné les avancées de cette modernisation.
Par ailleurs, le développement des télécommunications a été freiné pendant de nombreuses années par le monopole de l’opérateur historique sur la boucle locale. Ce monopole a entravé le déploiement de l’Intranet Administratif, de la téléphonie fixe et mobile, de l’internet et d’autres services de télécommunication, limitant ainsi la libre concurrence entre les opérateurs et l’accès à leurs services pour de nombreux citoyens et entreprises.
Aussi, le manque de couverture numérique dans certaines zones isolées du pays a créé un déséquilibre numérique entre les citoyens, malgré les bénéfices financiers importants des opérateurs de télécommunications.
La Stratégie Numérique 2025 (SN2025)
Le Sénégal s’est engagé dans une trajectoire de développement numérique ambitieuse, marquée par la mise en œuvre de la Stratégie Sénégal Numérique 2025 (Sn2025). Cependant, cette belle initiative, conçue pour transformer le paysage numérique du Sénégal, suscite à la fois espoir et interrogation quant à ses avantages et ses inconvénients.
En effet, elle vise à moderniser et à étendre l’infrastructure numérique du pays, en améliorant l’accès à l’internet haut débit et en renforçant les réseaux de communication afin d’ouvrir de nouvelles opportunités pour le développement économique et social, en permettant une connectivité plus rapide et fiable à travers tout le territoire.
Elle cherche également à encourager l’innovation et l’entrepreneuriat dans le domaine des TIC et à stimuler la croissance économique en favorisant l’émergence de secteurs tels que la technologie financière (fintech), l’e-commerce et les services numériques pour développer une économie numérique inclusive et durable profitable à tous les citoyens Sénégalais.
Elle s’attaque aussi aux disparités numériques en voulant promouvoir l’accès universel aux services numériques et en renforçant les compétences numériques à tous les niveaux de la société. Ce qui contribue à réduire la fracture numérique et à garantir que tous les citoyens bénéficient des opportunités offertes par le numérique.
Cependant, la mise en œuvre complète de la Sn2025 nécessite d’importants investissements financiers, tant du secteur public que du secteur privé. Les ressources limitées et les contraintes budgétaires constituent un premier obstacle majeur à la réalisation des objectifs ambitieux de cette stratégie.
De surcroît, elle souffre, depuis sa conception, d’un manque cruel d’alignement avec les secteurs prioritaires de l’économie et de mesures tangibles pour concrétiser ses ambitions. Sa vision grandiloquente, « le numérique pour tous et pour tous les usages en 2025 au Sénégal avec un secteur privé dynamique et innovant dans un écosystème performant », n’a été qu’un slogan, dépourvue de stratégie efficace pour y parvenir.
En parallèle, l’autre faiblesse réside dans son incapacité à impliquer réellement le secteur privé dans son développement. Malgré les discours vantant un « écosystème performant », la réalité sur le terrain est bien différente. Les entreprises, tant nationales qu’étrangères, ont été confrontées à un environnement réglementaire hostile, à des lourdeurs bureaucratiques et à une instabilité politique qui ont entravé toute tentative d’innovation et de croissance.
La SN2025 n’a pas atteint ses objectifs comme prévu. Les projets lancés dans le cadre de cette stratégie ont souvent été marqués par des retards, des dépassements de budget, voire leur abandon total. Les promesses d’infrastructures numériques se sont avérées être des illusions.
Une autre faiblesse majeure réside dans le décalage entre la stratégie révisée en 2016 et l’évolution rapide du paysage numérique depuis lors. Cette mise à jour, dirigée par un expert tunisien peu familiarisé avec notre écosystème numérique actuel, semble également compromettre les résultats escomptés.
En outre, la SN2025 est confrontée à d’autres défis tels que l’accès inégal aux technologies numériques et des questions de gouvernance. Les efforts pour promouvoir l’innovation et l’inclusion numériques sont souvent freinés par des problèmes de coordination et de gestion des ressources.
De plus, elle a été blâmée pour plusieurs autres échecs majeurs notamment la fracture numérique persistante entre les zones urbaines et rurales et les problèmes d’infrastructures limitent l’accès aux services en ligne. Ainsi que le manque de compétences numériques et les défis en matière de gouvernance électronique du secteur, le faible soutien à l’innovation limitant la croissance de l’écosystème numérique.
En plus, de l’absence de mécanismes d’évaluation, de contrôle et de mesure de la contribution de la SN2025 au PIB national rend difficile l’évaluation de son impact réel. Les chiffres avancés semblent aléatoires et fluctuent considérablement, allant de 7% à 15%, voire même 70% parfois. Cette incertitude ne facilite pas son apport et son efficacité.
En somme, la SN2025 restera dans les annales comme un exemple éclatant de la déconnexion entre la rhétorique politique et la réalité sur le terrain. Son échec retentissant témoigne de l’importance cruciale de la mise en œuvre rigoureuse et de l’engagement sincère pour transformer les aspirations en résultats concrets. Au lieu d’être un symbole de progrès et d’innovation, la SN2025 risque de demeurer un rappel amer des promesses non tenues et des ambitions politiques vides.
Ces échecs soulignent l’impérative nécessité d’organiser les assises du numérique pour élaborer une nouvelle stratégie nationale dynamique qui soit en phase avec les réalités actuelles et futures du domaine numérique. Cette démarche ne représente pas seulement une réponse nécessaire aux échecs passés, mais aussi une opportunité essentielle de saisir pleinement le potentiel du numérique dans le développement socio-économique du pays.
Le Plan Sénégal Émergent (PSE) et son volet numérique, une promesse non tenue
Il est important de souligner que deux initiatives majeures au Sénégal sont souvent confondues : le Plan Sénégal Numérique (PSN) et SN2025. Bien qu’elles partagent des objectifs similaires visant à moderniser le pays grâce aux technologies de l’information et de la communication (TIC), elles sont distinctes
En effet, le PSN, constitue la feuille de route pour la transition numérique intégré au Plan Sénégal Emergent (PSE). Il a pour ambition de faire du Sénégal un hub technologique en Afrique de l’Ouest en améliorant les infrastructures numériques, en promouvant l’e-gouvernement et en stimulant l’innovation dans le secteur des TIC.
Malheureusement, malgré ses objectifs ambitieux, le PSN n’a pas atteint les résultats escomptés. Divers obstacles, dont des contraintes budgétaires et des défis organisationnels, ont freiné sa mise en œuvre complète. Il n’a pas abouti comme prévu, ce qui a généré des critiques quant à son efficacité.
Contrairement au Plan Sénégal Numérique (PSN), la SN2025 (Sénégal Numérique 2025) est une vision spécifique qui établit des objectifs précis à atteindre d’ici 2025. Ce plan vise à positionner le Sénégal comme un leader numérique en Afrique, en mettant l’accent sur la connectivité, les services en ligne, la gouvernance électronique et le développement des compétences numériques.
Il est donc essentiel de noter que la SN2025 ne remplace pas le PSN. Les deux initiatives coexistent dans le cadre des efforts globaux du Sénégal pour sa transformation numérique, ils diffèrent dans leur portée et leur approche. Cependant, la SN2025 n’a jamais été officiellement une composante du Plan Sénégal Émergent (PSE) et n’est donc pas une continuation du PSN.
D’ailleurs de nombreuses voix se sont élevées pour remettre en question l’intégration supposée de la Stratégie Numérique 2025 (SN2025) dans le PSE, la considérant comme une manœuvre technique plutôt qu’une véritable intégration. Il est temps pour les décideurs de reconnaître ces lacunes et d’adopter des stratégies plus efficaces et axées sur les résultats pour transformer véritablement le paysage numérique du Sénégal et réaliser pleinement le potentiel de développement qu’il offre.
Par conséquent, si le Sénégal souhaite réellement s’engager dans la voie de la transformation numérique, il est impératif de relever ces défis et obstacles sous-jacents. Des réformes structurelles, une gouvernance plus transparente et une approche participative sont indispensables pour surmonter ces lacunes et exploiter pleinement le potentiel du numérique en faveur du développement du pays.
Ainsi, une transformation radicale du secteur numérique est inévitable, exigeant un changement de paradigme principalement impulsé par l’État. Dans cette optique, l’organisation des assises nationales du numérique pour élaborer une longue vision commune et définir les priorités stratégiques en concertation avec toutes les parties prenantes de l’écosystème numérique est impérative. Cette approche participative permettra d’engager l’ensemble de la société dans l’élaboration d’une feuille de route numérique claire et inclusive.
Ensuite, la mise en place d’un cadre de gouvernance propice, transparent et participatif est nécessaire pour assurer une mise en œuvre efficace des politiques numériques et garantir la protection des données. De plus, des mécanismes d’évaluation et de contrôle robustes, incluant des contrats de performance avec des objectifs clairs et mesurables, doivent être intégrés pour suivre et évaluer les progrès accomplis.
En outre, des mécanismes de suivi dynamique devraient être instaurés pour évaluer régulièrement les résultats obtenus et ajuster les actions en fonction des nouvelles données et des besoins émergents. De surcroît, il est primordial d’investir massivement dans les infrastructures numériques, de renforcer les programmes de formation et de sensibilisation pour développer les compétences numériques, et de réformer la gouvernance électronique afin de moderniser l’administration publique et d’accroître la confiance du public dans les services en ligne.
Simultanément, un soutien accru à l’innovation et à l’entrepreneuriat numérique, à travers des incitations fiscales, des subventions et des partenariats public-privé, pourrait dynamiser l’écosystème numérique et stimuler la croissance économique.
En adoptant une approche holistique et concertée, le gouvernement pourrait ainsi transformer le secteur numérique et exploiter pleinement son potentiel pour le développement socio-économique du Sénégal, tout en établissant des liens clairs entre la mise en œuvre de la stratégie numérique et ses impacts sur le PIB national. Cela permettrait de mesurer de manière proactive la contribution du secteur numérique à la croissance économique et d’ajuster les politiques en conséquence pour maximiser cet impact positif.
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