Il ne pouvait pas cacher sa gloire. Il aurait pu crier, tout haut, sa victoire. Mais il ne s’est pas empêché de le dire en répondant aux questions de Réussir Business. Oui, Amadou Diaw avait le baume au cœur. Il a réussi, à la première édition du Forum de Saint Louis, à en faire une réussite. A l’élever aux rangs des «grandes rencontres de la Sorbonne à la fin des années 50, le Festival mondial des arts nègres de 1966, les ateliers de la pensée». L’objectif de rassembler des hommes d’ambitions, de cultures, de croyances, de standings différents, autour d’un même idéal et de valeurs à partager. Réussir Business a essayé de faire le bilan, à chaud, de cette initiative qui a déjà été inscrite sur les livres d’or des grandes rencontres internationales.
Enfin le Forum de Saint Louis inscrit sur la liste des grands événements de la vieille ville, du Sénégal et du continent. Etes-vous d’accord avec moi?
Tout à fait. Et c’était cela l’objectif. Je le situe avec peut être une grande prétention, après les grandes rencontres de la Sorbonne à la fin des années 50, le Festival mondial des arts nègres de 1966, les ateliers de la pensée, entre autres. C’est dans cette dynamique que nous avons voulu créer un forum dont la particularité est de mettre ensemble hommes de culture, hommes politiques, organismes internationaux, hommes d’Etat et businessmen. La particularité c’est que tous ces gens se retrouvent autour de valeurs à partager. C’est une première édition, c’était ambitieux et elle s’est faite.
Toute modestie à part, quel sentiment de réussite avez-vous d’autant plus que le forum semble avoir atteint une envergure internationale à sa première édition?
Comme j’ai eu à le dire, c’était cela l’ambition. Il y avait un rêve derrière tout cela de voir ensemble des hommes d’entreprises, des homes de cultures et des hommes politiques dans une ferveur. Et c’est ce qui s’est passé. Tous ensemble dans la joie, tous ensemble rêvant d’une Afrique, tous ensemble forts et prêts à poursuivre ce chemin-là. C’est donc une grande fierté.
En le faisant à Saint Louis, votre ville natale, n’étiez-vous pas en train de donner une leçon à vos compatriotes afin qu’ils fassent autant dans leurs localités respectives pour le développement du pays?
Je n’ai pas la prétention de donner des leçons parce que j’ai une conviction qui tourne autour de deux axes majeurs. Dans un premier temps, nos administrations ont une mission et nous savons quelle est l’organisation administrative de nos pays et nous pouvons laisser cette administration faire le travail tout seul. Elles ont besoin d’un appui fort du secteur privé, de la société civile. Cela est fondamental. Donc, oui c’est un message clair que j’ai tenu à délivrer. Nous avons des administrations qui font ce qu’elles ont à faire, mais le secteur privé, sa mission est de produire. Je pense qu’il faut changer le sens de nos responsabilités, entrer dans cette voie et faire. C’est dans ce sens que j’ai voulu faire. L’autre axe, c’est que je dis oui car je suis convaincu que chacun doit retourner et poser des actes sur ses terres d’origine. C’est un choix. Nous n’allons pas développer nos pays si nous n’agissons pas ainsi. Je suis convaincu que notre pays, le Sénégal est riche, comme c’est également le cas dans d’autres pays africains, de ses hommes de sorte que si chacun pose un acte sur son terroir, la question du développement serait bien avancée.
Nous avons constaté que vous avez confiance à la jeunesse pour poser cet acte sur votre terroir. A quoi cela renvoie-t-il?
C’est aussi une autre conviction. L’Afrique est un continent jeune et je suis convaincu que ce sont les jeunes et les femmes qui le feront. Ce sont les deux groupes qui vont faire le continent de demain. C’est là que tout va se passer.
Que répondez-vous à ceux qui disent que la communication sur cet événement a connu des manquements parce qu’ils n’ont pas été impliqués afin de contribuer à la réussite et au développement de leur ville?
D’un, c’est un événement auquel on associe qui on veut. Au forum de Davos, c’est quelques centaines de personnes qui sont sélectionnées. Un point. C’est une initiative privée, c’est clair et il faut qu’on soit clair avec les gens au risque de les voir exagérer. Ce n’est pas l’Etat qui organise, c’est dans ce cas que tout le monde doit exiger cela. C’est privé. Un point. De deux c’est que j’ai tenu à ce qu’il soit ouvert en organisant en mai dernier, une assise avec les élus locaux, une assise avec les forces religieuses au mois de juin. C’est ce qu’on appelle les pré forum. En juillet c’était au tour des anciens, des jeunes et de tous les délégués de quartier pour une transmission, au conseil communal de la jeunesse. A la date du 15 aout, c’était exclusivement au tour des jeunes. Au mois de septembre c’était le moment dédié aux femmes. J’ai fait tout cela par moi-même sans rien ne demander à personne. Et comme vous l’avez vu, malgré les invitations de hautes personnalités du monde entier, l’événement s’est passé dans la rue et c’était ouvert. En définitive, je ne réponds pas à ceux qui disent cela.
Et si vous deviez nous faire le bilan de l’événement en termes d’affluence, de moyens logistiques et financiers. Que nous diriez-vous?
En attendant de voir les chiffres dans le détail, nous avions invité 500 personnes et toutes sont venues. Dieu merci. Et je dois préciser que ce sont 500 personnalités de haut niveau. Du point de vue de la qualité, ce ne sont pas des personnalités de tous les jours qu’on peut rencontrer. Je refuse d’aller sur un bilan chiffré car on ne mesure pas le bilan des relations qui ont été liées entre les gens. Je l’ai toujours dit et je le répète, j’ai voulu donner à ce forum un côté plus humain. Ce n’est pas des chiffres encore moins de l’argent. C’est des valeurs, c’est du contact, c’est des réseaux. C’est des gens qui peuvent partager ensemble. C’est cela la particularité, c’est cela le message à délivrer. C’est de l’humanisme. Je ne prendrai jamais une calculette pour additionner, soustraire, multiplier ou diviser des milliards. Non. C’est du sens que les gens ont partagé.
Amadou Diaw est l’ami de tout le monde pour faire la convergence de personnalités politiques, d’artistes, d’hommes de culture, de nationalités différentes, pour communier. C’est quoi votre secret?
Je ne sais pas. Je ne suis pas sûr. J’ai beaucoup d’amis. J’ai été attaqué comme vous avez eu à en être témoin. On le dit, que je fais la convergence. Oui. Je suis un homme de partage. Lorsque je rencontre quelqu’un qui a des valeurs fortes, j’essaie de le faire connaitre en le présentant à d’autres personnes qui ont des valeurs communes. Je suis convaincu qu’il faut connecter les gens. Je joue un rôle de connecteur. Le message j’y crois et la société a besoin de cela. Dans la paix, apprenons à nous connaitre, à nous écouter, à nous regarder ; et je suis convaincu que le monde va changer si on fait cela.
Dans votre rôle de connecteur, irez-vous jusqu’à vous appliquer ce conseil de votre ami Alioune Sall qui demande aux acteurs de votre envergure de s’engager en politique?
Non. Ce qu’on fait c’est déjà une forme de politique. J’ai répondu non à Alioune Sall. Je lui ai dit que je ne m’engage pas en politique. Je me suis suffisamment engagé dans une voie et il n’y aura pas d’engagement différent.
N’est-il pas dommage pour la jeunesse que des gens de votre envergure ne fassent pas de la politique?
Ce sont nos jeunes comme Fary Ndaw, Amidou Hanne, Tabara Ndiaye, entre autres, qui ont écrit l’ouvrage «Politisez vous». Si déjà eux ils comprennent qu’il faut se politiser, cela n’est pas mauvais. Il faut laisser faire les jeunes. Je suis convaincu qu’il y a d’autres formes de politiques. Ce que je fais pour l’éducation est une forme de politique et cela personne ne peut l’arrêter. Je ne m’arrêterai pas. Mon combat pour l’éducation, mon combat pour le savoir, mon combat pour la culture, c’est cela que je sais faire. Il faut qu’on casse le système car faire de la politique ce n’est pas nécessairement être dans un parti. C’est vrai que c’est eux qui décident. Mais, nous aussi avons trouvé des moyens de décider. Aidons-les à mieux décider.
Vous avez failli laisser échapper des larmes lorsque vous parliez d’Abderrahmane Sissako. Qui est-il pour vous?
Je suis un homme d’émotion, je ne le cache. Je l’assume. On est dans une société où les gens n’osent pas pleurer. Moi je pleure sans difficulté. Avec Abderrahmane, comme avec beaucoup de personnes qui étaient là-bas, je suis heureux que vous ayez noté cela car avec chacune de ces personnes j’ai partagé quelque chose de fort. Avec Abderrahmane, notre souci a été de voir, les bras croisés, le cinéma disparaitre. Il a mené un combat pour que le cinéma ne disparaisse pas et son combat là a été le mien. Avec Alioune Sall, c’était le combat pour la prospective, soit un élément de tous les jours. Cela a été mon combat. Avec Felwine Sarr qui me demande de passer du concept de développement à celui d’enveloppement. Ainsi de suite. Avec chacune de ces personnes, j’ai mené des combats et il y a toujours beaucoup d’émotion lorsqu’on voit ces combats avancer, aboutir et les gagner.
Prochainement vous comptez publier un ouvrage avec Hervé Serieyx…
Hervé l’a annoncé. Je voulais encore le garder pour l’annoncer mais il l’a fait. C’est un ouvrage très simple intitulé «Dix leçons de management à partir de l’Afrique». Je suis convaincu que notre continent a quelque chose à donner au monde. Dans notre vécu de tous les jours, il y a des choses à partager. Tout n’est qu’expérience que je veux partager, que j’ai envie de partager. C’est sur un tout petit fascicule, mais c’est de l’expérience qu’on va partager
En un mot, qu’est-ce qui vous a le plus marqué lors de cet événement?
Ce qui m’a le plus marqué lors de ce forum, c’est la scène que j’attendais à la fin. Tous unis. Chanteurs, hommes d’affaires, acteurs, chantant l’Afrique tous ensemble. Ça c’était exceptionnel. Un baume au cœur.