Du point de vue des sciences sociales, la condition féminine décrit la position des femmes dans l’organisation sociale. Le « oui, mais ! » semble être l’idée la mieux partagée dans ce quatuor féminin au sujet de l’évolution de la condition de la femme sénégalaise.
A l’image de la présentatrice télé Merry Beye Diouf, qui voit une amélioration. « Je vois qu’il y’a une nette amélioration sur les conditions de la femme dans notre société. Je vois qu’elles réussissent à s’intégrer dans les mondes qui sont vraiment propres aux hommes. En cela je suis très contente ». Mais néanmoins, elle consent à dire qu’il reste à faire. « Oui il y’a certes des avancées mais il y’a encore beaucoup de choses à faire et beaucoup de choses que nous aussi devons accepter pour encore avoir un bon accès au niveau de la société. Donc Chaque année, il y a de petits pas qui sont en train d’être faits et je pense qu’il faut passer à la vitesse supérieure. Il faut essayer de s’aligner aux normes internationales si je peux ainsi dire » reconnait l’actrice et businesswoman à M&A venture. Dans la même veine, Ramatoulaye Diallo, CEO et fondatrice de la plateforme « Les gourmets » abonde dans le sens analogue.
A l’en croire, il y a quand même eu des avancées avec des combats qui ont été menés avec des résultats au bout. « Aujourd’hui, plus qu’avant, on peut mettre une femme à la tête d’un organisme même international. Donc, je ne peux pas dire que l’on a régressé. Non, pour moi nous sommes quand même en train de faire de grands pas en avant » affirme-t-elle. Pareil aussi pour Nogaye Ndiaye, fondatrice de Fantasika académie pour qui la condition de la femme a beaucoup évolué depuis ces dix dernières années. « Je pense que ce sont des conditions qui ont évoluées peut-être pas comme on aurait souhaité mais il y a quand même quelque part quelques évolutions qui ont eu dans les conditions de la femme. Que ce soit pour la femme moderne citadine ou la femme rurale parce que de plus en plus je vois des projets qui tiennent beaucoup compte des conditions de la femme, des projets qui mettent plus en avant la femme qui favorisent plus le leadership féminin, l’entrepreneuriat des femmes et d’autre part aussi je vois que les femmes elles s’organisent entre elles », indique la patronne d’Ongl’mania qui est le premier réseau d’onglerie au Sénégal.
A qui la faute ?
D’un autre côté, l’obstruction masculine à l’accession des femmes au politique, à l’économie et au social demeure encore une réalité, du moins de l’avis de la journaliste culturelle et blogueuse Oumy Regina Sambou.
En effet, sur l’analyse de l’évolution de la femme sénégalaise, cette jeune femme qui vient de lancer son organe de presse pour aider les jeunes qui sont dans la communication, pense que « quand on parle de l’évolution de la femme sénégalaise, j’ai l’impression qu’il y a un net recul ». Elle s’explique : « J’ai grandi en zone urbaine, et j’ai eu beaucoup de figures féminines autour de moi j’ai grandi avec ma mère qui était à un moment donné femme au foyer et avait dû travailler à un certain âge. J’ai vu des personnes telles que Ndioro Ndiaye, Aminata Mbengue Ndiaye, Elizabeth Ndiaye, journaliste. Donc on a grandi en ayant la possibilité de nous dire que rien ne nous était impossible et autour de nous il y’avait beaucoup de femmes qui n’étaient pas instruites ou qui n’ont pas fait de longues études et qui pourtant ont réussi à s’imposer ». Tout le contraire de ce qui se passe actuellement selon Régina Sambou : « Aujourd’hui, il y a beaucoup de femmes qui ont fait des études et qui veulent se remettre les chaines que des femmes avaient combattu et réussi à briser. Par exemple quand on travaillait avec la fondation Ford, avec des parlementaires nigériens, nous avons eu l’occasion de rencontrer des femmes du Cosef. Quand elles parlaient du travail qui a été fait pour aboutir à la parité, et aujourd’hui quand on voit ce que les gens de notre génération on fait de cette loi qu’on était tout le temps en train de décrier, j’ai envie de leur dire mesdames, il faut faire une pause pour regarder parce qu’on avait des acquis indiscutables alors qu’aujourd’hui on est en train de parler de choses qu’on ne maitrise pas et qui semble peut-être secondaires et de l’autre côté où on nous prend énormément de choses. Alors on a fait la loi sur la parité sur le plan politique mais après il y a de moins en moins de femmes dans l’espace public, on ne s’en rend pas compte mais, il y a très peu de femmes dans les grands postes et dans les instances de décision ». Autant dire, un constat glaçant que ne semble pas partager ses congénères.
Quoique Ramatoulaye Diallo, reconnait qu’ « il nous faut aujourd’hui se fixer des objectifs et se dire que nous allons là et laisser certaines choses. D’accord nous avons fait de grands pas mais on n’est pas encore sorti des sentiers où les femmes font encore une fête pour le 08 mars, et où les femmes font encore des baptêmes ou des mariages à coup de millions qu’elles ont eus du mal à gagner. Cela au moment où les hommes qui ont la même somme pensent immobilier ou autre investissement. Il y a un problème ».
La force de l’entraide
Est-ce à dire que cette assertion vient conforter le préjugé de la faiblesse supposée des femmes ? D’ailleurs, à ce stade, l’entraide constitue une solution selon Nogaye Ndiaye, pour qui les femmes s’organisent de plus en plus en créant des plateformes pour s’aider mutuellement. « Pour mon cas, je fais partie de beaucoup d’associations, comme «Jeader» une association qui réunit autant des hommes que les femmes mais avec des événements spéciaux destinés à la femme. Ou encore « Ma féminité » qui est une association qui prend en compte les conditions de la femme dans son intégralité depuis sa personne et sa féminité tout simplement. Et travers ça d’ailleurs il y a beaucoup d’activités qui sont organisées. Je peux aussi citer les «Yayes» qui est une association qui prend en compte et la femme leader et la femme dans son foyer. Ce qui se concrétise avec «Keparal» qui est un lieu tout simplement ou la maman vient avec son enfant s’épanouir pour pouvoir faire ses rendez-vous et autres. Et aussi Ladies Club qui, en plus de toutes les organisations d’événements pour accompagner les femmes, plaide aussi pour la violence faite aux femmes » liste cette entrepreneure. Membre de toutes ces organisations inter-femmes, Nogaye révèle qu’il y a beaucoup de plaidoiries aujourd’hui qui sont faites à travers les associations. Et au niveau étatique aussi des programmes qui sont orientés ou bien qui soutiennent beaucoup les femmes dans le développement avec des organismes comme l’ADEPME qui accompagne les entreprises ou les entrepreneurs dans leur développement. « Donc tous ces facteurs réunis moi je pense qu’on est dans la bonne démarche, qu’on est dans le bon sens pour accompagner les femmes à s’épanouir » consent-elle avant de reconnaitre que « maintenant, il y a beaucoup de choses qui se passent au niveau de Dakar et qu’il faudrait plus amener au niveau des régions et de la banlieue pour que ce soit un mouvement d’ensemble mais on reste optimiste ».
Un obstacle culturel
Au demeurant, chaque pays a ses réalités et au Sénégal, la culture a la peau dure pour ce qui concerne la condition féminine. D’ailleurs, sur cet aspect, Oumy Regina SAMBOU estime « la femme sénégalaise, on lui donne mais on ne lui explique pas. Et elle n’a pas cette capacité de contrôle ». En guise d’illustration, elle souligne : « si on prend par exemple la loi sur le foncier, les hommes et les femmes ont le même droit pour l’accès mais allez dans un village et on vous dira que la femme qui possède un terrain c’est une femme qui va perdre très tôt son époux. Elle va se battre pour avoir un terrain au même titre que les hommes et deux mois après le hasard faisant les choses elle perd son époux et là elle sera stigmatisée ». elle ajoute que c’est la même chose pour une femme qui se bat pour avoir la liberté, et une certaine autonomie. « Par exemple, on voit beaucoup de violences conjugales et de femmes qui sont victimes de brimades une fois qu’elles veulent se libérer quel est le sort qui leur est réservé. On va se dire qu’elles ne veulent pas rester dans leur ménage. Ce sont des choses qui existent et qui ont la peau dure ». A ce sujet, il suffit juste de regarder les commentaires dans les réseaux sociaux souligne-t-elle. « Quand il se passe un événement vous voyez que de plus en plus ce discours prend de l’ampleur. Pour moi c’est l’une des choses les plus effrayants parce qu’il y’a des choses que personne n’osait dire. Maintenant quand il s’agit des femmes, les gens n’ont plus de limites ; les femmes : elles devraient se taire, elles devraient être à la maison en train de cuisiner, elles n’ont pas leur place dans le milieu professionnel. Par exemple dans le métier du journalisme, les femmes sont égales à zéro parce qu’elles ne viennent jamais à l’heure, son mari par ci sa belle-famille par-là ses enfants de l’autre côté. En fait rien n’est là pour lui faciliter les choses et c’est de pire en pire ». Triste constat !
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