Après votre nomination comme DG de la BRVM, quelle a été votre feuille de route pour remettre la Bourse régionale sur les rails de la croissance ? J’ai pris fonction en qualité de Directeur Général de la Bourse Régionale des Valeurs Mobilières (BRVM) et du Dépositaire Central/Banque de Règlement (DC/BR), le 1er octobre 2012. Les défis étaient nombreux. Il fallait d’abord revoir l’organisation administrative et financière des deux structures centrales du marché financier de l’UEMOA, définir de nouvelles orientations stratégiques pour la relance et le développement des activités et lancer une campagne de communication pour repositionner la BRVM dans la sphère des institutions dédiées au financement des économies de notre Union.
Qu’est-ce qui est en train d’être fait pour que la BRVM s’impose davantage comme un système de financement de l’économie accepté et utilisé par les Etats et les Entreprises ?
La Bourse est l’instrument privilégié pour le financement à long terme dans une économie. La BRVM a été créée pour cela. Depuis sa création, environ 4 000 milliards FCFA ont été levés par les Etats, les Institutions Régionales et Internationales, les sociétés publiques et privées pour financer les infrastructures portuaires, de télécommunication, d’énergie ainsi que la croissance de plusieurs entreprises opérant dans divers secteurs d’activités de notre Union.
Toutefois, la contribution du marché à ces financements reste encore faible (moins de 15% des crédits totaux à moyen et long termes accordés par les banques) comparés à d’autres régions du monde.
Il faut donc améliorer cette contribution. Pour ce faire et suivant les nouvelles orientations stratégiques retenues par la BRVM, il faut faciliter l’accès au marché aux entreprises, y compris les PME/PMI pour lever des ressources. Il faut que le marché offre également des produits de placement attractifs pour les investisseurs pour mobiliser davantage l’épargne régionale et internationale.
Par ailleurs, la BRVM cherche à améliorer sa liquidité pour faciliter les transactions, fractionner certains titres pour les rendre plus accessibles aux petits épargnants, améliorer son système de cotation pour rendre la Bourse plus attractive. C’est dans ce cadre que nous avons lancé la cotation en continu, le 16 septembre 2013.
Enfin, la BRVM contribue à l’approfondissement de la culture financière et boursière au sein de notre Union par la création de Clubs d’investissement. Nous avons également ouvert un portail des investisseurs sur notre site internet et créé nos pages de réseaux sociaux qui sont, de nos jours, des canaux incontournables de la diffusion d’informations. Nous avons, en outre, lancé, cette année, une série de formations ouvertes au public dans nos différentes Antennes Nationales de Bourse.
Qu’est-ce le démarrage du système de cotation en continu a apporté de plus au fonctionnement de la Bourse ? Quels en sont les premiers résultats ?
En optant pour la cotation en continu en remplacement du fixing, la BRVM visait deux objectifs : faciliter les transactions boursières et se conformer aux standards internationaux pour rendre la BRVM plus attractive aux investisseurs. En effet, ce système favorise un plus grand nombre d’échanges et offre de nombreuses opportunités d’achat et vente durant la même journée de cotation.
Le passage à la cotation en continu marque également un tournant important dans le positionnement de la BRVM au niveau régional et continental.
Il est trop tôt pour faire un bilan mais je peux d’ores et déjà dire que le système fonctionne parfaitement et que nous enregistrons plusieurs transactions dans la même journée, ce qui favorise une meilleure formation des prix des titres.
Plus généralement, quelle est l’importance des systèmes d’information pour une Bourse communautaire comme la BRVM ?
Depuis la fin des années 90, les Bourses sont devenues électroniques un peu partout. La cotation et le dénouement des transactions utilisent les Technologies de l’Information et de la Communication. Comme ces TIC ont accru la vitesse de diffusion de l’information, elles ont contribué à renforcer la réactivité sur les marchés.
Dans le cas de la BRVM qui couvre 8 pays, il était inconcevable de faire la cotation et de diffuser l’information boursière équitablement sans utiliser les TIC.
C’est un beau défi technologique que la BRVM a relevé en devenant la première et l’unique bourse totalement électronique et parfaitement intégrée au niveau mondial.
Pourquoi, il y a plus d’émissions obligataires et moins d’introductions en Bourse ? Pourquoi, malgré tous les avantages de la Bourse, la plupart des grandes entreprises préfèrent emprunter à la Banque plutôt que venir sur le Marché ?
C’est avant tout une question de type d’économie et de culture de financement. La BRVM évolue dans une économie d’endettement où le financement bancaire est dominant. C’est le cas de la plupart des pays africains et même européens, comparés aux Etats-Unis. Les entrepreneurs préfèrent s’endetter plutôt que d’ouvrir leur capital, par peur d’en perdre le contrôle.
Et pourtant, la Bourse offre plusieurs avantages aux entreprises : financement moins cher et plus rapide, notoriété, visibilité, valorisation quotidienne, etc.
Les choses commencent par évoluer. Plusieurs entreprises commencent par avoir le réflexe «Marché». Elles comprennent qu’à partir d’une certaine taille et pour soutenir la compétition régionale et internationale, elles doivent saisir l’opportunité qu’offre la Bourse.
Quel est votre chronogramme pour lancer le compartiment des PME/PMI et les attirer à la cote ?
L’ouverture d’un Compartiment dédié à cette catégorie de sociétés ainsi qu’aux entreprises en forte croissance est l’une de nos priorités pour 2014.
En effet, la problématique de leur financement interpelle tous les acteurs du système financier régional. Il est connu que les PME de la sous-région n’ont pas un accès aisé au financement, de façon générale. C’est un sujet assez complexe. Il fallait tirer enseignement des expériences des autres régions du monde en la matière, en particulier des pays africains qui ont lancé ce type de compartiment avant nous. Nous voulons un compartiment viable à long terme. Nous ne voulons pas uniquement offrir aux PME des avantages de court terme (fiscalité clémente, subventions, tarifs réduits, etc.) comme dans certains pays et qu’elles cherchent à quitter la BRVM, une fois ces avantages terminés.
Nous voulons attirer des entreprises qui ont un vrai projet de développement et qui sont là pour créer de la richesse et des emplois dans nos économies. Nous voulons aussi trouver des partenaires, notamment des fonds d’investissement pour les accompagner dans l’amélioration de leur gouvernance, la production d’informations financières de qualité, l’application de politiques commerciales et marketing gagnantes, etc.
Enfin, BRVM S.A. est-ce une entreprise rentable après 15 ans d’existence ?
La BRVM, comme la plupart des grandes bourses africaines, est rentable pour ses actionnaires. Nous avons connu des difficultés au début mais les choses se sont améliorées avec le développement des activités, notamment l’évolution favorable de la capitalisation de certaines entreprises comme SONATEL, ETI et quelques grandes entreprises ivoiriennes, cotées à la BRVM. La bonne tenue des volumes des transactions, au cours des dernières années, a aussi été favorable.
Cependant, au-delà de la rentabilité, notre objectif est que la BRVM joue sa partition dans l’accélération de la croissance au sein de notre Union. Elle a été mise en place pour cela. Il faut que la BRVM accueille à sa cote les grandes entreprises qui ont une forte contribution au PIB de nos pays (opérateurs de télécoms, banques, entreprises minières ou agro-industrielles…). Il faut aussi que les PME diversifient leurs sources de financement en s’adressant au Marché. C’est à ce prix que la BRVM sera représentative des économies de la sous-région et en constituera un véritable baromètre.
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