Réussir business : Comment se porte l’Association des Assureurs du Sénégal (AAS) et pouvez-vous nous faire le bilan de vos récentes activités ?
Dr Matar Faye : Entre 2023 et 2024, quelques faits marquants ont été relevés sur ce marché. Il s’agit notamment du projet de centralisation et de digitalisation des attestations d’assurance digitales
Après une centralisation réussie des attestations d’assurance automobile au sein de l’AAS, toutes les compagnies d’assurance agréées à pratiquer la branche responsabilité civile des véhicules terrestres automoteurs sont dans la phase de production et de commercialisation des attestations digitales sous format QR code. Le suivi de ce projet majeur nous permettra de redresser rapidement la tendance baissière qui était notée sur cette branche malgré l’augmentation du parc automobile.
Dans le cadre de la politique d’assainissement adoptée par les sociétés membres de l’AAS figure en bonne place le traitement et le paiement diligent des sinistres automobiles au profit des assurés et bénéficiaires de contrats d’assurance. Cependant, l’un des facteurs bloquant dans la gestion des sinistres automobiles est la problématique des stocks de recours inter compagnies non soldés.
Pour endiguer le problème des recours inter compagnies qui persiste depuis plusieurs années, une stratégie a été adoptée par le marché sénégalais en vue d’une proposition d’apurement total. Il s’agit ici d’une volonté manifestée par les compagnies membres dans le cadre de l’apurement des recours inter compagnies sur la période 2018 – 2022. Des rencontres sont régulièrement organisées entre les compagnies d’assurance pour échanger des chèques. Ceci montre leur réel engagement dans le processus de liquidation des recours en suspens dans le cadre global de l’assainissement du marché. Cet assainissement aura comme pallier la mise en place de la chambre de compensation et d’une plateforme de gestion des recours inter compagnies.
L’AAS a pris l’engagement de se restructurer en profondeur pour accompagner de manière efficace la transformation du secteur des assurances au Sénégal. C’est dans cette optique que s’inscrit la mise en place d’un plan stratégique avec pour ambition de positionner le secteur comme un véritable levier de l’émergence économique du Sénégal. Ce plan se décline en trois axes :
- Tendre vers une association de référence capable d’impulser les réformes ambitieuses nécessaires au secteur en parfaite synergie avec l’ensemble des parties prenantes et les meilleures pratiques en matière de gestion des assurances.
- Améliorer la satisfaction et la confiance des assurés par la mise en place d’un dispositif incitatif et se positionner durablement comme acteur majeur du développement économique
- S’adapter à un marché innovant et en constante évolution avec des produits conformes aux besoins de la clientèle et couvrant l’ensemble du portefeuille de l’assurance.
Pouvez-vous lister quelques obstacles majeurs qui freinent le développement du secteur de l’assurance au Sénégal ?
Dr Matar Faye : De nos jours, l’assurance occupe une place très importante dans l’économie moderne. Son mécanisme contribue à accroître le niveau de protection de l’ensemble des biens et des individus. Malheureusement au Sénégal, l’assurance n’est pas bien comprise du grand public. Elle est souvent considérée comme une dépense inutile par les acheteurs potentiels. Dans certains cas elle est même assimilée à une taxe. Beaucoup de sénégalais n’ont pas encore intégré « la culture de l’assurance » dans leur mode de vie pour plusieurs raisons.
Parmi celles-ci, l’on peut citer une image assez négative à l’égard des assureurs jugés trop lents à régler les sinistres, prévaut dans l’opinion, entraînant un manque de confiance et une réelle désaffection, une offre des produits d’assurance souvent inadéquate par rapport aux réalités des populations locales et l’évaluation des risques insuffisamment précise.
L’on relève également une insuffisance du pouvoir d’achat des populations locales, l’augmentation des taxes sur les conventions d’assurance (notamment la branche automobile), les pratiques courantes de la fraude à l’assurance : la fraude en assurance automobile et en maladie.
Une meilleure gestion de la micro-assurance constitue une réponse aux besoins du secteur informel. Elle constitue un important levier ayant fait ses preuves dans des pays comme le Kenya, l’Afrique du Sud… Pour capter l’importante masse du secteur informel, il faut adapter les produits aux besoins et aux moyens. Cette stratégie devrait s’accompagner de mesures incitatives sur le plan fiscal et d’une bonne campagne d’information et de sensibilisation sur le rôle de l’assurance dans notre société. La mise en œuvre de stratégies de communication et de sensibilisation en direction des populations permettra d’asseoir une bonne culture de l’assurance.
Pour insuffler un vent de renouveau au marché des assurances et exploiter les opportunités qui s’offrent à elle, l’Association a mis en place un plan stratégique décliné sur trois ans, 2023/2025, pour relever les défis de transformation du secteur. Ce plan stratégique a pour ambition de positionner le secteur des assurances comme un véritable levier de l’émergence économique du Sénégal.
Le marché des assurances au Sénégal franchit un nouveau cap avec l’essor des technologies. Comment appréciez-vous cette évolution ?
Dr Matar Faye : L’AAS a inscrit dans ses grands chantiers la centralisation et la digitalisation des attestations d’assurances. La volonté des sociétés membres de l’AAS de migrer vers le numérique leur permet de lutter contre la fraude, la sous tarification, la rétention des primes d’assurance Responsabilité Civile automobile et le défaut d’assurance Responsabilité Civile Automobile.
Cette volonté s’est traduite par la signature d’une convention de centralisation et d’informatisation des attestations d’assurance automobile, par tous les Directeurs généraux des compagnies dommages.
L’avenir du secteur des assurances au Sénégal se jouerait ainsi à travers le secteur du digital et plus particulièrement via celui du mobile : Il est désormais essentiel de miser sur les innovations digitales : « les smartphones deviennent incontournables pour agrandir la base clients d’un assureur, mais surtout pour enrichir son offre de service. Le Digital peut être la solution pour relever les défis liés notamment a l’amélioration de l’image des assureurs grâce à une communication multicanale avec les clients et une transparence accrue, la lutte contre la fraude ciblée (fraude à l’accès, surfacturation, assurances multiples et cumulatives…). La digitalisation pourrait aussi favoriser l’amélioration du taux de pénétration et l’augmentation des primes avec l’acquisition d’une nouvelle clientèle ultra connectée.
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