La production de l’oignon local a connu une belle embellie ces dernières années avec des productions importantes. De la zone des Niayes qui est la bande côtière qui s’étend de Dakar à Saint-Louis, à la Vallée au Nord-Ouest, le pays a connu une production record de 468 mille tonnes pour la saison 2019-2020, soit une hausse de 8% par rapport à la précédente campagne. Une augmentation régulière due notamment aux nombreux efforts consentis par le gouvernement de concert avec tous les acteurs depuis le lancement en 2016, à Potou, du Programme d’autosuffisance en oignon par le président de la République.
Cette initiative visait à encourager la production locale d’oignon afin que le marché sénégalais soit suffisamment approvisionné en qualité et en quantité par les producteurs locaux. Cependant, force est de constater qu’aujourd’hui, cet objectif n’est pas encore atteint et les producteurs rencontrent toujours d’énormes problèmes pour l’écoulement de leurs productions sur le marché local.
A peine démarré, dans un contexte particulièrement compliqué de la pandémie du COVID-19 qui touche le Sénégal comme le reste du monde d’ailleurs, la campagne de commercialisation de l’oignon local 2019-2020 connaît beaucoup de difficultés, comme en témoigne ces milliers de tonnes d’oignon en souffrance dans les zones de production, faute d’infrastructures adéquates pour la conservation et de transport vers l’intérieur du pays. A ces problèmes récurrents, viennent s’ajouter les nombreuses restrictions sur le transport et la gestion de marchés à cause de la propagation du Coronavirus. Ainsi, les producteurs se retrouvent dans une situation délicate pour une bonne campagne de commercialisation.
Ces goulots d’étranglement
C’est pourquoi le prix du Kg de l’oignon au producteur oscille présentement entre 125 et 130 FCFA dans la zone des Niayes à Potou et sur la vallée du fleuve Sénégal (Nord). Dans une sortie récente, Mamadou SALL, membre de l’Interprofessionnel des producteurs d’oignon, tire la sonnette d’alarme sur le risque qui pèse sur cette présente campagne si rien n’est fait. « Aujourd’hui, on a atteint le pic de notre production et on n’est pas encore parvenu à commercialiser la moitié de cette production à cause des mesures restrictives prises par le gouvernement avec la fermeture des marchés et le confinement. C’est pourquoi, nous lançons un appel à Monsieur le Ministre Mansour FAYE, pour nous aider à écouler la production des 4.500 ha emblavés qui nous ont valu ces récoltes satisfaisantes. Nous voulons que le ministre du Développement communautaire, de l’Équité sociale et Territoriale, Mansour FAYE, qui est en charge de l’aide alimentaire d’urgence, dans le cadre du Coronavirus, achète notre production, parce que sans cela, c’est la catastrophe dans le monde paysan », s’alarme Mamadou SALL.
Par ailleurs, cette situation particulière du Coronavirus est certes inédite, mais ce n’est pas la seule cause des difficultés des producteurs locaux d’oignon. En effet, chaque année, ils interpellent l’Etat sur ces goulots d’étranglement qui sont des problèmes ponctuels à régler dans la filière. Entre autres noms, l’on cite la forte concurrence des importations et les intermédiaires.
Les incessantes complaintes
En aval de la chaîne de valeur, les producteurs entretiennent des relations avec les intermédiaires, transporteurs et commerçants d’oignon. Les intermédiaires sont devenus des acteurs à part entière dans la filière Oignon au Sénégal. Seulement, ils se livrent à des fluctuations incontrôlées sur le prix de l’oignon, malgré la volonté manifeste de l’Etat d’organiser le secteur. C’est une activité qui marche bien et qu’ils ne sont pas prêts à laisser passer, malgré les incessantes complaintes des producteurs et au grand dam du consommateur sénégalais. En effet, c’est à cause de cette pratique que le Kg d’oignon atterrit à la table du consommateur qui se retrouve à devoir l’acheter entre 400 et 450 FCFA, surtout qu’il y en a en quantité suffisante et en souffrance dans les zones de production. Et pourtant, les intermédiaires sont comme un mal nécessaire dans la commercialisation de la production locale d’oignon. En effet, autant ils sont décriés comme des spéculateurs qui les empêchent de tirer le maximum de bénéfice de leurs récoltes, autant ils leurs permettent de réduire les risques des aléas du marché.
La concurrence des importations
L’oignon occupe le premier rang des cultures maraîchères au Sénégal. Ce qui en principe constitue une opportunité pour les producteurs de la zone des Niayes et de la vallée du fleuve Sénégal de pouvoir bien en tirer profit. Pour autant, les producteurs se retrouvent avec des productions qu’ils ne parviennent pas à vendre.
Ce qui est dû à la forte concurrence des importations d’oignon. En effet, cette année encore à peine démarrée, des milliers de tonnes d’oignon sont en souffrance dans la zone de Potou, mais également dans la vallée du fleuve Sénégal, faute de demande du marché à cause du Coronavirus qui a imposé au monde la fermeture des frontières.
Le Sénégal importe donc chaque année entre 60.000 et 80.000 tonnes d’oignon, soit environ 50% de ses besoins intérieurs. Pendant ce temps, le marché local connaît deux périodes annuelles d’abondance en oignon. La première va de Mars à Mai avec la présence sur le marché d’oignon provenant à la fois des Niayes et de la Vallée. La seconde va de Juillet à Septembre et coïncide avec la deuxième période de récolte dans la majeure partie de la zone des Niayes. Durant ces deux périodes, la présence concomitante d’oignon importé et local sur le marché entraîne chaque année une forte baisse des prix.
Organisations faîtières
Pour mettre à terme cette situation qui entraîne de plus en plus les producteurs d’oignon dans la précarité, l’Etat avait décidé d’organiser, depuis 2003, les concertations initiées par l’Agence de régulation des marchés (ARM) et qui réunissent à la même table les professionnels de la filière (organisations faîtières des producteurs, principaux importateurs d’oignon et associations de commerçants, représentants des négociants et intermédiaires), les associations de consommateurs, l’ARM et les services techniques de l’État.
L’objet principal de ces concertations est la fixation de la période de suspension des importations afin de faciliter l’écoulement de l’oignon local. En parallèle, une charte des prix est discutée en vue d’éviter que les consommateurs ne soient lésés. Pour cette année, le Ministère du Commerce, de concert avec le service des Douanes, a décidé du gel des importations à partir du 7 janvier 2020 pour un bon déroulement de la campagne de commercialisation de la production locale.
Sauf que sur ce dernier point, l’effet visé par l’Etat à travers cette mesure continue à poser un sérieux problème. Chaque année, l’Etat du Sénégal, par le biais de son service du Commerce intérieur, décide de geler les importations durant les périodes de récolte de la production locale. Mais le constat est qu’à chaque fois, les prix de la production locale grimpent à des niveaux inexplicables, dépassant même le prix de l’oignon importé. Alors que le but recherché par le gouvernement était que personne ne soit lésé dans cette situation.
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