Lorsqu’on débarque à l’aéroport d’Abidjan après des années d’absence, on est d’abord frappé par le niveau relativement moderne de ses installations, assez proche des standards internationaux. Visite guidée dans un pays qui sort d’une profonde crise et qui a pris le pari de l’émergence économique.
Quand on circule à Abidjan, ce sont des chantiers à n’en pas finir. Des grues, des pelleteuses et autres engins qui creusent des tranchées, après avoir déguerpi les populations riveraines, pour faire place à de nouvelles infrastructures qui sortent de terre ou sont déjà fonctionnelles. Comme le pont Henri Konan Bédié (HKB, pour faire local), la multiplication des centres commerciaux pris d’assaut par une classe moyenne au pouvoir d’achat revalorisé, de nouveaux et beaux quartiers qui s’offrent à la vue du visiteur, admiratif du niveau assez relevé de modernité, de fonctionnalité et de confort de vie…
Aux bords de la lagune Ebrié, dans certains cercles en tous cas, «c’est bien, la belle vie». Avec l’argent qui circule à flots et un mode de consommation à tout-va. Déjà que l’Ivoirien moyen est réputé très fêtard, bon viveur et flambeur. Et le weekend, les maquis ne désemplissent point. De visu, on constate que la crise est bien derrière nous. Tant mieux alors pour le pays et ses habitants…
La preuve qu’Abidjan a bien repris sa place sur l’échiquier régional, la BAD est revenu à son siège statutaire avec plus de 1500 salariés et leur famille, soit un surcroit de pouvoir d’achat et de niveau de consommation très élevé. De même, la compagnie Air France y fait atterrir son navire amiral, l’Airbus 380 avec +500 places et à son bord, des centaines d’hommes d’affaires occidentaux, asiatiques et autres qui trustent les palaces comme le mythique Hôtel Ivoire, complètement relooké après des années de décrépitude… Ou bien l’historique Hôtel du Golf, entré dans la postérité quand Ouattara y installa son Quartier Général de combat.
La Côte d’Ivoire revient de loin. De très loin même…Après plus d’une décennie de crise sociopolitique qui a failli déstructurer les fondements de la Nation, jadis l’une des plus accueillantes de la sous-région. Une terre de paix et de prospérité que le Président visionnaire Houphouët Boigny avait pris soin de construire en y associant toutes les ethnies (et même les étrangers) à la gestion du pays. Sous Houphouët, la Côte d’Ivoire était comme un eldorado économique avec un vrai melting-pot socio-culturel. Disons l’Afrique de l’ouest, en miniature…
Mais à sa mort, son successeur, Henri Konan Bédié, succomba à la terrible folie du concept d’«ivoirité» avant qu’il ne soit emporté par le coup d’Etat salvateur du Général Robert Gueï. Ce dernier ne fera pas long feu et sera vite remplacé par Laurent Gbagbo. Ce dernier, parce que sociologiquement minoritaire, régna par la terreur, la division des ethnies et le recul des libertés démocratiques…
L’héritage du Père Houphouët
Pourtant, dès les années 70, le père Houphouët avait commencé à bâtir une économie moderne avec une politique agricole ambitieuse qui avait fini de propulser les productions de cacao, café, hévéa… au rang de spéculations à haute valeur ajoutée sur le marché international des matières premières. Ces performances ont permis le développement d’une agro-industrie diversifiée à travers un début de transformation et des produits de consommation courante comme les pâtes de chocolat, le café soluble, l’huile de palme, le textile… Ainsi, on parla du «miracle ivoirien» avec l’érection des grands immeubles au quartier des affaires du Plateau d’Abidjan, qualifié alors de «Manhattan de l’Afrique». C’était l’Etat-Providence et un Président généreux dans un pays tellement riche qu’il attirait les investisseurs européens, les hommes d’affaires africains et aussi les immigrés des pays voisins…
Aussi, durant tout le temps que dura la crise sociopolitique, l’économie du pays vacilla dangereusement. La locomotive de l’UEMOA a failli perdre son rang. Il n’a dû son salut qu’à la robustesse de sa base de production, avec une florissante agriculture, un riche sous-sol, fournissant les matières premières à l’industrie de transformation ou à l’exportation à partir des ports d’Abidjan ou San Pedro.
Depuis l’avènement du Président Ouattara, le pays est entré en effervescence. C’est le moment de la reconstruction avec un ambitieux «Plan Emergence 2020» qui a déjà produit des résultats remarquables. Soit un taux de croissance parmi les plus élevés d’Afrique, de l’ordre de 9% à 10% entre 2012 et 2015. Ainsi, c’est toute la sous-région en profite. D’ailleurs, la BCEAO a annoncé un taux de 6,8% en 2014, malgré la conjoncture assez difficile et les dégâts du virus Ebola. «Quand la Côte d’Ivoire rayonne, l’Afrique de l’Ouest se porte mieux. Quand elle est en crise, la sous-région s’affaisse», font remarquer les économistes et observateurs avertis. Et tout le monde s’accorde à dire que le pays de Ouattara est bien revenu sur le devant de la scène, avec des ambitions de puissance et de leadership régional bien assumées. Et quand l’Eléphant se réveille…
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