Pléthore de sommets entre les dirigeants africains et le reste du Monde pour promouvoir l’Afrique et soutenir son développement. Et si nous faisions un arrêt pour nous poser la question de l’impact de ces rencontres multilatérales dans les Etats et Economies africains ? Ainsi parle, M. Elhadji Massata Diakhate, Economiste, Contrôleur de gestion aux USA, Illinois.
Plus de quarante chefs d’Etats au sommet USA-Afrique 2014; et pas moins de cinquante trois délégations au sommet France-Afrique 2013. Au total l’Afrique compte au minimum six sommets dont quatre avec la Turquie, la Chine, le Japon, et l’Union Européenne. En somme, ces sommets mobilisent chaque année une cinquantaine de délégations avec l’objectif de renforcer les relations avec les pays africains; promouvoir les économies africaines en matière d’investissement; et renforcer la paix et la démocratie en Afrique.
En effet, ces sommets sont souvent l’occasion d’échanges entre les dirigeants africains et certains investisseurs. Cependant, il serait judicieux de pouvoir être éclairé sur l’impact en matière d’investissement que ces sommets auraient engendré dans les économies africaines. Les principaux investissements notables en Afrique au cours de ces dernières années, que ce soit dans le domaine des hydrocarbures ou des télécoms, ont été le fruit d’opportunités réciproques entre les Etats africains et les operateurs étrangers mais aucunement issus des sommets multilatéraux. Dans chaque secteur économique les investisseurs du domaine savent en général où aller chercher l’information quand il s’agit de secteur relativement accessible. Maintenant s’il s’agit de promouvoir des secteurs plutôt naissant ou bien une économie plutôt fébrile, il faudrait pouvoir se tenir un langage de vérité qui est qu’un investisseur a besoin d’assurance et de confiance. Par ailleurs, ce n’est pas non plus un président avec quelques dirigeants du privé qui vont convaincre un maximum d’investisseurs sur le potentiel productif d’un pays. En revanche, ce qu’il faudrait c’est pouvoir inviter les investisseurs afin de venir regarder ce qui se fait en Afrique. Ceci revient à avoir quelque chose de solide à montrer, effectivement s’il n’y a rien a montrer et surtout « à vendre », l’investisseur aussi riche soit-il il ne reviendra pas. Tout ceci nous amène à une conclusion qui est qu’on se doit de faire un premier travail de dynamisation de nos économies afin de pouvoir se donner nos propres moyens; et ultérieurement pouvoir doper la promotion économique. Par exemple, d’après la Banque Mondiale l’Afrique compte plus de 650 usagers du téléphone mobile, soit plus d’usagers que les Etats-Unis ou l’Europe, mais combien de pays au Sud du Sahara, hormis l’Afrique du Sud, seraient capables d’accueillir une unité de production de téléphones portables? A t’on la main d’œuvre qualifiée nécessaire et assez d’écoles de formation professionnelle adéquates pour répondre a ce type de besoins? Avons nous une législation qui puisse faciliter pareils investissements? Sommes nous disposer à protéger nos économies s’il devenait nécessaire de promouvoir le label africain? Bref autant de questions qui pourraient faire l’objet de projets économiques d’envergure dont l’impact pourrait sans doute dépasser celui des sommets multilatéraux auxquels nous assistons depuis plus de trente ans.
La première façon de doper nos économies serait d’organiser ces sommets systématiquement en Afrique, convier tous les leaders à se retrouver pendant une semaine et discuter des problématiques africaines en terre africaine. Le fait d’avoir un calendrier tournant et varié entre la France, les Etats-Unis, le Japon, et la Chine est un multiple débauche d’énergie avec un effet incertain, une perte de temps et de moyens financiers dont les pays africains sont profondément en manque. Cinquante délégations représente un minimum de cinq mille personnes à déplacer par avion, des per diem à payer sans compter les frais d’hôtel à prendre en charge. Ces dépenses sont sans doute nécessaires, mais ne seraient elles pas plus appropriées d’être faites dans les pays africains et contribuer aux économies locales? En plus, ces sommets devraient être l’occasion d’organiser des salons et de montrer le vrai savoir faire et les opportunités d’investissement qui peuvent concrètement intéresser des investisseurs.
En matière de médiatisation ces sommets auraient aussi plus d’impact médiatique en terre africaine. Aux Etats-Unis les principales chaines d’information n’ont évoqué le sommet USA-Afrique que lorsqu’elles discutaient du virus d’Ebola qui n’a pas fini de défrayer la chronique depuis qu’un médecin américain infecté est rentré du Liberia. Tout ceci pour dire que quasiment personne n’a senti la présence de plus de quarante chefs d’Etat sur le territoire américain. Si pareil sommet n’est pas évoqué dans les media comment optimiser les rencontres et pouvoir générer un maximum d’effet? Par contre, quand un président d’une puissance économique se déplace il peut non seulement amener des investisseurs dans sa délégation mais aussi la presse va toujours reporter le déplacement officiel, puis faire un reportage sur la dynamique économique du pays hôte en matière d’industrie, d’investissement et de tourisme. Par conséquent, ces sommets pourraient au moins engendrer plus de bénéfices pour les Etats africains s’ils étaient organisés en terre africaine avec plus d’efficacité.
En matière de démocratie et de paix ces sommets pourraient finalement avoir un rôle moteur. Le fait d’avoir une opportunité de recevoir des chefs d’Etat et investisseurs dans un pays pourrait être une excellente occasion pour les peuples de renouer avec des régimes démocratiques, mais aussi pour les Etats de montrer le niveau de stabilité et de respect des droits de l’homme dont ils font preuve. Le respect de la démocratie et des fondamentaux universels pourraient à cet égard représenter un critère de référence pour le choix du pays africain hôte.
D’une façon générale, il serait tout de même important de se poser en permanence des questions de fond sur l’efficience dans la gestion des moyens limités dont disposent les Etats africains, et trouver des solutions durables qui garantissent plus de rigueur et d’efficacité dans l’action.
Par Elhadji Massata Diakhate Economiste, Controleur de gestion / USA, Illinois
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