La crise financière a conduit l’économie mondiale à la réduction des volumes échangés sur les marchés financiers et à la stagnation des coûts fixes. Ces deux tendances ont conduit à un changement sans précédent dans la gestion des coûts et des revenus des multinationales, réduisant ainsi de manière significative leurs marges globales.
Pour la viabilité de ces dernières, ces multinationales ont dû s’attaquer à une réduction drastique de leurs coûts, pouvant aller jusqu’à plus de 30%. Ces réorientations stratégiques interviennent à une période de complexité croissante dans l’environnement bancaire, avec des changements réglementaires colossaux tels que T+2[1], Target 2 Securities[2] etc. Les institutions bancaires qui souhaitent survivre à cette conjoncture sont en train de mettre en place des voies et moyens pour réduire leurs coûts opérationnels et cherchent à manager efficacement leur capital pour une meilleure compétitivité.
Pour y arriver, ces institutions financières sont appelées à réduire sensiblement leurs coûts structurels internes liés aux activités de Post-Trade[3] et leur Cost-Per-Trade[4].
Pour réussir ces deux défis, l’outsourcing est la solution la plus optimale pour obtenir des économies d’échelle par une certaine forme de mutualisation. C’est cette offre que nous aimerions que le Sénégal développe pour positionner notre pays dans cette niche qui est à grande valeur ajoutée et pourvoyeuse d’emplois qualifiés.
D’ailleurs, conscient de cette opportunité de business, le groupe international Accenture[5] en collaboration avec Broadridge[6] a proposé la mise en place d’une nouvelle industrie dédiée à l’efficacité et à la qualité de service sur les activités de Post-Trade ; ceci en s’appuyant sur la performance de son offre globale de Business Process Outsourcing (BPO), en combinaison avec l’efficacité avérée des solutions de Broadridge, ainsi que leur expertise mutuelle sur le traitement des activités de Post-Trade.
Cette offre similaire à celle que l’on souhaiterait pouvoir développer est scellée entre ces deux géants dans un partenariat qui propose de transformer la manière dont les banques opérant en Europe, en Asie, et à travers le monde abordent leurs activités Post-Trade notamment sur les produits de Titres[7]. Dans le même sens, notre offre aura donc pour but de proposer une mutualisation des activités et des coûts de plusieurs institutions financières afin de leur proposer de reprendre le traitement de leurs activités Back-Office sur les activités de la finance de marché, et ainsi adopter un modèle opérationnel innovant, simplifié, aboutissant à de l’efficacité et à une haute qualité de service.
Cette nouvelle solution aidera les banques à réduire les coûts sur ces dites activités, réduire leur besoin en investissement de capital pour s’adapter plus vite aux nouvelles lois et règlements bancaires, lancer rapidement et efficacement de nouveaux produits et pénétrer plus facilement de nouveaux marchés.
De nombreuses institutions à travers le monde ont outsourcé une partie de leurs activités pour réduire leurs coûts. L’une des principales zones géographiques est l’Asie, mais ce marché arrivera bientôt à saturation. L’Afrique reste un continent sur lequel les compagnies se tournent également pour outsourcer des activités, mais son marché n’a pas encore atteint le degré de maturité du marché indien par exemple, tant sur le plan infrastructurel que sur les offres dédiées.
Le Sénégal pourrait jouer un rôle significatif dans le développement de la délocalisation des activités informatiques en Afrique au même titre que le Maroc ou l’Île Maurice, et plus spécifiquement en BPO sur le secteur bancaire convoité par Accenture et Broadridge. Ce rôle pourrait être primordial dans l’espace francophone[8]. L’accompagnement de l’Etat est attendu dans la mise en place d’infrastructures de soutien à la croissance dans notre pays, comme l’a prôné avec force le Premier Ministre lors de sa déclaration de politique générale. Cette implication dénotera de la volonté politique nécessaire pour un pays comme le nôtre afin de mieux mettre en relief nos nombreux avantages concurrentiels à l’instar du Maroc avec l’exemple de la Casanearshore.
Et pour ce faire deux approches s’offrent au Sénégal pour profiter de cette niche.
1/ L’offre directe d’outsourcing
Il s’agira de mettre en place une offre qui propose directement aux institutions financières d’outsourcer leurs activités au Sénégal. Mais cela nécessitera de pouvoir proposer à ces compagnies une solution innovante en terme de plateforme technologique, d’excellence opérationnelle dans le traitement de ces activités, et d’une attention particulière portée à la qualité de service et au respect des attentes de ses futurs clients.
2/ L’offre indirecte d’outsourcing
Il s’agira de faire une offre de service à Accenture et Broadridge (ou à de grands cabinets similaires intéressés) pour les accompagner dans le développement des solutions qu’ils proposent aux entreprises. L’avantage de cette démarche est de pouvoir s’adosser à deux entreprises qui ont déjà mis en place une plateforme et un système dédiés à l’outsourcing des activités de marché Post-Trade en Europe. Le partenariat consistant à proposer à ces deux majeurs que leurs activités dans ce domaine soient traitées au Sénégal pour une meilleure réduction de leurs coûts à qualité égale. Nos avantages comparatifs dans ce domaine ayant été traités dans la note de Mohamed Ly, président du Think-tank Ipode intitulée «L’Offshoring : une piste sérieuse pour un marché de milliers d’emplois au Sénégal[9]».
Il va de soi qu’il y a auparavant des prérequis à mettre en place avant de pouvoir absorber l’outsourcing : la formation en gestion orientée lois et règlements européens, en finance de marché et en assurance de ce type d’activité et des risques encourus, la mise en place de structures dédiées, la qualité d’un réseau informatique et électrique, la proposition d’avantages conséquents pour ces entreprises qui souhaiteraient investir au Sénégal.
Conclusion
Le développement de l’outsourcing sur les activités de finance de marché est une opportunité majeure que le Sénégal devrait saisir afin d’attirer plus d’investisseurs, créer des emplois, consolider ses relations avec les pays européens notamment, promouvoir le Sénégal, avoir une place de premier rang dans le développement de ces activités niches et aider les entreprises internationales à mieux gérer leurs coûts opérationnels. Les avantages sont conséquents et stratégiques pour tous les partenaires, à condition que le Sénégal mette en avant ses atouts, prépare le terrain afin de pouvoir jouer un rôle important dans cette collaboration internationale sur le très long terme. L’un de nos regrets c’est de ne pas voir cet enjeu être pris en compte dans le Plan d’Actions Prioritaires 2014-2018 du Plan Sénégal Emergent, au risque de rater le train de l’innovation et de la diversification de notre activité économique.
Mme J. Sarr- Spécialiste en post Trade sur les marchés financiers
Notes :
[1] Sur la plupart des marchés financiers, les délais de règlements-livraisons sont de 3 jours (communément appelé T+3). Une nouvelle réglementation appliquée récemment réduit ces délais à 2 jours, d’où le nom de T+2
[2] Target 2 Securities T2S est un projet Eurosystème de création d’une plateforme technique à laquelle les dépositaires centraux de titres (CSDs) vont confier la gestion de leur activité de règlement- livraison de titres en monnaie banque centrale et selon des modalités harmonisées. Pour plus de détails sur Target 2 Securities : https://www.banque-france.fr/stabilite-financiere/infrastructures-des-marches-financiers-et-moyens-de-paiement-scripturaux/target2-securities.html
[3] Traitement des opérations de Back-Office sur les activités de finance de marché
[4] Coût d’une opération
[5] Spécialisée en consulting, solutions en technologies et en outsourcing
[6] Leader en offres de solutions technologiques et de services pour l’industrie de la Finance
[7] Les titres sont des supports qui matérialisent des créances détenus par des agents économiques, qualifiés d’investisseurs sur d’autres agents économiques
[8] Il est prouvé qu’un pays a 65% plus de chance de commercer avec un pays avec qui il partage la même langue que s’il n’en avait pas. Le potentiel de l’espace francophone, c’est donc 16% du PIB mondial et 7% de croissance. C’est le 6e espace géopolitique.
[9] http://thinktank-ipode.org/2013/02/26/loffshoring-une-piste-serieuse-pour-un-marche-demplois-davenir/
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