Le capital investissement est né aux Etats-Unis dans la SiliconValley après la seconde guerre mondiale et s’est implanté en Europe dans les années 1970. Son introduction en Afrique est encore récente (moins de 20 ans) et depuis une décennie, on assiste à un engouement certain sur le continent. C’est le cas aussi au Sénégal où cette forme de financement innovant est en train d’être expérimentée avec plus ou moins de succès. Revue d’étape.
Un fonds de Capital Investissement (ou PrivateEquity) est une société qui lève de l’argent auprès d’investisseurs institutionnels ou privés, et dont l’activité consiste à placer ces ressources financières dans des sociétés privées avec pour objectif de dégager une rentabilité attractive pour ses investisseurs tout en permettant aux sociétés bénéficiaires de l’investissement de mener à bien leurs projets d’expansion et de croissancegrâce à ce financement et au soutien que le fonds apporte. En complément de l’activité des banques (qui octroient des prêts aux entreprises), le fonds de Capital Investissement apporte du cash aux sociétés et, en retour, reçoit des actions. En d’autres termes, le fonds a pour objectif de devenir actionnaire des entreprises qu’il soutient et ceci pendant une durée de temps limitée (en moyenne entre 4 et 6 ans).
Les sociétés de gestion de fonds investissent les capitaux dans des entreprises, conformément à une stratégie définie qui peut être sectorielle, géographique ou mixte… Elle est aussi basée sur un critère de ticket, c’est-à-dire de montants minimum et maximum qui peut être investi dans une entreprise.
Le gestionnaire de fonds investit les capitaux sur la période stipulée, en général entre 4 et 15 ans, puis choisit une stratégie de sortie du capital. Cette sortie peut se faireparla vente de ses parts de capital aux managers de l’entreprise, à un investisseur industriel, à un autre fonds de capital-investissement, ou la cession de l’entreprise, ou son introduction en Bourse.Le capital est ensuite restitué aux investisseurs qui en prélèvent des honoraires de gestion et un pourcentage des bénéfices.
L’Afrique, «la nouvelle frontière du capital-investissement»
Le continent africain attire de plus en plus de fonds de capital investissement et beaucoup de gérants de fonds, très enthousiastes, présentent l’Afrique comme la «nouvelle frontière du capital-investissement».En effet, les taux de croissance élevés des économies africaines, sur la dernière décennie, ont éveillé l’intérêt des investisseurs, partout dans le monde, surtout que dans de nombreux pays africains, les bourses et marchés financiers sont très timides et la plupart des entreprises peinent encore à financer leur développement.
Le capital-investissement est devenu une porte d’accès aux marchés africains pour les investisseurs. De plus en plus de fonds spécialisés sur l’Afrique se créent et même les grands fond mondiaux tentent de créer des départements ou des filiales Afrique ou pays émergents.
Jusqu’au début de la crise financière en Occident, le volume des investissements en Afrique a connu une croissance soutenue, atteignant 2,6 milliards$Us en 2008, avant de retomber à 933 millions $Us, l’année suivante (2009), selon les statistiques de l’EMPEA. Depuis, les investissements ont rebondi plus vite que dans les autres marchés,mais le volume en valeur absolue d’investissements en privateequity sur l’Afrique reste marginal par rapport au montant investi dans le monde. En 2011, au niveau global, plus de 262 milliards $Us ont été placés dans des fonds de capital-investissement, selon Preqin, un cabinet d’études.
85% des investisseurs du privateequity visent la Destination Afrique
Aujourd’hui, plus que jamais auparavant, l’Afriqueest une destination prisée des investisseurs institutionnels du capital-investissement à la recherche de taux de retour sur investissement élevés.
C’est ce qu’il faut retenir de l’étude commanditée par l’Association africaine de privateequity (AfricanPrivateEquity Venture Capital Association/AVCA), en partenariat avec le cabinet de recherche RisCura et l’association sud-africaine des capital risque et de capital-investissement (South African Venture Capital Association/ SAVCA). Intitulée «La recherche de rendements: les opinions des investisseurs sur le privateequity en Afrique», cette étude révèle que 85% des investisseurs institutionnels internationaux veulent intervenir dans les fonds de capital-investissements actifs en Afrique durant les deux prochaines années. Mieux, 76% des investisseurs institutionnels, qui n’avaient jamais investi en Afrique, envisagent de le faire.
Plus des 2/3 des investisseurs interrogés jugent que l’Afrique est plus attractive que les autres marchés émergents. De même, 20% considèrent que le continent bénéficie du même niveau d’attractivité que les autres marchés émergents tandis que 10% seulement le jugent moins attractif.
L’enquête a été réalisée auprès d’un échantillon représentatif de 48 investisseurs institutionnels répartis sur toutes les régions du monde et disposant, dans leurs actifs sous gestion, de portefeuilles cumulés dédiés à l’industrie du capital-investissement s’élèvent à plus de plus de 150 milliards de dollars.
Plus de 70% des investisseurs institutionnels sondés s’attendent à ce que les rendements des investissements dans les fonds de privateequitydédiés à l’Afrique vont dépasser ceux injectés dans les fonds actifs dans les autres marchés émergents au cours des dix prochaines années. L’étude montre que les fonds de fonds sont prêts à consacrer jusqu’à 5% de leurs allocations aux fonds dédiés à l’Afrique.
Même les fonds de pension des pays développés, qui sont traditionnellement plus conservateurs en raison de certaines contraintes réglementaires, se disent prêts à augmenter leurs allocations destinées à l’Afrique à 2% de leurs portefeuilles, contre 1% actuellement.
En 2013, un jackpot de 3,2 milliards $Us investisdans 98 opérations en Afrique
En 2013, les fonds de capital investissement ont misé 3,2 milliards $Us en Afrique dans 98 opérations en Afrique, contre 1,6 milliard $Us en 2012 et 1,1 milliard en 2011, selon un rapport réalisé par le cabinet Ernest and Young (EY).
Intitulé «PrivateEquityAfrica Roundup», ce rapport révèle que l’explosion de ces montants investis s’explique essentiellement par deux grosses opérations. Il s’agit d’un investissement de 1,035 milliard $Us, réalisé par Emerging Capital Partners (ECP) dans IHS Mauritius et d’un investissement de 600 millions $Us, réalisé par Warburg Pincus dans Delonex Energy, une compagnie pétro-gazière active en Afrique de l’Est et en Afrique centrale.
D’autre part, 3,3 milliards $us ont été levés par des fonds de capital-investissements dédiés à l’Afrique qui ont procédé des closing en 2013.
Les fonds levés par Ethos (800 millions $Us) et Vital Capital (350 millions $Us) représentent environ plus du tiers du montant total mobilisé en 2013. Le montant global des fonds réalisés par les fonds actifs en Afrique, l’an passé, sont les plus importants depuis 2007, année historique pour l’industrie africaine du privateequity (4,7 milliards $Us de fonds levés). Selon EY, la croissance du montant des fonds levées en Afrique en 2013 tranche avec une baisse marquée des fonds levés par les firmes de privateequity actives en Amérique Latine, en Chine et Inde.
Le rapport souligne, par ailleurs, que l’industrie du privateequity en Afrique reste dominée par des fonds nationaux et régionaux bien qu’un grand nombre de grands acteurs internationaux du secteur s’intéressent de plus en plus au continent et plus particulièrement aux secteurs des infrastructures, des biens de consommation courante et des ressources minières.
Ainsi, Carlyle Group, qui a annoncé récemment un closing provisoire de son fonds dédié à l’Afrique de 591 millions $Us, a ouvert des bureaux en Afrique du Sud et cherche désormais à s’implanter en Afrique de l’Ouest. Le groupe brésilien BTG Pactual envisage, quant à lui, de lancer un fonds dédié à l’Afrique doté d’un milliard de dollars, alors que KKR vient de constituer à Londres une nouvelle équipe dédiée à l’Afrique.
En termes de sortie, la cession industrielle (trade sale, vente des actifs à un acheteur industriel) est restée l’an passé la voie royale pour les fonds de capital investissement actifs en Afrique. Quelques opérations de sortie ont été réalisées via les bourses de valeurs mobilières africaines à l’instar de la cession par Abraaj Group de sa participation dans UAP Holdings au kényan OTC via la Bourse de Nairobi.
Un business qui éclot au Sénégal
Au Sénégal, les principaux fonds d’investissement sont ceux des institutions financières internationales à l’image de la Banque Africaine de Développement (BAD) qui investit dans des fonds de fonds ; du fonds belge BIO qui a investi dans la Laiterie du Berger, Sedima et SCL (cultures légumières) ; ou encore de FISEA/ Proparco, la filiale du Secteur privé de l’Agence Française de Développement (AFD) avec un ticket d’entrée compris entre un et 10 millions d’euros. Idem pour IFC qui fait la même chose pour la Banque Mondiale ou encore le néerlandais FMO…
Quant aux fonds privés actifs et ayant un bureau à Dakar, on peut citer AFIG Funds de Pape Madiaw Ndiaye ; Aventura InvestmentPartners intervenant dans la production agricole) ; ETIMOS dans les Institutions de Micro Finance (IMF) ; OIKO Crédit, très actif dans les IMF, l’agroalimentaire (Mamelles Jaboot), etc. Last but not least, Investisseurs &Partenaires (I&P), le fonds vedette au niveau des PME, avec 8 sociétés qui ont la cote comme Laiterie du Berger, Duopharm, Colaser dont ils sont déjà sortis…
Enfin, parmi les autres fonds qui ont investi au Sénégal, sans pour autant y avoir des bureaux, on peut citer Abraaj Capital (dans Matforce et Ciments du Sahel) ; AfricInvest dans Alios Finance (services financiers) ; Cauris Management dans SAPIN (sortie), Toubijoux (sortie) et Banque Atlantique ; Un fonds comme ECP a beaucoup investi au Sénégal, notamment dans BOA (sortie), Ecobank (sortie), Necotrans (sortie), Sonatel (sortie), Teranga Gold Operation (mine d’or de Sabodala), FinaGestion et NSIA Assurances.
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