Comment une banque centrale comme la BCEAO assise sur 7000 milliards de FCFA en réserves de change investies peut-elle organiser une table ronde des bailleurs pour seulement 20 milliards afin de financer une stratégie régionale d’inclusion financière?
L’inclusion financière, essentiellement l’accès au crédit pour tous par des innovations adaptées dans une monnaie compétitive, est une alternative pour soutenir l’émergence de nos pays face aux contraintes d’exportations et d’ajustement budgétaire qui freinent la demande. Il aura fallu un séminaire en Septembre 2016 avec le directeur général adjoint du FMI pour entendre ce message cher au CEFDEL érigé en urgence: «l’inclusion financière est un pilier essentiel du développement économique…Il est plus impératif que jamais de s’attaquer à cette question étant donné non seulement les avantages à en retirer par vos pays, mais aussi les problèmes liés à l’évolution de l’économie mondiale…avec le ralentissement de la demande…» nous a dit M.Mistuhiro Furusawa.
La BCEAO est loin du contrôle démocratique des populations mais elle semble avoir peu de marge de manœuvre pour financer ce petit programme. En effet, nous disions dans notre rapport CEFDEL d’Octobre 2016, intitulé «Sénégal-Performances Economiques et Enjeux Politiques et Economiques» que la BCEAO n’a plus de recettes suffisantes sur ces réserves de change du fait des taux d’intérêt faibles dans les pays avancés. Pour combler le manque à gagner, elle a dû financer les états à travers les banques qui investissent dans les titres d’état au détriment du privé pour ensuite les refinancer à la BCEAO ce qui s’est traduit en un partage des intérêts payés par les états entre les banques et la banque centrale. Ce mécanisme a en partie permis à la BCEAO de préserver l’équilibre de son état des résultats mais cela n’a-t-il pas été au détriment d’une plus grande inclusion financière du secteur privé?
La responsabilité aurait exigé que nos états financent la stratégie régionale d’inclusion financière car elle est fondamentale pour la demande intérieure, l’investissement, et donc l’emploi si le FCFA est compétitif. Si les états mesuraient véritablement l’enjeu de l’inclusion financière, ils seraient les premiers à financer ce montant dérisoire de 20 milliards. Ils l’auraient fait sous leur contrôle soit en autorisant la BCEAO à puiser dans son capital ou en lui allouant des ressources budgétaires ou des titres à long terme dont le coût en intérêt serait moins d’un milliard l’an à partager entre 8 états (donc rien du tout). Dans tous les cas, cette dépense s’ajouterait implicitement au déficit budgétaire des états de l’union.
C’est de ce point de vue que la BCEAO est en ajustement structurel en attendant que les taux d’intérêt étrangers augmentent ou qu’elle maitrise ses dépenses pour financer ce projet important qui gagnerait à être défini et mis en œuvre de façon plus inclusive. Les bailleurs ont cependant des urgences plus importantes à financer dans les déficits de nos états: l’éducation, la santé, et les infrastructures de base. A nous de prendre la gestion de notre système monétaire et financier et surtout l’inclusion financière en charge librement et en toute responsabilité pour en finir avec la culture de la main tendue. Nous en avons tous les moyens et la capacité.
Une politique monétaire plus active fait partie des préalables à des conditions de compétition sur le marché financier afin de promouvoir l’inclusion financière. A cela, il faudra ajouter une meilleure compréhension de la bancarisation qui ne se limite pas seulement à l’ouverture de comptes bancaires ou de comptes de monnaie mobile qui ne sont utilisés que pour des transferts ou paiements de factures périodiques. Les contraintes à l’accès au crédit en milieu rural sont un aménagement du territoire et une réforme foncière adaptés pour une révolution agricole. Les contraintes en milieu urbain sont l’absence d’une bancarisation véritable (utilisation effective de moyens scripturaux ou électroniques de paiement ou d’échange par tous avec comme résultat la monnaie officielle en banque à prêter ou investir), et pour l’accès au crédit des PMEs et des particuliers en milieu urbain, une faible valorisation des relations financières d’affaires nonbancaires déjà existantes entre ces acteurs qu’il faut monétiser et spécifiquement bancariser par l’innovation. Ces innovations, la BCEAO devra les découvrir et les encourager.
Dr. Abdourahmane SARR
Président CEFDEL/MRLD
Moom Sa Bopp/Mënël Sa Bopp
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