De janvier 2012, depuis l’attaque de Ménaka par le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA) à décembre 2013, où le président élu Ibrahim Boubacar Kéïta a accéléré le processus de sortie durable de crise en activant la machine judiciaire, le Mali semble avoir pris la véritable voie de la reconstruction. Retour sur une transition riche en péripéties.
Bâtir du nouveau sur de l’ancien, c’est punir tous ceux qui doivent l’être et rendre justice aux victimes d’exactions et autres formes de violations des droits humains. La machine de la lutte contre la corruption est activée par IBK. Mais, jusqu’où ira-t-elle face à un processus de démocratisation où la corruption et l’impunité avaient pris le devant ?
Après l’élection d’IBK en août 2013 avec plus de 77% à l’issue du second tour face à Soumaïla Cissé, les Maliens avaient placé un grand espoir en lui pour la résolution de la crise au Nord du pays, notamment l’épineuse question de Kidal où sont cantonnés les groupes armés. Alors que la majorité des Maliens voudrait que l’armée entre dans Kidal et reprenne le contrôle de cette ville restée sous occupation, la communauté internationale et la France demandaient à IBK de reprendre le dialogue avec les groupes armés. La côte de popularité de l’homme fort de Koulouba avait commencé à chuter puisque sa gestion de la crise était qualifiée de «bonnet blanc, blanc bonnet». «Même ATT (président renversé par le coup d’état militaire) aurait fait mieux que ce que IBK fait en ce moment…». De tels jugements étaient entendus dans tous les «grins» (groupe de causerie) de Bamako.
Alors que le découragement et la déception gagnaient les Maliens, on assiste à l’arrestation des éléments du Comité national de redressement de la Démocratie et la Réforme de l’Etat (CNRDRE), structure créé au lendemain du coup d’Etat. Les éléments de la compagnie para-commando des «bérets rouges», favorable à ATT, sont libérés tandis que plusieurs éléments du CNRDRE sont emprisonnés, y compris le Capitaine Amadou Haya Sanogo, promu Général par le président de la transition Dioncounda Traoré qui l’avait, d’ailleurs, nommé à la tête du Comité militaire pour la réforme des forces de sécurité et de défense.
Au même moment, des prisonniers de guerre du MNLA sont libérés par Bamako pour relancer les pourparlers de Ouagadougou. «Une justice à plusieurs vitesses», concluent plusieurs maliens. «Je suis choqué par ce qui se passe dans ce pays. On libère des gens qui ont violé, tué et pillé. Et on arrête d’autres, le lendemain, au nom de quelle justice ?» s’interroge Mme Fatoumata Maïga, originaire du Nord, vivant à Bamako. La confusion se crée autour de la démarche d’IBK. Les critiques fusent de partout et l’on fustige «le retour aux commandes du clan ATT». Dans le gouvernement, on compte plusieurs ex-collaborateurs du président déchu. La rupture a-t-elle vraiment été consommée ? Une autre dimension de la marche vers la reconstruction et la réconciliation du Mali, pourrait-on dire…
ATT, devant la Haute Cour de Justice
Pour frapper fort, le gouvernement annonça le 27 décembre que «l’Assemblée nationale, siège de la Haute Cour de Justice, vient d’être saisie par la lettre n°285/PG-CS du 18 décembre 2013, d’une dénonciation des faits susceptibles d’être retenus contre Amadou Toumani Touré, ancien Président de la République pour haute trahison».
Haute trahison ! C’est le maitre-mot des chefs d’accusation contre le président ATT qui savoure sa retraite forcée à Dakar depuis qu’il a été chassé du pouvoir par les jeunes militaires en mars 2012. Il est accusé «d’avoir, en sa qualité de Président de la République, donc Chef Suprême des Armées, et en violation de du serment prêté, facilité la pénétration et l’installation des forces étrangères sur le territoire national, notamment en ne leur opposant aucune résistance, faits prévus et réprimés par l’article 33, al 2 du Code pénal» ; – «d’avoir, au Mali, au moment des faits et en tant que Président de la République, détruit ou détérioré volontairement un outil de défense nationale, faits réprimés par…» ; – «d’avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, participé à une entreprise de démoralisation de l’armée, caractérisée par les nominations de complaisance d’officiers et de soldats incompétents et au patriotisme douteux à des postes de responsabilité au détriment des plus méritants entrainant une frustration qui nuit à la défense nationale…» ; – «de s’être opposé à la circulation du matériel de guerre…» ; – «d’avoir participé, en connaissance de cause, à une entreprise de démoralisation de l’armée, malgré la grogne de la troupe et des officiers…» ; – «d’avoir, depuis au moins de 10 ans, par imprudence, négligence ou inobservation des règlements laissé détruire, soustraire ou enlever, en tout ou partie, des objets, matériels, documents ou renseignements qui lui étaient confiés, et dont la connaissance pourrait conduire à la découverte d’un secret de la défense nationale…».
Cette nouvelle donne s’apparente à cet adage bambara, «qui veut imposer sa rigueur aux vivants, commence par les morts». En permettant que Dame Justice secoue l’arbre ATT, IBK relance le débat de la force de la machine judiciaire. Quelques jours avant l’annonce des charges contre ATT, le Président avait annoncé à ses détracteurs qu’il ne négociera jamais l’intégrité du Mali. Ce qui n’est pas nouveau, mais il a également précisé qu’il ne dialoguerait pas avec un rebelle «d’égal à égal» avant de dire que «le Mali n’est pas sous tutelle…».
Ces propos d’IBK, à l’occasion des cérémonies de présentation des vœux à la Présidence, relancent le sujet du cantonnement des troupes du MNLA, malgré la présence de la MINUSMA et de la Force Serval dans Kidal. Les négociations risquent de recevoir un gros coup si le Président du Mali pense qu’on lui impose de dialoguer avec les rebelles Touaregs.
Au même moment, l’armée malienne continue ses patrouilles sur le terrain. Une des figures emblématiques de l’ex-police islamique à Gao a été arrêtée dans la région de Gossi ! Aliou Touré, communément appelé «Commissaire», a été arrêté en possession d’armes de guerre, selon le service de presse de l’Armée. Le Premier ministre Oumar Tatam Ly de rappeler qu’en matière de lutte contre le terrorisme et la criminalité organisée, un pôle judiciaire spécialisé a été créé. Avec l’arrestation de ce dirigeant influent d’Ansardine, cette affirmation du PM semble trouver son fondement.
«Dans le domaine de la Justice, l’action du gouvernement tend à réhabiliter l’institution judiciaire et restaurer l’Etat de droit», a-t-il expliqué et d’ajouter qu’en vue du renforcement de la lutte contre la corruption et la délinquance économique et financière, le gouvernement a adopté le 1er août 2013 un projet de loi portant prévention et répression de l’enrichissement illicite.
Plus de fonds pour la relance économique
Dans le cadre de la coopération bilatérale, le FMI vient d’accorder un nouveau plan d’aide au Mali. Cette aide s’élève à 46 millions de dollars et aidera le pays à rééquilibrer ses finances publiques. Une 1ère tranche d’environ 9,2 millions dollars a été immédiatement accordée au pays sous forme de prêt.
Egalement, les Etats-Unis veulent renforcer leur coopération avec le Mali. En cette fin d’année 2013, le Président Barack Obama a rendu au Mali le statut de «partenaire commercial privilégié». Depuis le coup d’état militaire, les USA avaient suspendu toute coopération avec le Mali. Pour la reprise des affaires, l’annonce a été faite lors la révision annuelle de la liste du programme AGOA. Cela donne un nouveau crédit au Mali sur le plan des affaires. D’ailleurs, depuis la conférence de Bruxelles, le Mali entretient de bonnes relations de coopération avec l’Europe.
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