Nous pensons que c’est une bonne maîtrise du dispositif actuel par les citoyens et par les acteurs du débat public qui pourra favoriser la participation efficace de ceux-ci à l’élaboration de propositions innovantes tendant à améliorer le code en cours et ses procédures pour plus d’efficacité et de transparence dans l’attribution des marchés publics.
Le Code des Marchés publics en vigueur est un décret. C’est le décret N°2007-545 du 25 Avril 2007, qui a été modifié en 2010 puis abrogé et remplacé par le code en vigueur du 27/07/2011. A la suite donc d’un débat serein et riche il ne dépendra que de la seule volonté du Chef de l’Etat de juger des innovations nécessaires à y incorporer pour un nouveau décret qui sera promulgué par ses soins.
I – Le code des marchés publics : Un gage de transparence dans l’attribution des marchés publics
Des innovations majeures du code de 2007, nous saluons l’implication des trois grands acteurs de la commande dans la régulation des marchés publics à savoir : l’État, la Société civile et le Secteur privé. En plus de cette innovation, la séparation du contrôle a priori de la régulation et du contrôle à postériori, nous semble être un vrai gage de transparence. Dans l’ancien Code, l’initiative venait essentiellement de l’Etat.
Les autorités contractantes ou AC qui sont habilitées à lancer les appels d’offres sont: l’État, les Agences, les Sociétés nationales et les Sociétés anonymes à participation publique majoritaire, les Collectivités locales, les Etablissements publics et les services déconcentrés.
Au sein de chaque AC, il y a une Cellule de passation des marchés publics chargée du contrôle qualité, cette cellule est une structure de conseil. Elle s’assure que les dossiers d’appel d’offres sont constitués le mieux possible et que le processus d’attribution des marchés se déroulent conformément à la réglementation. A côté de chaque Cellule de passation, se trouve une Commission des marchés chargée de l’ouverture des plis, de l’évaluation des offres et de l’attribution provisoire des marchés. La Cellule de passation veille au bon fonctionnement de la Commission des marchés dans chaque AC.
Ces principes de fonctionnement, qui régissent le Code des marchés publics, nous semblent être pertinents à sauvegarder et à consolider dans l’élaboration du nouveau Code, souhaité par le Chef de l’Etat. Nous présentons ici une description et une analyse fine du Code existant dans les prochains chapitres pour en faire découler des recommandations innovantes pour contourner au mieux les problèmes et dysfonctionnement soulevés par les différents acteurs de la commande.
- La rédaction du Rapport annuel par les commissions des marchés publics
Chaque commission des marchés établit avant le 31 mars de chaque année à l’intention de l’autorité dont elle relève et de l’organe chargé de la régulation des marchés publics un rapport annuel sur l’ensemble des marchés publics passés l’année précédente. Entre autres informations, ce rapport fournit la liste des entreprises défaillantes et précise la nature des manquements constatés et, un compte rendu détaillé des marchés passés par entente directe. Ce qui nous confirme dans l’idée que ces marchés dérogatoires restent quand même contrôlés et soumis à un reporting exhaustif.
- Le contrôle à priori de la DCMP
La Direction Centrale des Marchés publics (DCMP) assure le contrôle à priori des procédures de passation des marchés. Elle est l’organe chargé du contrôle à priori et séparée de celui qui en assure le contrôle à postériori. A ce titre, la DCMP émet un avis sur les dossiers d’appel à la concurrence avant le lancement de la procédure de passation concernant les marchés à commande quel que soit leur montant. Cette procédure s’applique aussi aux marchés que l’Autorité Contractante (AC) souhaite passer par appel d’offres restreint ou par entente directe et les marchés dont la valeur estimée est supérieure ou égale aux seuils fixés par arrêté du Premier Ministre. Elle émet aussi un avis sur le rapport d’analyse comparative des offres et sur le procès-verbal d’attribution provisoire du marché établis par la Commission des marchés, relatifs aux marchés dont la valeur estimée est supérieure ou égale aux seuils fixés par arrêté du Ministre chargé des Finances. Et enfin, elle effectue un examen juridique et technique avant leur approbation des projets de marchés pour lesquels elle a indiqué souhaiter faire un tel contrôle lors de l’examen du dossier d’appel à la concurrence ou qui répondent aux conditions de nature et de montants fixés par arrêté du Premier Ministre.
- L’ARMP et le contrôle à postériori : Une organisation à préserver et à consolider
La création et l’organisation de l’ARMP représente une des grandes innovations majeures du Code des Marché publics. Au sein de ses instances, nous retrouvons les organes suivants:
– Le Conseil de Régulation (CR)
– La Direction Générale
– Le comité de règlement des différends (CRD)
Le Conseil de Régulation est chargé de mener toute la réflexion qui organise la passation des marchés. On y trouve trois représentants par partie. L’Etat y est représenté par un représentant du Premier ministre, un représentant du Ministre de l’Economie et des Finances et d’un magistrat désigné par le Ministre de le Justice. Tous les acteurs de la commande y sont donc représentés, de façon satisfaisante.
Le Comité de Règlement des Différends est organisé pareillement et intervient donc dans la passation des marchés en cas de litige soulevé. Ce qui rassure sur la transparence et la célérité dans le règlement des différends du fait du processus de délibération de l’instance.
L’ARMP assure, outre son rôle de conseil, un contrôle a posteriori du respect des règles nationales et celles de l’UEMOA relatives à la passation et à l’exécution des marchés publics. A ce titre, l’ARMP commande, à la fin de chaque exercice budgétaire, un audit indépendant sur un échantillon aléatoire de marchés. L’ARMP peut initier et procéder avec ses moyens propres ou faire procéder à tout moment à des contrôles externes ou enquêtes portant sur la transparence et les conditions de régularité des procédures d’élaboration et de passation ainsi que sur les conditions d’exécution des marchés publics. Elle rend compte à l’autorité contractante concernée, au ministre du secteur concerné et au ministre des Finances, de la procédure suivie lors des contrôles et enquêtes, des anomalies relevées et propose le cas échéant des améliorations. L’ARMP rend aussi compte des contrôles effectués, dans un rapport annuel transmis au Président de la République, au Président de l’Assemblée Nationale, au Premier Ministre, au Ministre chargé des Finances et à la Cour des Comptes, qui donne ensuite lieu à publication. C’est cet exercice qui nous a valu son rapport tant commenté dans les semaines passées. Elle tient aussi la liste des personnes physiques et morales exclues des procédures de passation ce qui assure l’exclusion des mauvais contractants des futurs marchés de tout type.
- Les différents modes de passation des marchés
L’appel d’offres ouvert est la procédure de principe dans la passation des marchés. Par ailleurs, si le gouvernement veut aller vite dans l’exécution de ses programmes et projets, il y a des marchés dérogatoires que sont l’appel d’offres restreint en procédure d’urgence et l’entente directe, mais qui sont tout de même encadré dans le Code en vigueur. Ces marchés sont très encadrés (par les articles 73 à 76) et nécessitent l’autorisation de l’organe de contrôle à priori qu’est la DCMP pour la poursuite de la procédure. L’idée de favoriser l’accélération du rythme des travaux ne devrait néanmoins pas l’emporter sur les règles de bonne gouvernance ancrées aujourd’hui dans le code en cours. A défaut de les renforcer, il serait mal venu de fragiliser le dispositif. Concernant la longueur des délais de procédure, qui est le principal grief fait au système actuel des recommandations sont faites à la suite de cette analyse pour proposer leur réduction tout en gardant l’efficacité et la pertinence des contrôles existants.
Pour aller vite, les AC peuvent user donc dans certains cas des marchés de dérogation : les ententes directes et les appels d’offres restreints
- L’entente directe
Les marchés sont dits par « entente directe » lorsque l’Autorité Contractante engage directement les discussions qui lui paraissent utiles avec les candidats et attribue le marché au candidat qu’elle a retenu.
Les marchés d’entente directe sont des marchés encadrés dans le Code et ne sont autorisés que dans les cas suivants :
-Exclusivité
-Marché complémentaire
-Marché secret défense
-Marché urgence impérieuse
On doit noter qu’il y a beaucoup de sérieux dans les autorisations demandées à la DCMP. D’ailleurs, plusieurs demandes d’entente directe y sont rejetées. Le dernier cas connu du public est celui du marché de la Sénélec. Soulignons qu’il ne peut être passé des marchés par entente directe qu’après avis de la DCMP et ces marchés par entente directe donnent lieu à un compte-rendu détaillé.
- Appels d’offres restreints en procédure d’urgence
On peut aussi recourir à l’appel d’offres restreint en procédure d’urgence qui est une solution possible pour aller vite car cette procédure ne prend que 10 jours. Il peut être invoqué en cas d’urgence pour éviter un danger ou un retard préjudiciable.
L’appel d’offres est dit restreint parce que seuls les candidats que l’AC a décidé de consulter y concourent. Là aussi soulignons qu’il ne peut être procédé à un appel d’offres restreint qu’après avis de la DCMP pour la passation des marchés pour lesquels il y a urgence impérieuse, les marchés qui ont donné lieu à un appel d’offres infructueux; les marchés de travaux, fournitures ou services et les marchés que l’autorité contractante doit faire exécuter en lieu et place des titulaires défaillants. Les offres remises par les candidats sont ouvertes par la commission de l’AC et en séance publique et le marché est attribué comme en matière d’appel d’offres ouvert avec toutes les garanties de transparence de ce dernier.
Du moment où les marchés ne répondent pas au cas prévus pour être éligibles à l’entente directe ou à l’appel d’offre restreint, on ne voit pas ce qui justifierait les plaintes de délai, une fois que ceux-ci seront conjurés par les propositions précises et raisonnables des acteurs procédant aux contrôles. Nous déconseillerons fortement d’ouvrir à ces marchés d’autres critères permissifs d’éligibilité tendant à contourner les contrôles nécessaires à la transparence et à une bonne gouvernance.
- Les publications des avis d’attribution provisoires et définitifs
Chaque fois qu’une AC attribue un marché suite à l’étude des offres des candidats, elle est obligée de publier un avis d’attribution provisoire dans un quotidien de large diffusion pour faire connaître le candidat attributaire et faire courir le délai de réclamation ou de contestation.
Tout candidat qui se sent lésé suite à la publication d’un avis d’attribution provisoire peut saisir le CRD de l’ARMP. Le CRD étudie la saisine et suspend éventuellement la procédure d’attribution du marché. L’Autorité Contractante ne peut donc pas signer définitivement le marché, le temps que le CRD statue sur le dossier et vide l’affaire. Dans ce cadre, Le CRD peut dans sa décision demander à l’autorité contractante soit de réévaluer les offres des candidats, soit débouter le requérant permettant ainsi à l’Autorité Contractante de poursuivre la procédure. Nous attirons une attention particulière dans la possibilité d’abus de ce recours qui tend à ralentir le processus d’exécution.
Et une fois le marché attribué, l’Autorité Contractante peut signer le marché de façon définitive pour son exécution. Il y a alors, à la suite, une autre publication dans un quotidien de l’avis d’attribution définitive au bout d’un délai de 15 jours suivant la notification du marché au titulaire.
Ce système vertueux de publication et de droit de saisine est tellement apprécié de toutes les parties que nous constatons, sur le portail des marchés publics, une nette augmentation du nombre de saisine sur les attributions provisoires. Ce qui atteste de la confiance des acteurs de la commande au système de contrôle et d’attribution en cours. Une enquête de la Direction d’Appui au Secteur Privé (DASP) estime à 85% le pourcentage des patrons satisfaits du système en place.
- Le PPM l’outil de contrôle à préserver
Parmi les mécanismes instaurés pour que le processus de passation des marchés soit transparent l’acte plus fort posé est, l’élaboration et la publication d’un Plan de Passation de Marchés (PPM) qui est consultable par tout citoyen sur le portail des marchés publics. Cela veut dire que tous les marchés qu’un ministère ou une AC compte passer pendant l’année y sont inscrits. Et la règle dit que tout marché qui n’y figure pas est nul, à l’exception des marchés classés secret défense, les marchés en cas d’urgence impérieuse résultant de force majeure et les marchés passés dans le cadre des mesures de mobilisation générale et de mise en garde.
Ce PPM est adressé à la DCMP qui le publie sur le portail des marchés publics. Le PPM est révisable en cours d’année un des exemples de révision le plus classique est à la suite de la loi de finance rectificative. L’élaboration du Plan de Passation de Marchés est donc basée sur des crédits déjà alloués.
L’Autorité propose la révision et l’envoi à la DCMP pour publication. Après vérification du respect de la réglementation, celle-ci procède à la mise à jour du PPM. C’est dans cette vérification que la DCMP veille à ce que qu’il n’y ait pas de fractionnement des marchés afin d’éviter l’appel d’offres ouvert et le contrôle à priori. La DCMP vérifie donc que l’Autorité a bien regroupé les services, les fournitures et les travaux de même nature.
Les fractionnements peuvent contribuer à contourner les contrôles à priori du Code : l’exemple du marché de fourniture, matériel, mobilier de bureau et consommables informatiques
Pour un marché de fourniture inférieur à 15 millions (seuil pour l’Etat, les Collectivités Locales et les établissements publics), l’Autorité peut passer une Demande de Renseignement et de Prix (DRP). Qui est une procédure simple et à cet effet, l’AC choisit ou invite au minimum cinq candidats qu’elle est sûre qu’ils sont capables d’exécuter le marché et attribue celui-ci au moins-disant. Cette possibilité, si elle n’est pas contrôlée, permet à l’Autorité Contractante de faire plusieurs DRP pour éviter d’initier un appel d’offres.
A la revue du PPM, la DCMP vérifie donc les regroupements pour éviter les fractionnements frauduleux, leur connaissance de la liste des appels d’offres sur fourniture, consommables et travaux sur l’année en cours pour chaque AC les y aidant.
Si tout est en règle, seulement la DCMP publie dans le portail, le PPM de toutes les AC avec des données fiables et précises sur les dates jalon, le chiffrage (le montant estimatif étant confidentiel et n’est pas publié) le mode de passation et autres données sur le marché.
Au vu de cette analyse et d’une enquête effectuée auprès des Autorités de contrôle des marchés publics, le Think tank Ipode a étudié les différents problèmes et blocages qui ont fait dire au Chef de l’Etat qu’il y a un problème de lenteur et d’efficience dans l’exécution des marchés pour justifier la nécessité de cette réforme. A ces problèmes et blocages soulevés, nous proposons des solutions pratiques et «consolidantes».
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